Utiliser des fonds publics pour préserver le Boisé des Hirondelles? Pas convaincu!

Pourquoi la Ville se porterait-elle acquéreur d’un terrain ayant fait l’objet d’une transaction en bonne et due forme entre deux parties privées? Pour empêcher son développement afin de protéger un milieu naturel? Voilà qui semble louable, mais voyons ça d’un peu plus près…

Pour bien comprendre les enjeux, il convient d’identifier les groupes qui s’élèvent le plus contre ce développement. En premier lieu, on compte certains résidants du Sommet Trinité. Si le souci environnemental constituait la principale raison de leur opposition au développement du boisé, n’aurions-nous pas eu droit à des requêtes similaires lorsque la Ville a effectué des développements ailleurs, comme celui derrière le Petro Canada sur le boulevard Clairevue au tournant du Millénaire? Si la valeur écologique du Boisé des Hirondelles était si importante, devrait-on aussi s’opposer aux passages fréquents et non balisés des cyclistes et autres usagers qui foulent et piétinent la flore dans ce secteur à développer?

Les réprobations des résidants de la montagne me laissent plutôt perplexe lorsque la protection d’un milieu naturel est évoquée. Leur quartier, limitrophe au boisé, a lui-même été érigé dans un secteur qui était, il y a à peine quelques années, un milieu naturel. Sur quelles bases alors peut-on s’octroyer des privilèges exclusifs qui seraient non applicables à ceux qui, à leur tour, voudraient légitimement s’établir au Sommet Trinité, sur un terrain privé et prévu à cette fin? Je comprends l’opposition des voisins du boisé, mais est-elle vraiment motivée par un souci environnemental? Cette lutte leur appartient. Je conçois que ce groupe veuille la poursuivre, car le désir de maintenir le charme de leur voisinage mérite d’être entendu, mais de grâce, épargnez-nous les visées environnementales et surtout l’utilisation des fonds publics. D’autres solutions pourraient être envisagées. 

L’autre groupe est constitué des politiciens réunissant l’opposition municipale et leurs sympathisants. Peut-on reprocher à une formation politique de s’opposer aux actions (ou inactions) de la formation adverse? Bien sûr que non! Il en va de notre démocratie, surtout quand la critique est constructive ou contribue à contenir les élans d’un gouvernement qui serait abusif. Or, tel n’est pas le cas ici. N’y a-t-il pas une limite à cultiver l’émoi pour ensuite proposer l’utilisation de fonds publics qui ne feraient que répondre aux demandes de quelques citoyens (dont les préoccupations environnementales m’apparaissent, à la base, plutôt sélectives)? Est-ce que cette formation politique, ou ses sympathisants, est associée aux critiques récentes qui évacuent la possibilité d’échanges édifiants en multipliant les interventions incisives, voire déplacées, et ayant provoqué la présence policière dans nos séances publiques du conseil municipal? Est-il encore possible qu’un débat serein entourant le Boisé des Hirondelles ait lieu ou est-ce que la question est maintenant devenue trop chargée d’émotion, exacerbée qu’elle serait par l’appât de bénéfices politiques? 

Terminons avec un troisième groupe : les citoyens qui ont déjà répondu aux appels des deux groupes précédents. Je salue leur détermination à participer à une démarche qu’ils jugent importante. Toutefois, pour moi, Saint-Bruno est depuis fort longtemps une ville verte qui fait déjà beaucoup pour protéger, valoriser et viabiliser ses milieux naturels et qui multiplie les efforts pour équilibrer développement et environnement (justement, quels seraient les autres moyens pour assurer le maintien des services sans hausse significative de taxes?). Je sais aussi que les autorités de la Communauté métropolitaine de Montréal ont adopté la position à l’effet que la densification urbaine est moins nocive pour l’environnement que l’étalement urbain. Dans ce contexte, j’ai du mal à me convaincre de me rallier à cela.

Qui plus est, je croirais ne pas trop me tromper en avançant que nous avons tous encore de nombreux gestes quotidiens et concrets à poser, ne serait-ce qu’en matière de consommation modérée et responsable, qui feraient bien plus pour l’environnement que de nous opposer à tout développement, surtout lorsque ce développement s’effectue sur un terrain privé prévu à cette fin; qu’il s’inscrit dans la suite logique d’un développement voisin antérieur (dont jouissent les opposants); qu’il est conforme à la densification urbaine jugée moins nocive à l’environnement; qu’il se tient dans un boisé fréquenté et non balisé, compromettant du coup sa valeur écologique; et qu’il ne risque en rien la préservation du parc national du Mont-Saint-Bruno, sa mission environnementale et son caractère idyllique.  

L’opposition et l’appel à la manifestation sont compréhensibles, mais elles appartiennent d’abord à quelques résidants de la montagne et, selon moi, tient davantage du désir – quoique légitime – de maintenir le caractère bucolique du voisinage plutôt que de la préservation d’un milieu naturel. Dès lors, devrions-nous appuyer l’utilisation des fonds publics pour résoudre l’impasse de quelques-uns, alors que ce terrain privé a été acquis en bonne et due forme en vue d’un développement? Il me semble que poser la question, c’est y répondre.

Stéphane Corbin

Saint-Bruno