La charrue devant les bœufs

La Ville de Saint-Bruno, avant les grandes vacances estivales, rendait public son Plan de conservation des milieux naturels et de réduction de l’empreinte environnementale. Le rendre disponible au début de la période estivale et demander aux citoyens de se prononcer avant le 13 juillet s’avérait une insulte à l’intelligence et une bonne façon de noyer le poisson afin d’aller de l’avant sans que l’ensemble des citoyens en saisisse véritablement le contenu et les enjeux.

La Ville adopta le tout lors de sa séance du 27 août devant la grogne et la méfiance des citoyens présents. Cette volonté d’aller rapidement relève beaucoup plus d’impératifs politiques que d’une démarche logique et rationnelle. En effet, la Communauté métropolitaine de Montréal a adopté au printemps son Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). L’agglomération de Longueuil devra modifier son plan pour s’y conformer et ensuite chaque municipalité, incluant Saint-Bruno, devra en faire de même. En d’autres termes, on met la charrue devant les bœufs, comme le dit l’adage populaire.

« Le Plan de conservation de Saint-Bruno s’inscrit dans le prolongement direct du Plan d’urbanisme municipal », peut-on lire à la page 4 du document qui nous est soumis. En effet, il est dans le prolongement du plan d’urbanisme, mais pas pour les bonnes raisons. Celui-ci a été adopté le 17 juin 2009, alors qu’il avait été décrié par plusieurs intervenants et juste avant les grandes vacances (encore une fois!). Le soir de l’adoption du plan, monsieur Benjamin déclarait, pour répondre aux nombreuses critiques : « Le conseil municipal de Saint-Bruno veut conserver dans leur état actuel les terrains privés à l’arrière du Pensionnat des Sacrés-Coeurs, protéger les bâtiments patrimoniaux ainsi que les milieux humides » (Journal de Saint-Bruno, le 17 juin 2009). La protection des bâtiments patrimoniaux, plus personne n’en a entendu parler depuis. La forêt à l’arrière du pensionnat des Sacrés-Coeurs, adjacente au parc, est affectée au développement résidentiel. Enfin, concernant la protection des milieux humides, le conseil tergiverse et tourne autour du pot: après l’adoption de ce document, un autre comité devrait voir le jour avant décembre 2012 et cette fois, les propriétaires-promoteurs en feront partie. Autant dire qu’on introduit le loup dans la bergerie. La localisation des 39 hectares restants au sud 116 n’a jamais été identifiée clairement sur une carte. Dans le présent plan, nous avons un astérisque!

Le plan d’urbanisme ne faisait aucune mention de tous les territoires boisés au pourtour du parc du Mont-Saint-Bruno et ce plan va dans le même sens : il ignore la forêt des Hirondelles comme territoire à protéger, ne fait pas mention des terrains boisés adjacents au parc du Mont-Saint-Bruno comme les terrains boisés à l’arrière du pensionnat des Sacrés-Coeurs.En fait, on met en place tout l’arsenal réglementaire pour achever la déforestation autour du parc national. Perspective déprimante quand on songe que la Montérégie, en particulier, et la région métropolitaine de Montréal, dans son ensemble, accusent un déficit certain de leur biodiversité : destruction des territoires boisés et de nos milieux humides aux fins de construction.

À force de détruire nos écosystèmes, de les rogner, d’y construire des routes et des maisons, il faudra bien se rendre compte que l’asphalte ne purifie pas notre air et que ce conseil détruit morceau par morceau, de façon systématique, tous les milieux humides et naturels restants.

Jean-Claude Bergeron

Saint-Bruno-de-Montarville