Prendre sa place grâce à l’écriture

Vicki Laforce

« Vicki Laforce est une très grande poète qui a une plume unique, majestueuse. J’ai un grand respect pour son écriture, son choix de mots, ses métaphores. Elle est unique. Tu as entre les mains une pépite d’or poétique », glisse au journal l’organisateur de la Soirée Harpe et poésie, Pierre Poulin-Piel. Tête-à-tête, donc, avec cette fameuse « pépite d’or poétique ».

« Des paroles comme celles-là, ça fait chaud au cœur, ça me laisse sans mots… », mentionne Vicki Laforce. Elle hésite un peu, cherche quelque chose à dire, alors qu’une tasse de café chaud est déposée devant elle. Elle se lance : « Je ne suis pas aussi habile de vive voix qu’avec un crayon », dira-t-elle avec le sourire.

Vicki Laforce et l’écriture, c’est une histoire qui remonte à l’enfance. Au temps où elle était « toute petite ». « J’en ai gribouillé, des journaux intimes! Je me confiais, mais sans savoir toujours quoi écrire, ou pourquoi. Mais j’avais ce besoin de comprendre, de communiquer en moi, un besoin d’introspection. J’avais aussi un grand manque de confiance. Puis un jour, vers la fin du secondaire et au cégep, à 17 ou 18 ans, j’ai eu une révélation : je n’étais pas seule au monde à penser comme ça. »

Cette illumination, elle la doit à Albert Camus, Charles Baudelaire, Alain Fournier. Pour elle, il s’agit d’un premier contact avec la littérature. Au départ, elle privilégie le roman à la poésie. « Je dévorais tout ce qui datait du 19e siècle, dont plusieurs classiques : l’œuvre de Balzac, Germinal de Zola, Le Rouge et le Noir de Stendhal. C’était ma façon d’apprivoiser l’humanité et la condition humaine. Ces lectures m’ont aussi aidée à lire la philosophie lors de mes premières études », explique celle qui réside à Saint-Bruno-de-Montarville depuis sept ans.

Spleen 

À l’image de plusieurs des poèmes de Baudelaire dans Les Fleurs du mal, Vicki Laforce évoque également un état de spleen dans lequel elle se trouve lors de cette époque trouble, ce qu’elle appelle sa crise d’adolescence. Musicalement, elle est accompagnée de Jim Morrison et Led Zeppelin. « Je lisais et j’écrivais. Je sortais souvent. Je vivais une longue dépression. »

Vient alors le goût du voyage, de l’aventure, de la bohème. Elle arrête les études alors que l’Ouest canadien, la France, où elle retrouve l’esprit des romans dont elle a tant apprécié la lecture, le Costa Rica, où elle découvre la liberté, l’appellent. « Après mes cours de philosophie, j’ai fait quelques années d’expéditions. Je voulais essayer de comprendre. J’étais en quête d’autres choses, de la vérité, notamment, et aussi d’une façon de vivre hors du système », de poursuivre la poète.

Deux recueils, bientôt un troisième

Vicki Laforce écrit de la poésie seulement depuis les huit dernières années, depuis la fin de sa maîtrise en histoire. Elle a publié deux recueils; l’un en 2012 aux Éditions Première chance, Anémone des nuits, l’autre en 2015 aux Éditions RéLovution poétique, Je reprends mes quartiers.

Entre le premier livre, très classique, mais aussi très dense, et le deuxième, plus élagué et contemporain, il y a un monde de différence. « Lorsque j’ai rédigé Anémone des nuits, il y avait beaucoup d’années d’accumulation », indique l’auteure, qui qualifierait son recueil de « très noir », en raison d’un besoin de s’exprimer, en raison de colère retenue. Vicki Laforce était mal et avait de la difficulté à vivre en société. Elle dramatisait tout. Pour elle, ce recueil est synonyme de prison.

Dans le deuxième titre, Je reprends mes quartiers, la femme de lettres dit prendre sa place et sort de sa prison. « J’ai mis sur le papier ces poèmes à la suite de la rupture de mon couple, de la rupture de ma famille. Dans ces textes, je proclame faire ce que je veux de ma vie, de mon histoire. »

Enfin, dans le bouquin à venir aux Éditions de l’Étoile de mer, Étendues, l’écrivaine dit avoir mélangé le style des deux premiers. Il y a de la douceur, de la mélancolie, de l’espoir. Une sorte de liberté conditionnelle…

La quête de sens et la recherche du beau, une certaine nostalgie parsemée de romantisme et un goût de la convivialité et du partage orientent sa poésie. L’amour, la mort sont aussi des thèmes qui reviennent dans ses poèmes.

En plus d’une maîtrise en histoire, Vicki Laforce a aussi décroché une maîtrise en études du religieux contemporain. À la suite d’un stage en accompagnement spirituel à l’hôpital Charles-LeMoyne, la maman de deux enfants vient de décrocher un emploi en tant qu’intervenante en soins spirituels à l’hôpital de Verdun. « Je prends soin de l’âme en fin de vie. À la demande des familles, j’écoute les gens, je les accompagne, et ce, dans le respect du patient. Je remplace en quelque sorte l’aumônier. Il y a un côté philosophico-religieux à cette approche. Le stage m’a permis d’avancer sur le plan de la rédaction. Après une semaine de rencontres avec les patients, j’avais besoin d’écrire pour canaliser la douleur et la souffrance. »    

Mot de la fin

Vicki Laforce veut maintenant passer à une autre étape et mettre sur le papier un roman. Une idée qui se développera avec le temps. En attendant, la femme se dit fière de ce qu’elle vit actuellement. « Mes enfants, mon nouvel emploi, mon recueil qui va bientôt sortir. C’est étrange parce qu’après le premier, Anémone des nuits, je croyais avoir fini, mais la source est inépuisable et l’inspiration s’est poursuivie. Je n’avais pas envie d’avoir le profil du poète maudit. Je n’ai jamais voulu perdre la tête, mais plutôt trouver un équilibre. J’ai réussi à trouver ma place grâce à l’écriture. »