Pour ou contre la démocratie?

Édito de Frédéric Khalkhal

rédacteur en chef du journal Les Versants

 
Les journalistes d’enquête espionnés… Est-ce vraiment une surprise?
Pas besoin d’être un journaliste d’enquête pour être intimidé, rabroué, accusé, diminué, rabaissé par certaines personnes qui n’aiment pas trop le métier. Et comme diraient les policiers, « si on n’a rien à cacher… ». La critique objective est cependant toujours la bienvenue.
Par contre, combien de personnes citées dans le journal auraient aimé faire disparaître les informations données en utilisant tous les moyens en leur pouvoir? Menacer le journal d’une poursuite longue et coûteuse sans jamais en faire la moindre démarche, parler à l’éditeur du journal en faisant jouer des contrats publicitaires qui pourraient être en jeu dans le futur, décrédibiliser une publication en disant qu’ « il ne faut pas toujours croire ce qui est écrit dans les journaux…» Bref, ce ne sont pas les exemples qui manquent et ils viennent de partout.
Les pressions faites sur les journalistes sont presque devenues un sport national et cela fait partie désormais du métier. Alors, pourquoi la police se gênerait-elle? Sauf que si quelquefois ça marche, parfois ça casse.
L’indignation soulevée autour de ces affaires montre que le public n’est pas encore prêt à se séparer de ses sources d’information. Même si parfois il critique le traitement de la nouvelle, le public a montré clairement dans sa réaction qu’être informé, c’est du savoir et le savoir, ce n’est pas seulement du pouvoir, c’est aussi de la démocratie.
Arrêtons-nous une seconde et imaginons un monde sans médias… Non, finalement, je préfère ne pas y penser.
Le journaliste n’a qu’un seul patron, le public. Tuer les journaux en exécutant leur source d’information, c’est enlever le ciment des briques d’un édifice. Il s’effondre, comme une société s’effondrerait sans information objective.
Et si une société ne veut plus de journaux, alors, donnons le mandat aux policiers de surveiller les téléphones des journalistes, car sans sonneurs d’alerte, il n’y a plus rien.
Les informateurs courageux ne s’adressent pas qu’à Patrick Lagacé, Marie-Maude Denis ou Alain Gravel, on les retrouve aussi au journal , toutes proportions gardées, pour dénoncer un établissement scolaire qui pourrait sévir contre leur enfant, pour dénoncer les pratiques d’une Ville qui pourrait devenir plus exigeante envers cette personne, ou même pour parler de son voisin aux pratiques douteuses qui pourrait se venger.
Pourrions-nous imaginer une école, une Ville ou encore un voisin demander à un juge de paix d’espionner le téléphone de nos journalistes pour savoir qui a prévenu le média? Pire encore, pourrions-nous imaginer qu’un juge de paix accepte cette demande? Et pourtant, c’est ce qui s’est passé avec les policiers.
Il est temps de voir les actions concrètes de nos politiques pour protéger nos sources. Sont-ils pour ou contre la démocratie? Sont-ils pour ou contre les sonneurs d’alerte?