Une opération retardée par la COVID-19

En raison de la COVID-19, il y a des chirurgies en attente partout au Québec. Parmi ces cas laissés en suspens, notons celui de Pierre Poulin-Piel, qui attendait sous peu un appel de son médecin pour confirmer un rendez-vous, or tout a basculé à partir du 13 mars.

« Selon des directives très claires données par le ministère de la Santé et des Services sociaux, il nous a été demandé de reporter les chirurgies pour des pathologies bénignes, mais de maintenir des services chirurgicaux essentiels », confirme au journal Les Versants le conseiller aux relations médias et ministérielles du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est, Hugo Bourgoin.

Pierre Poulin-Piel avait passé tous les examens pré-opératoires nécessaires. Son dossier était complet. Il ne lui restait plus qu’à obtenir la date de son rendez-vous pour son opération à la hanche. Mais, le 17 mars, à la suite d’un coup de fil à l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, Pierre Poulin-Piel a reçu la confirmation que l’attente serait plus longue que prévue. « J’ai justement appelé à l’hôpital ce matin. Pour les hanches, tout est arrêté jusqu’après le virus », nous répond-il.

Un mois plus tôt, le 14 février, lors d’une précédente entrevue en personne, notre journaliste avait été informé de la chirurgie à venir pour ce Grandbasilois. « Ça fait longtemps que je traîne cela; au mois deux ans que la douleur s’accentue. Cette fois, je n’ai plus le choix, et c’est une question de quelques semaines », disait-il alors.

Prioriser les urgences

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, aborde fréquemment le sujet des chirurgies électives lors des points de presse quotidiens du premier ministre, François Legault. Afin que le système de santé se concentre sur sa bataille face à la COVID-19, Québec a ordonné aux établissements de la santé de privilégier les opérations urgentes. Cette directive permet de libérer des ressources en vertu de la pandémie qui frappe la planète, dont la province, qui n’est pas épargnée. Pierre Poulin-Piel n’est pas un cas à part; ils sont plusieurs comme lui. Ces patients qui doivent attendre la fin de la pandémie font partie des dommages collatéraux de la COVID-19, au même titre que les commerces qui mettent la clé dans la porte, les employés qui sont mis à pied, les événements qui sont annulés. « Malgré la situation, tous les patients qui nécessitent des traitements urgents sont traités sans délai, laisse savoir Hugo Bourgoin. Nous avons mis en place, comme demandé par le Ministère, des comités de vigilance pour la surveillance des activités de chirurgie pour avoir un programme sélectif et restreint. » Depuis le début de la pandémie, le CISSS de la Montérégie-Est propose trois salles d’opération en fonction à l’hôpital Pierre-Boucher, deux salles d’opération en fonction à l’hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe ainsi que deux salles d’opération en fonction à l’Hôtel-Dieu de Sorel.

« Pour les hanches, tout est arrêté jusqu’après le virus. » – Pierre Poulin-Piel

« Je comprends [la situation]. C’est correct, je prête mon lit afin, peut-être, de sauver la vie d’une personne atteinte du coronavirus. Mais ce n’est pas facile à vivre, confie Pierre Poulin-Piel. Je ne suis plus tellement autonome pour me faire à manger. » C’est qu’en plus d’être en attente d’une opération à la hanche, M. Piel est âgé de plus de 70 ans. Il ne peut donc pas sortir de son logis. Il vit seul et sa fille demeure en Gaspésie.

Le 28 mars, la vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, annonçait que tout déplacement jugé non essentiel était dorénavant interdit dans huit régions du Québec, notamment la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine. « Même si je pouvais sortir d’ici, ce serait très compliqué de me déplacer », affirme celui qui orchestre habituellement la Soirée Harpe et poésie, à Saint-Basile-le-Grand. Vu la situation dans laquelle il se trouve, il dit que son corps est en train d’en subir les conséquences; ses jambes sont enflées, ce qui lui fait vivre des frustrations quotidiennes. « J’ai des difficultés à m’habiller. Ce qui me prenait 15 secondes à accomplir auparavant me prend aujourd’hui 15 minutes. Rester debout pour me faire à manger n’est pas évident non plus. »

Il dort très peu, environ deux ou trois heures par nuit, « quelques minutes “rapaillées” toutes ensemble, ça fait deux ou trois heures. La souffrance, elle, ne prend pas de vacances et n’attrape pas le virus. Elle est là 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Je suis un homme épuisé par la douleur, le sommeil et l’effort. »

De l’aide de tous

C’est parfois dans les tragédies et le malheur que le meilleur de l’être humain fait surface. Heureusement, pendant son confinement, M. Piel peut compter sur l’aide de plusieurs personnes de son secteur. D’ailleurs, lors de l’appel téléphonique du journal, le principal intéressé ouvrait la porte à une bonne voisine, venue lui livrer quelques provisions. « Les gens et la société me donnent un coup de main. J’ai des voisins qui m’ont offert du soutien et qui pensent à m’appeler quand ils sortent pour leurs commissions. » Quand ce n’est pas une voisine qui lui apporte son épicerie, c’est une autre qui lui offre des repas préparés. Parfois, une jeune fille se porte aussi volontaire pour sortir les déchets. « Ce sont des gens extraordinaires! C’est très généreux de leur part. Je suis choyé! », témoigne-t-il avec un sourire dans la voix.

Depuis quelques jours, une infirmière du CLSC des Patriotes, à Beloeil, le visite pour vérifier l’état de ses jambes. Un service qu’il apprécie grandement, d’autant plus que le CLSC lui prête de l’équipement pour l’aider dans son quotidien : chaise d’aisance, marchette, ridelle de lit, barres de douche. « Mon médecin de famille a décrété que j’avais besoin de soins à domicile. Par bonheur, il y a l’aide du CLSC qui est arrivé récemment, et c’est miraculeux! »

En attendant, il écrit des poèmes, qu’il publie sur sa page Facebook et lit Le petit livre bleu de Félix, de Félix Leclerc. À propos des interventions quotidiennes du premier ministre, il dira de François Legault qu’il le trouve « rassurant, calme, impliqué auprès de la population ». Il poursuit : « C’est beaucoup de pression, mais M. Legault incarne une droiture qui le pousse à donner l’heure juste avec ses acolytes. Ensemble, avec Danielle McCann et le docteur Horacio Arruda, ils forment un beau trio. Ils seraient sur la première ligne dans un club de la Ligue nationale de hockey! » avance le partisan du Canadien de Montréal.

Quand on lui demande s’il trouve le temps long dans les circonstances, il assure que non, qu’il s’occupe. Mais plus tard, il trouve ces mots : « En vieillissant, les années ont plus d’importance et parfois, en ce moment, je crois perdre du temps précieux de vie dans cette attente. »

QUESTION AUX LECTEURS :

Êtes-vous aussi en attente d’une chirurgie?