Ces cerfs dans la cour

Les cerfs de Virginie sont encore nombreux à prendre d’assaut la cour arrière des citoyens de Saint-Bruno-de-Montarville, et ce, malgré l’intervention de la Sépaq en décembre dernier. 

« La diminution de l’automne dernier est loin d’être suffisante! » estime une citoyenne de Saint-Bruno qui a contacté le journal Les Versants.  

Rappelons qu’en décembre, la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) a abattu 80 cerfs de Virginie dans le parc national du Mont-Saint-Bruno. Une intervention jugée nécessaire par la Sépaq afin de réduire la surabondance de cerfs de Virginie et pour protéger les milieux naturels de la montagne.  

Selon la Montarvilloise, qui préfère demeurer anonyme, les cerfs de Virginie sont encore trop nombreux sur le territoire, notamment en dehors du parc national. « J’en vois dans ma cour arrière régulièrement. Ils continuent de sortir manger ce qu’ils peuvent sur les terrains des résidences. Ils abîment la végétation », répond celle qui habite une résidence de la rue Beaumont Est. 

Selon ses dires, les chevreuils occupent la cour arrière de sa maison, la cour de ses voisins à proximité et celles des propriétés de la rue Du Domaine adossées à la sienne. « Je les vois, dit-elle. Je prends des photos de temps en temps depuis une fenêtre en arrière de notre résidence pour documenter la situation. »

Cet hiver, nous avons aussi constaté la présence de ces bêtes sur le site du Club de golf Mont-Bruno, situé à flanc de montagne.

« La diminution de l’automne dernier est loin d’être suffisante! » – Une Montarvilloise anonyme

Aux premières loges pour voir le passage des cerfs de Virginie sur son terrain, la principale intéressée témoigne. « Ils viennent manger ce qu’ils peuvent. Branches de cèdres, branches de pommiers, bourgeons de magnolia, plants d’hydrangé… Depuis les dernières années, ils ont beaucoup endommagé nos grands cèdres », explique la dame.

Certaines des photos qui ont été partagées au journal illustrent des chevreuils maigres et affamés. « Cela démontre que la nourriture est probablement insuffisante pour soutenir une telle population. Ils sont souvent trois, mais aussi parfois un seul. Ils viennent dormir sous les cèdres au fond de notre cour une à trois fois par semaine. Ils viennent toutes les semaines, tôt le matin, parfois au milieu de la journée et à la brunante », relate la citoyenne qui les a photographiés à plusieurs reprises en décembre dernier, en janvier et en février. « Donc depuis que la Sépaq en a éliminé 80! »

La Montarvilloise souhaite maintenant que la Sépaq répètera l’opération d’abattage afin de réduire davantage le cheptel. Selon elle, ce n’est pas normal d’avoir des chevreuils dans sa cour aussi régulièrement.

Deux réalités différentes

L’intervention de la Sépaq dans la montagne, dans le cadre de son plan d’intervention pour la protection des milieux naturels, n’a pas fait grand bruit sur le territoire de Saint-Bruno.

Depuis son annonce, en février 2022, les citoyens ne sont pas montés aux barricades contre la décision de l’instance provinciale. Lors des assemblées du conseil municipal, les Montarvillois n’ont pas abordé le sujet afin de signaler leur désaccord. Le journal Les Versants n’a pas reçu de lettres ouvertes dénonçant le plan d’intervention de la Sépaq. Enfin, l’entrée du parc national n’a pas été bloquée par des manifestants qui prônent la survie des bêtes visées. « La Ville confirme qu’aucune plainte formelle n’a été reçue en lien avec l’opération de la Sépaq », affirme la porte-parole de la Municipalité, Manon Lacourse.

Pendant ce temps, du côté du parc Michel-Chartrand, à Longueuil, la Ville a reçu l’autorisation de la Cour supérieure du Québec pour réduire le cheptel d’une centaine de chevreuils. Ce qui a provoqué, notamment, des protestations, des manifestants devant l’hôtel de ville et des menaces de mort dirigées vers la mairesse, Catherine Fournier, et le conseiller municipal Jonathan Tabarah. 

Ici, c’est le calme plat. Dans le cas des bêtes qui se déplacent dans le parc Michel-Chartrand, celles-ci ont été apprivoisées par les gens du voisinage. Ils les nourrissent. Certains leur ont donné des noms. Il y a un lien de proximité plus grand encore que celui que peut créer, l’espace d’un instant, un marcheur dans le parc national du Mont-Saint-Bruno avec un chevreuil de passage. Aussi, le terrain de la montagne est plus vaste que le parc municipal de Longueuil. 

« À notre connaissance, il n’y a pas eu de plainte de la part de citoyens de Saint-Bruno. Pourquoi le débat a explosé du côté de Longueuil? Je n’ai pas d’explication, mentionne le Dr Vincent Paradis, de Proanima. On n’observe pas ce même sentiment d’appartenance à Saint-Bruno. »

Proanima récupère les cerfs morts en bordure de route sur le territoire de Saint-Bruno, entre autres. En 2023, l’organisme a ramassé 19 bêtes en sol montarvillois. À Longueuil, ce chiffre grimpe à 87 chevreuils frappés au cours de la dernière année. Des statistiques à la hausse, d’après le Dr Paradis.

De son côté, le président de la Fondation du Mont-Saint-Bruno, Alain Fréchette, évoque quant à lui une sensibilisation de la population. « Tout comme la Sépaq, la Fondation du Mont-Saint-Bruno sensibilise les citoyens depuis plusieurs années au sujet de la situation déchirante qui mène vers la perte de la biodiversité sur le mont Saint-Bruno. Cette perte semble désormais comprise par l’ensemble de la population », exprime M. Fréchette. 

La dégradation visible de l’écosystème forestier des lieux, la rareté des fleurs qui tapissaient le sol au printemps et le broutage fréquent et de plus en plus étendu, jusqu’aux terrains des propriétaires, font en sorte que les Montarvillois comprennent l’ampleur des dégâts causés par le cheptel. « De plus en plus sensibilisés et informés à l’égard des enjeux environnementaux, les citoyens comprennent que la santé et le bien-être des cerfs dépendent nécessairement de la santé et du mieux-être des écosystèmes qui forment leur habitat », poursuit Alain Fréchette.

La Sépaq n’a pas voulu commenter la situation.