Les enjeux du sommet sur l’Éducation

Je trouve malheureux que le débat sur un sujet aussi crucial que les universités québécoises ne porte que sur un sujet (doit-on faire payer plus, ou moins, les étudiants et leurs parents ?). Alors qu’il s’agit bel et bien de déterminer de quelles universités nous voulons. Quelques questions en vrac :

Est-ce que la mission première des universités devrait rester l’immobilier, comme c’est le cas depuis environ 20 ans ? (C’est en tout cas leur premier poste de dépense)

Pourquoi avoir abandonné la recherche fondamentale (nouvelles connaissances, donc du long terme) au profit de la recherche « appliquée » (utilisation des connaissances actuelles pour avoir des brevets rapidement, donc du court terme) ?

Est-ce que vraiment ces brevets devraient être abandonnés aux « partenaires privés » sans compensation sérieuse à la société [1]?

Quelles sont les conséquences de cette recherche « à rabais » pour la société [2]?

Qui devrait décider des projets de recherche ? Les chercheurs ? L’État ? Ou les « partenaires privés » ?

Quand à l’enseignement, devrait-il rester le parent pauvre des universités (3e poste de dépense derrière l’immobilier et la recherche) ?

Et quel enseignement veut-on ? Des universités qui donnent des cours de qualité accessibles aux plus de Québécois que possible ? Ou des universités « prestigieuses », comme certains le préconisent, qui engagent à prix d’or des chercheurs connus à l’étranger et qui accueillent le plus d’étudiants étrangers que possible (deux des critères les plus importants pour juger du « prestige » d’une université), refilant l’enseignement à des chargés de cours sous-payés ?

Réalise-t-on que le « prestige » coûte très cher[3] [4]?

Est-ce qu’on devrait maintenir la logique de la « concurrence » entre universités, connaissant le gaspillage qui en résulte [5]?

Pourquoi est-ce que les gros partis politiques ont rejeté du revers de la main la proposition que le vérificateur-général du Québec a fait après audit des comptes des universités ? Après tout, avant de donner plus d’argent (que ce soit via une hausse des frais ou par une injection directe de fonds publics ? Surtout devant le nombre incroyables de scandales qui sortent depuis des années dans ce milieu (c’est pire que la construction)[6] ?

Peut-on contrôler les dépenses faramineuses de la gestion des universités et leur hausse débridée[7] ?

Et quid de la « gouvernance » dans les universités ? Est-ce qu’on devrait continuer de laisser les décisions de plus en plus aux mains de gestionnaires provenant des conseils d’administration des grosses entreprises[8] ? Ou devrait-on  redonner un peu plus de pouvoir aux premiers intervenants du milieu (enseignants, étudiants, chercheurs) ?

On le voit, les sujets sont nombreux. On se demande comment le gouvernement peut penser qu’un sommet de…deux (2) jours pourrait, ne serait-ce qu’effleurer ces sujets.

 

Pierre Lagassé

Résidant de Saint-Basile-le-grand

 

Références:

[1] Par exemple, la recherche pharmaceutique est financée à 85% par les universités et les brevets laissés aux pharmaceutiques. Lesquelles nous font ensuite payer le prix fort pour les médicaments découlant de ces brevets (et qu’on achète sans négocier le prix, mais c’est une autre histoire).

[2] Puisque les universités leur paient le gros de la recherche et leur fournissent de la main d’œuvre bon marché (les étudiants en maîtrise et doctorat), les pharmaceutiques ont préféré fermer leurs propres centres de recherche, ce qui a coûté des emplois de chercheurs de qualité et ferment, à long terme, les débouchés en ce domaine.

[3] Le principal argument des hauts gestionnaires de l’UdM quand ils se sont donnés une énorme augmentation de salaire en 2009, rétroactive à 2007 et 2008, est que les universités les plus « prestigieuses » d’Ontario payaient mieux son recteur et qu’il fallait réduire cet écart pour rétablir le « prestige » de l’UDM.

[4] Un exemple parmi d’autres : les recteurs se paient des voyages à l’étranger pour faire du recrutement. Comme cet été quand 3 universités québécoises ont envoyés leurs gros gestionnaires à … Rio au Brésil. Suite à plusieurs voyages en Inde, les universités ontariennes ont ouvert un bureau permanent à Mumbai pour accroître leur clientèl

[5] 80 millions en publicité chaque année, bâtiments hors campus (Université de Rimouski à …Lévis, etc.) non rentables (Sherbrooke est passé d’un budget équilibré à un gros déficit après l’ouverture de son campus à Longueuil)

[6] Surtout que le milieu frauduleux de la construction a des accointances avec certains recteurs

(BUSAC et l’Ilot Voyageur : http://www.ledevoir.com/societe/education/192597/l-ilot-voyageur-devait-rapporter-30-millions-a-busac

Breton (recteur de l’UdM) et Catania : http://www.expressoutremont.com/Affaires/Construction-et-immobilier/2011-11-25/article-2815208/1420-Mont-Royal-%3A-une-transaction-de-28M$/1

(oui oui, « le » Paolo Catania sous la loupe de la commission Charbonneau)

[7] Entre 2000 et 2008 : Le personnel enseignant de l’université de Montréal est passé de 26% à 22% du personnel total des universités, tandis que le personnel de gestion est passé de 10% à 15%. À l’UQAM, pour la période de 2000 à 2006, la masse salariale des professeurEs n’a augmenté que de 19 % alors que celle du personnel de gestion a connu une hausse de 30 % et celle des cadres supérieurs, de 40 % .

De manière générale : dans les cinq dernières années, la masse salariale pour la gestion à l’UQAM a augmenté de 16,2 %, de 28,1 % à l’Université de Montréal, de 36,9 % à Laval, de 37,1 % à Sherbrooke, de 38,2 % à McGill, et de 180% à Concordia.

[8] Sous prétexte d’avoir un avis « indépendant »