Accoucher en portant le masque ?

Une pétition « pour le droit d’accoucher sans masque  » à l’hôpital, lancée le 7 novembre dernier, a déjà recueilli plus de 11600 signatures.

En septembre et octobre derniers, le journal s’était entretenu avec Natacha Lafond alias « La Fée Marraine», une doula montarvilloise, et Anne-Sophie Grégoire, une maman grandbasiloise qui venait d’accoucher. Mme Lafond avait adressé les politiques des hôpitaux en matière de COVID appliquées en salle d’accouchement. Mme Grégoire, quant à elle, avait confié qu’elle n’aurait « pas accepté d’accoucher en portant un couvre-visage » et ne s’en croyait pas capable. C’est pourtant ce que d’autres mères affirment avoir dû faire, selon la pétition, qui reproche à plusieurs centres hospitaliers d’imposer le port du masque aux patientes accouchant.

Les témoignages

Le Regroupement Naissances Respectées (RNR), qui fait partie des signataires, a rapporté au journal ne pas détenir la liste complète des hôpitaux mis en cause, mais que « des femmes ont témoigné dans les médias concernant les hôpitaux de Québec, Sainte-Justine et LaSalle. » Le journal s’est renseigné auprès des départements de communications de chacun de ces centres hospitaliers quant à leur politique anti-COVID en salle d’accouchement. Du côté du CHU de Québec, on rejette totalement ce scénario. « Le personnel leur demande de porter le masque, simplement, mais on ne les force pas si elles ne le tolèrent pas. » Au CHU Sainte-Justine, on admet que « par mesure de précaution, l’infirmière peut demander à la patiente de porter un masque. » On précise que « cette mesure préventive suit en tous points les directives du Ministère de la Santé et des Services sociaux qui ont été mises en place dans tous les établissements de santé de la province depuis le début de la pandémie. » On assure également que le personnel « met tout en œuvre pour humaniser le séjour (des) mamans, (des) familles au CHU ». Au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, dont l’hôpital de LaSalle fait partie, on dit respecter la directive ministérielle quant au port du masque lors de l’accouchement.

Dans les consignes anti-COVID qu’il a publiées,  le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) recommande le port du masque pour les patientes enceintes, mais n’émet aucune précision ou directive propre à l’accouchement.

« C’est complètement inhumain. En plus des conséquences pour la mère, il y a celles pour le bébé. » – Natacha Lafond

L’impact sur l’accouchement

Selon Natacha Lafond, le fait d’appréhender le port du masque à l’accouchement causerait un stress additionnel à celui qu’occasionnerait déjà celui d’être en milieu hospitalier. Elle explique que le port du couvre-visage pendant l’accouchement nuirait à la condition physique de la patiente. « Accoucher est extrêmement physique et sollicite la respiration de façon importante. Un masque réduit sérieusement la quantité d’oxygène reçue par la femme qui accouche, et lui est très incommodant. C’est un inconfort additionnel aux sensations physiques naturelles à gérer lors du travail. Lorsque la patiente ne porte pas le masque, il est toujours accroché quelque part près d’elle. Ça déconcentre et détourne l’attention de la poussée. C’est complètement inhumain. En plus des conséquences pour la mère, il y a celles pour le bébé, qui lui aussi manque alors d’oxygène. »

Le rapport préliminaire d’une étude menée par la pandémie et publié le 25 septembre par l’Association Québécoise des Accompagnantes à la Naissance (AQAN) révèle une hausse des interventions habituellement non nécessaires, telles l’induction, et qu’elle serait attribuable au contexte pandémique.

Des mesures jugées superflues

Pour Natacha, le port du masque ne devrait pas être imposé à la patiente « puisque de toute façon, le personnel autour porte déjà son propre équipement de protection ». Elle juge aussi qu’il est superflu de leur faire passer un test de dépistage de la COVID-19 à leur admission à l’hôpital, car les délais pour avoir le résultat seraient longs et n’apporteraient rien dans l’immédiat. Au CHU Sainte-Justine, on confirme que « les résultats de ce dépistage sont habituellement livrés dans un court délai de 24 heures suivant la prise du test. Il peut parfois arriver des situations dans lesquelles ce délai ne peut attendre l’accouchement précipité d’une patiente à l’unité des naissances. »

Ayant assisté aux accouchements de ses clientes, elle reconnaît toutefois qu’ « en général, le personnel comprend la situation et fait preuve d’empathie ». On n’insistera pas auprès de la patiente indisposée par le port du masque. « N’empêche, on ne sait pas sur qui on va tomber. Ça dépend du niveau de confort ou de compassion de l’infirmière. Il n’y a pas d’uniformité, et c’est ce qui engendre beaucoup d’anxiété chez les patientes. »