Quand la COVID-19 influence les rappels alimentaires

Les rappels alimentaires sont en diminution en 2020. C’est ce que nous ont dévoilé l’Agence canadienne d’inspection des aliments et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, que le journal Les Versants a contactés.

Ce serait précipité de le confirmer, mais la pandémie serait peut-être responsable de cette baisse des avis de rappel d’aliments. C’est ce qu’affirment le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

Des chiffres à la baisse

Concernant les rappels alimentaires, d’après les données du MAPAQ, ils sont en diminution comparativement à la même date l’année dernière. En 2019, au 26 novembre, il y avait eu 112 rappels. En 2020, ils sont au nombre de 66. « Donc, il y a moins d’avis, répond le relationniste du MAPAQ, Yohan Dallaire Boily, interrogé par le journal. Pour l’instant, il est encore tôt pour expliquer la diminution, mais le ralentissement des activités dans l’industrie alimentaire dû au contexte global peut en être la cause. Mais il est encore tôt pour établir un lien. »

« Le signalement des avis à l’Agence a diminué, surtout durant le premier confinement. La situation actuelle pourrait avoir son influence. » – Jean-Louis Michaud

Les rappels alimentaires effectués par l’ACIA sont moindres, aussi. Annuellement, ceux-ci peuvent se compter par une centaine, parfois 150. L’Agence en a déjà réalisé plus de 200. « Ce n’est jamais le même nombre. Il y a une fluctuation année après année », mentionne le chef des opérations et spécialiste du domaine des rappels alimentaires de l’ACIA, Jean-Louis Michaud. Celui-ci affirme que jusqu’à présent pour 2020, « oui, il y a une baisse ».

Les marchés d’alimentation de la région confirment aussi que les cas de rappels alimentaires ne sont pas à la hausse. « Non, il n’y a pas eu d’augmentation », note le directeur général des Marchés IGA Lambert, Jessy Vézina. Selon lui, il y a des cas toutes les semaines. « Mais il faut savoir que ces avis sont effectués de manière préventive la plupart du temps. Il y a différentes étapes. D’abord on retire le produit rappelé des tablettes, puis, soit on le détruit soit on l’entrepose, en attendant d’autres informations. C’est plus complexe quand il y a de la transformation; il faut alors ratisser plus large. »

Puis, au tour de la directrice de Provigo Le Marché, Tanya Bouchard, de nous indiquer qu’elle n’a pas remarqué une hausse des rappels. « On n’en a pas eu plus que d’habitude. Je dirais que c’est demeuré assez standard. »

Les effets de la pandémie

M. Michaud ne le confirme pas encore, mais il estime que le facteur COVID-19 pourrait avoir eu une incidence sur la diminution des rappels. Quelques exemples à l’échelle pancanadienne, basés sur les années 2015 à 2020 : une moyenne de 21 rappels a été enregistrée au cours des cinq dernières années pour le mois d’octobre (13 en 2020); le mois d’août a aussi établi une moyenne de 21 rappels sur cinq ans (17 en 2020).

Selon Jean-Louis Michaud, il faudra voir toutes les conséquences de cette pandémie; des vérifications sont à venir. « Le signalement des avis à l’Agence a diminué, surtout durant le premier confinement (6 rappels en mai comparativement à 18 en moyenne sur cinq ans). La situation actuelle pourrait avoir son influence; l’activité économique est au ralenti et la vie normale des gens est en arrêt. La population en général est plus préoccupée par la COVID-19 que par autre chose. D’où l’intérêt d’une étude en profondeur dans les prochaines années pour analyser le véritable effet de cette pandémie », confie Jean-Louis Michaud.

Ce dernier croit aussi que le nombre d’éclosions sera évalué à la baisse, toujours en raison de la pandémie. « Plusieurs secteurs d’activités sont fermés ou l’ont été. Je pense aux services funéraires, aux mariages, aux buffets, aux congrès, aux partys… Forcément, il y a moins de foyers d’éclosion et moins de gens atteints d’une intoxication reliée à un agent pathogène. »
Un contrôle plus facile?

Le spécialiste de l’ACIA évoque un autre aspect influencé par le coronavirus. « La pandémie a réduit les activités partout. C’est aussi vrai sur les chaînes de production; non seulement il y avait moins de travailleurs, mais aussi une production moindre. Donc, peut-on parler d’un contrôle plus facile, qui expliquerait la baisse des rappels? »

Quand on leur demande quelles sont les raisons les plus souvent mentionnées pour expliquer un rappel, le porte-parole du MAPAQ, Yohan Dallaire Boily, répond que la présence d’allergènes non déclarés dans la liste des ingrédients « est constatée plus régulièrement ». Quant au représentant de l’ACIA, il corrobore le fait que les matières allergènes remportent la palme dans les raisons des différents avis. Il prend la balle au rebond et ajoute : « Parfois, il y a d’autres causes, par exemple la microbiologie (agents pathogènes qui peuvent causer des intoxications alimentaires, comme la listériose, la salmonellose, l’infection à l’E. coli…) ou encore la présence de matières étrangères (bois, métal, particules d’insectes, fragments d’os, contaminants chimiques…).

Mais qui signale les cas d’insalubrité alimentaire? À cette question, Jean-Louis Michaud, qui nous a accordé une longue entrevue, répond qu’il y a plusieurs éléments déclencheurs, à commencer par le programme de surveillance de l’Agence. On peut aussi compter sur les activités d’inspection du personnel des marchés d’alimentation et sur les signalements des consommateurs, « qui jouent aussi un rôle important, une partie significative des rappels ». M. Michaud précise : « Ce sont aussi nos partenaires gouvernementaux. Il y a des échanges d’information entre les pays. Puis il y a les médias, qui sont parfois avisés avant nous. Dès qu’il y a signalement, on enquête. »

Aviser la population

Les consommateurs étaient assez concernés par ces rappels… à savoir si l’information se rendait assez bien jusqu’à eux. Ce à quoi le chef des opérations de l’Agence canadienne d’inspection des aliments a mentionné « on aime bien quand les médias couvrent nos avis de rappels alimentaires parce que l’on veut que les gens soient concernés ». Puis de poursuivre : « La couverture médiatique permet d’aviser la population qu’il y a un risque. Si les médias n’en parlent pas, on ne joint pas les gens comme on le voudrait. On souhaiterait d’ailleurs qu’ils s’abonnent à notre page Web pour recevoir nos notifications; c’est une façon de rendre service à la population. »

Enfin, malgré la COVID-19, le journal a appris que les normes d’inspection des aliments sont demeurées les mêmes, autant du côté du MAPAQ que de l’ACIA.

QUESTION AUX LECTEURS :

Avez-vous déjà été intoxiqués par des aliments?