Lysiane à la cabane

Troisième génération des Marois à l’érablière

Depuis deux ans, quand la température grimpe au-dessus de 0 °C lorsqu’arrive le printemps, la Montarvilloise Lysiane Marois travaille à l’érablière familiale, située dans la municipalité d’Adstcok, en Beauce. Elle produit du sirop d’érable.
Son grand-père Hercule Marois, l’homme le plus fort que Lysiane a vu de se vie, et ensuite son père Mario Marois et son oncle ont travaillé sur cette terre de 64 hectares et de 4 500 érables à sucre. Depuis l’année dernière, c’est au tour de Lysiane Marois de s’impliquer. Presque seule. Son oncle revient parfois pour bûcher du bois.
En 2016, l’année de son baptême à l’érablière, Lysiane a passé 45 jours à la cabane et a perdu 20 livres, mais la jeune femme a battu un record de production qui datait de 1989. C’est son oncle, qu’elle surnomme affectueusement M. Miyagi, comme celui de Karaté Kid, qui lui a tout appris sur le fonctionnement de l’érablière. En trois jours. « C’est lui qui m’a enseigné toutes les étapes. J’étais tellement stressée, je prenais des photos avec mon cellulaire, et en soirée, je regardais les images et je notais le travail que j’avais à réaliser. » Cette année-là, au village, les gens ont gagé que la petite n’y arriverait pas, qu’elle ne passerait pas l’hiver. « J’ai plongé, pis j’ai jamais lâché. J’ai réussi et cette année, je suis revenue. »

« Le sirop, c’est comme de l’or. Quand je cuisine des crêpes à mes enfants, je ne veux plus voir une goutte de sirop. Ils doivent lécher leur assiette. Sinon, c’est moi qui termine mes crêpes avec leur sirop. » -Lysiane Marois

Au moment d’écrire ces lignes, la mère de famille a fait l’aller-retour à trois reprises, alors que l’année dernière, elle est revenue à Saint-Bruno-de-Montarville une seule fois durant la saison. « J’ai appris qu’il n’y a pas un printemps pareil. J’ai commencé très tôt en février cette année, mais il y a un an, j’ai commencé les sucres en mars », explique Lysiane Marois, de retour parce que la météo prévoyait quelques jours de mercure au-dessous de zéro. Par chance, son téléphone intelligent lui permet de vérifier la météo qu’il fera au cours des prochains jours, mais elle doit grimper au somme d’une colline pour que ça fonctionne bien.
La nuit, il faut que le froid s’installe, et le jour, il faut que la température grimpe au-dessus de 0° C. « Si en plus, il y a du soleil, c’est le party et les érables n’arrêtent pas de couler! » Et si la température se maintient à 1, 2 ou 3 °C durant la nuit, Lysiane couche à la cabane, parce que la sève s’écoule dans les bassins, et tout pourrait déborder. « C’est dans ces moments que je suis comme un enfant et que je ne dors pas de la nuit. Je dois toujours surveiller. » Sinon, elle dort dans l’ancienne maison de ses grands-parents, du côté de sa mère.
Même si elle se plaît à la « sucrerie », la trentenaire avoue que ce n’est pas toujours facile, que ça demande de l’énergie et beaucoup d’heures de travail : de 16 à 18 heures par jour. Parfois, elle pleure. Surtout quand ses deux enfants viennent la visiter la fin de semaine et qu’ils repartent ensuite. Et parfois, elle n’hésite pas à sacrer dans la nature, quand rien ne fonctionne, quand sa motoneige s’enlise et qu’elle n’arrive pas à la sortir de la neige. « Ça sacre longtemps parce qu’il y a de l’écho… »
Écureuils, chevreuils et pics-bois 
Grâce aux avancées technologiques, le précieux liquide des érables n’est plus récupéré à la chaudière, comme à l’époque d’Hercule Marois. Aujourd’hui, la sève passe par 2 500 pieds de tubes branchés sur les érables et parcourt la forêt jusqu’aux 12 tuyaux noirs qui se déversent dans les bassins de la cabane. Mais parfois, les écureuils et les chevreuils mordillent les tubes bleus, ce qui diminue la pression. « Pour réparer les fuites, je me déplace selon le son. » Plus rarement, ce sont les pics-bois qui fracassent un morceau de tuyau noir et encore une fois, Lysiane se fie au son. « Ça sille et on l’entend de loin. »
Pour se déplacer dans le bois à travers les milliers d’arbres qui composent l’érablière, la Montarvilloise utilise la motoneige ou les raquettes.
Comme de l’or
Ça prend 40 litres d’eau d’érable pour obtenir 1 litre de sirop. Selon Lysiane, cela démontre tout le travail qu’il faut accomplir pour arroser ses crêpes le matin. « Le sirop, c’est comme de l’or. Quand je cuisine des crêpes à mes enfants, je ne veux plus voir une goutte de sirop. Ils doivent lécher leur assiette. Sinon, c’est moi qui termine mes crêpes avec leur sirop. C’est vraiment beaucoup d’ouvrage et c’est sans arrêt. Il y a toujours quelque chose à faire. »
La transformation à Saint-Bruno
À Adstock, Lysiane s’affaire à séparer le sucre de l’eau afin d’en produire du sirop. Mais c’est son père, Mario Marois, de l’entreprise Marois et fils, qui fait la transformation, ici à Saint-Bruno-de-Montarville : sucre d’érable, tire, beurre d’érable, cornets.
La relève        
Il est clair, pour Lysiane Marois, qu’elle est en train de prendre la relève de son père et de son oncle, et avant eux, de son grand-père, d’autant plus qu’elle se plaît à travailler les sucres et qu’elle qualifie son emploi printanier de « meilleur job à vie »! C’était son idée de relancer l’érablière, qui a été un an sans rien produire. « Au départ, mon père ne voulait pas que j’y aille, ne voulait pas que je m’implique. Il croyait que je ne serais pas capable. Mais aujourd’hui, son discours est différent. Il est fier de moi. Il est très content », de poursuivre Lysiane.
Un article dans La Presse + nous apprenait il y a quelques semaines que la province dénombre quelque 13 500 producteurs de sirop d’érable, dont 2 327 sont des femmes qui détiennent des parts dans 30 % des 7 300 entreprises acéricoles. Parmi elles, 345 sont âgées de 40 ans et moins (source : Fédération des producteurs acéricoles du Québec).