Natalia Botata : de Saint-Pétersbourg à Longueuil

Journée internationale de la femme

Il y a quelques années, Natalia Botata a immigré au Québec avec sa petite famille. Accompagnée de son mari congolais et de leurs deux jeunes enfants, cette femme originaire de Saint-Pétersbourg, en Russie, est venue s’installer à Longueuil. Dans le cadre de la Journée internationale de la femme, voici son histoire.
C’était en 2008. Année électorale en Russie lors de laquelle Dmitri Medvedev succède au président Vladimir Poutine, qui a atteint la limite constitutionnelle de deux mandats. Mais ce n’était pas la raison du départ de la famille. « Après les études de mon mari, nous parlions déjà de partir. Mais pour moi, pour ma famille, mon mari a décidé de rester en Russie un peu plus longtemps. Alors, quand est venu le temps de quitter les lieux, notre décision avait déjà été longuement réfléchie », raconte Natalia Botata, que le journal a rencontrée.
Natalia Botata est enfant unique. En Russie, elle n’a que sa mère et sa grand-mère, qu’elle a laissées derrière elle pour venir s‘installer au Québec. Mariée en 2000 avec Jean-Emmanuel Botata, Natalia donnera naissance à deux enfants, un garçon de six ans et une fillette de huit ans au moment du départ. Depuis, une deuxième petite, née à l’hôpital Pierre-Boucher, a vu le jour en 2009. Quant à son mari, la majorité des siens (une famille de 10 enfants) vit encore au Congo-Brazzaville; seul son frère est installé au Québec, à Longueuil en fait, depuis un certain temps, pour ses études.
De malheureux événements précipitent leur départ, en 2008. Natalia parle de tueries dans les rues du pays, perpétrées par des bandes de skinheads, et qui mènent, entre autres, au décès d’un camarade de son mari. « Nous avions peur pour notre sécurité – pour mon mari, et mes enfants, qui sont métis; ils étaient en minorité – alors, nous avons quitté la Russie », se souvient la dame.

« Nous allions vers l’inconnu, mais en même temps, c’était une nouvelle expérience. » -Natalia Botata

