Retrouvailles ukrainiennes à Saint-Bruno-de-Montarville

Pour fuir la guerre, une partie de la famille de Sergey Olishevsky a quitté l’Ukraine. Elle demeure maintenant à Saint-Bruno-de-Montarville.

Deux mois après notre première rencontre avec Sergey Olishevsky, la famille s’est agrandie dans cette maison de Saint-Bruno-de-Montarville.

Les réfugiés ont traversé la frontière entre l’Ukraine et la Pologne le 5 mars. L’arrivée à Montréal a eu lieu le 6 avril.

Le Montarvillois Sergey Olishevsky a réussi à rapatrier sa mère, Liubov, son père, Valerii, sa sœur enceinte, Olena, ainsi que son neveu Vlad.

Olena doit accoucher en juillet, d’une petite fille. La maman est suivie dans une clinique. « La priorité, c’est Olena, dira Sergey Olishevsky. Sa sécurité. C’est d’ailleurs pour cette raison que mes parents sont avec nous. Ils ne voulaient pas quitter l’Ukraine. Mais ils désiraient voir la naissance de leur petite-fille. Rencontrer notre fils en personne. Passer du temps avec nous. En sécurité. »

Déracinement

En Ukraine, les parents de Sergey Olishevsky ont vécu presque toute leur vie dans la même maison. Le père est âgé de 72 ans. La mère en a 66. Leurs racines sont là-bas. Ils veulent y retourner, passer leurs derniers jours à leur domicile. « Leur cerveau comprend le danger. Mais leur cœur est encore là-bas », illustre le fils.

Ils ont quitté l’Ukraine à la hâte. Brusquement. Sans rien planifier. Arrachés de leur patrie. Les aînés ont laissé derrière eux une maison et une fermette, un verger, des pruniers, des cerisiers, des pommiers. « C’est la saison où ils travaillent. C’est cet endroit qui donne un sens à leur vie. C’est comme si quelqu’un leur avait arraché une partie de leur existence la plus heureuse. En laissant tout derrière, sans personne pour s’occuper de ce lieu, les mauvaises herbes vont tout envahir. C’est le sentiment de mes parents, actuellement. »

La femme de M. Olishevsky, Snizhana, compare la vie de ces retraités à un vieil arbre. Un arbre dont les racines sont enfouies si profondément qu’il est parfois difficile d’en assurer la survie s’il est déraciné et replanté ailleurs. Les probabilités d’adaptation, pour eux, ne sont pas les mêmes que pour Vlad, par exemple. Ni pour la petite à naître.

« Leur cœur est encore là-bas. » – Sergey Olishevsky

D’ailleurs, à 11 ans, Vlad fait déjà partie d’une classe de 5e année à l’école De Montarville. Il apprend le français. Avant même son arrivée, la moitié de la classe savait. Son histoire en a fait pleurer plus d’un. Ses camarades de classe sont amicaux et ouverts. « C’est cool et c’est génial », commente-t-il en ukrainien. Dans la rue où son oncle habite, il a fraternisé avec d’autres petits voisins. Ensemble, ils font du vélo et jouent au basket. « J’ai reçu un bon accueil. » Il veut devenir un vrai Canadien. Terminer ses études et aller à l’université. Une tradition familiale. Mais ce qu’il souhaite ardemment, c’est de revoir son père. Puis de rencontrer sa petite sœur.

Ombre au tableau

Malgré ces retrouvailles, l’accueil chaleureux et tous les dons qui ont été remis à la famille, il n’en demeure pas mois qu’il y a une ombre au tableau. Aujourd’hui, il y a un sentiment de soulagement, mais aussi de tristesse. Le mari d’Olena est demeuré en Ukraine, à cause de la mobilisation générale. « Ma grossesse a été un facteur dans notre décision. Mon mari insistait pour que je quitte. La guerre empirait. Il nous a mis dans une voiture, tous, et nous avons quitté vers la Pologne. À la frontière, ça n’a pas été très long. On s’est dit au revoir. Vlad a pleuré toute la soirée. Mon mari est retourné dans sa ville natale. En ce moment, il ne combat pas. Ça me soulage un peu », se rappelle Olena. Son mari travaille dans le domaine de la construction. Un métier très en demande en ce moment. L’Ukraine doit être rebâtie. « Mais il veut tout faire pour nous rejoindre au Canada », ajoute-t-elle.

La nuit, Olena et Liubov, deux professeures, se réveillent et enseignent en ligne aux enfants d’Ukraine. Elles veulent contribuer afin que les élèves terminent leur année scolaire. La fille enseigne l’anglais, la mère, les belles-lettres. « Parfois, quand on donne nos cours, les sirènes se font entendre. Les enfants doivent s’enfuir pour se cacher », relate Liubov, qui se sent coupable d’avoir laissé des amis derrière.

Les avions qui survolent le ciel de Saint-Bruno rappellent d’ailleurs de mauvais souvenirs aux nouveaux venus. Le train, qui longe la route 116, aussi. La crainte des bombardements n’est jamais loin.

Pour Sergey Olishevsky, ces moments passés en famille sont du bonheur. Bien qu’il y ait toujours cette amertume qui traîne quelque part. L’impression d’une tâche incomplète, parce qu’il manque un membre à la famille. « Ce sont de grandes responsabilités. Mais je suis content. Mon rôle est de les rendre heureux, ici. Afin qu’ils s’intègrent, qu’ils soient à l’aise dans leur communauté. J’aimerais qu’ils partagent le même sentiment que ma femme et moi avons pour le Québec et le Canada. »

QUESTION AUX LECTEURS :

Comment comptez-vous aider les Ukrainiens qui arriveront au pays?