Nouvelle expérience
Ils quittent avec quelques valises seulement. « On a presque tout laissé. C’était impossible de tout apporter. Nous allions vers l’inconnu, mais en même temps, c’était une nouvelle expérience. J’avais confiance en mon mari : il prend de bonnes décisions. Puis sur place, nous avions le soutien de son frère, chez qui nous avons habité les premiers temps. »
Pour Jean-Emmanuel, l’adaptation est facile. Il parle déjà français et son frère est présent. Mais pour Natalia et les enfants, tout est à refaire, dont l’apprentissage de la langue. Pendant que sa progéniture apprend le français en classe d’accueil, Natalia suit aussi des cours, car elle a oublié les notions qu’elle savait. En effet, en Russie lors de son adolescence, Natalia avait étudié la langue de Molière. « Je n’avais pas suivi ces cours avec sérieux, parce que je n’en voyais pas l’utilité… à l’époque. J’ai recommencé en arrivant ici et ç’a été facile, parce que j’avais la base. »
Les enfants
Aujourd’hui, neuf ans après leur arrivée au pays, ils sont toujours à Longueuil, mais demeurent dans une maison. L’aînée des enfants termine en juin sa dernière année de secondaire et souhaite devenir écologiste. Elle est inscrite en sciences au Cégep Édouard-Montpetit pour septembre prochain. « Je suis très fière d’elle! Elle travaille tout le temps et se force pour avancer. Elle aime les sciences, la nature. Elle suit les traces de son père », relate la maman. Son garçon étudie actuellement en 3e secondaire et songe déjà à poursuivre une carrière en aéronautique. Il souhaite devenir ingénieur dans l’aviation. Quant à la plus jeune, celle qui est née ici, elle a sept printemps, est en 2e année et s’amuse encore, comme une enfant. Elle aime beaucoup danser. « Les enfants ont tendance à s’adapter plus facilement et plus rapidement que les adultes », remarque Natalia, qui rêve de devenir dessinatrice de vêtements.
À la naissance de la petite dernière, Natalia s’est fait une amie avec qui parler, une maman qui venait tout juste d’avoir son bébé elle aussi. Ce qui a facilité les discussions, mais peut-être aussi était-ce son pays d’origine : « Elle était de Saint-Pétersbourg, mais on ne s’était jamais connues auparavant. Le monde est petit! »
Emploi
Depuis deux ans, Natalia est à l’emploi de Fabricville, à Saint-Bruno-de-Montarville, en tant que conseillère. Elle dit qu’elle aime travailler avec les gens, les conseiller, les guider dans leurs besoins. Elle connaît bien les produits et communique facilement, mais elle admet que tout n’a pas toujours été rose. Diplômée en économie, elle n’a jamais travaillé dans son domaine, contrairement à son mari Jean-Emmanuel, qui a un doctorat en chimie. Peu de temps après avoir décroché son diplôme dans son pays natal, Natalia est devenue enceinte à deux reprises. « Après six ans à la maison, le retour sur le marché n’est pas facile. » Elle explique qu’elle a toujours rêvé de devenir designer et que c’est pour cette raison qu’à l’époque, en Russie, à la suite de son congé de maternité, elle a travaillé quatre ans dans une compagnie de décoration et de rénovation.
Au Québec, à la suite de ses cours de français, la mère de famille s’est inscrite au Centre de formation professionnelle Pierre-Dupuy, à Longueuil, pour en apprendre davantage sur la présentation visuelle et la décoration en étalages; elle a travaillé aussi un certain temps à Home-Depot. « Il me manquait encore quelque chose. Je souhaitais pousser plus loin mes connaissances. J’ai quitté ce travail, j’ai fait deux ans d’études et obtenu deux certificats d’excellence en présentation visuelle et en décoration », de poursuivre Natalia qui, après un séjour à Rona L’Entrepôt, a été contactée par Fabricville. Elle affirme qu’elle n’est pas encore au bout de ses rêves, qu’elle a encore du potentiel à réaliser et qu’en attendant, elle acquiert de l’expérience.
Regret
Natalia n’a qu’un seul regret, celui que ses enfants ne vivent pas l’expérience de connaître leurs grands-parents. Les parents de Jean-Emmanuel et le père de Natalia sont décédés. Depuis le départ de Saint-Pétersbourg il y a 9 ans, la mère de Natalia a fait le voyage jusqu’au pays à 2 reprises, soit en 2010 pendant 2 mois et en 2015 pendant 2 semaines. La femme, qui demeure encore en Russie afin de s’occuper de sa mère, sera de retour cet été. Quant à Natalia et les siens, ils ne sont jamais retournés chez les Russes. « Si c’était possible, nous y retournerions chaque année, mais c’est dispendieux. J’irais montrer à ma mère et à ma grand-mère ma petite dernière, qui apprend le russe dans une école de Montréal tous les samedis », explique-t-elle. Évidemment, elle aimerait que sa mère retraitée vienne les rejoindre ici. « C’est tellement tranquille et sécuritaire, calme. Mais elle garde sa mère avec elle et elle ne veut pas quitter la Russie. C’est une situation que je comprends et que je respecte. »
 Mot de la fin
« À notre arrivée au Canada, même si nous ne connaissions personne, nous étions bien à l’aise. C’était l’été – la saison des festivals de toutes sortes. Nous passions notre temps à découvrir de beaux endroits, des activités diverses, dont nous sommes rapidement devenus accros. Je me suis sentie comme chez moi dans cette société accueillante. Aujourd’hui, je me sens bien intégrée dans mon milieu de vie, et j’ai hâte de découvrir ce que la vie nous réserve. »