Des enseignantes en confinement

Écoles fermées

Les écoles sont fermées depuis le 13 mars, d’abord pour deux semaines, maintenant jusqu’au 1er mai, au minimum, et probablement beaucoup plus longtemps. Isolées à la maison pendant cette pause dans l’éducation au Québec, des enseignantes de la région ont répondu aux questions du journal Les Versants.

Propos recueillis par Frank Jr Rodi

Qu’est-ce qui vous manque le plus de votre quotidien régulier?

Valérie Besner (enseignante de 5e année à l’École Mgr-Gilles-Gervais) : Ma routine me manque, puisque c’est sécurisant pour tous. Je m’ennuie de voir mes collègues en entrant le matin et d’avoir des fous rires avec ma merveilleuse équipe. Mes élèves me manquent énormément. Nous avions tourné la page sur la deuxième étape et au retour de la relâche, nous étions prêts à commencer un nouveau chapitre rempli de projets. Je pense à chacun d’entre eux. Ils me manquent, que ce soit par l’humour d’un, les regards d’une autre, la fierté d’une autre, les éclats de rire, les câlins, les sourires…

Elle représente quoi pour vous cette pause?

Valérie Besner : Un moment de faire un temps d’arrêt et revoir ce qui est important pour moi. Mettre mon énergie sur quoi j’ai le contrôle.

Jade Picard (enseignante de maternelle à l’École Mgr-Gilles-Gervais) : Une occasion de remettre les priorités en place et de nourrir le tissus familial de deux parents et deux jumeaux de 16 ans de 4e secondaire.

Et si les cours ne devaient jamais reprendre pour 2019-2020?

Valérie Besner : C’est l’impression que j’aie. Je ne me base sur aucune information reçue, seulement sur mon impression face à cette pandémie. Je trouverais cela triste de quitter mes élèves de cette façon. À la fin de l’année, on a le temps de se dire au revoir et les enfants sont heureux de quitter l’école pour des vacances d’été où piscine, voyage, amis au parc les attendent. Là, on s’est quitté un jeudi sans avertissement. Pour l’attachement de certains élèves, ça peut avoir un impact négatif. Je pense aussi à nos élèves qui terminent leur primaire ou leur secondaire de cette façon, sans revoir leurs amis, sans tous les rituels d’un passage d’un niveau à l’autre. De plus, si on ne reprend pas la classe, cela fera un trou de plus de cinq mois sans apprentissages à l’école. Je me rassure en me disant que beaucoup de valeurs importantes sont apprises à la maison actuellement, comme l’entraide. Par contre, ça demandera beaucoup d’adaptation au milieu de l’éducation pour reprendre, mais surtout s’ajuster à tout cela l’an prochain sans surcharger les enfants ainsi que les enseignants.

Jade Picard : J’ai confiance que tout l’appareil éducatif saura comment s’adapter à cette situation particulière.

« Mes élèves me manquent. » – Valérie Besner

Quelles notions les enfants de votre niveau manqueraient-ils si l’année n’était pas complétée?

Valérie Besner : La 5e est une année costaude, c’est-à-dire qu’il y a de nombreux nouveaux apprentissages qui se font et se poursuivent en 6e. Nous avons un programme à respecter, mais chaque enseignant présente les notions dans l’ordre de son choix pendant l’année. Ce que mes élèves n’auront pas vu n’est pas nécessairement la même chose d’une école à l’autre. Dans chaque école, il y aura un gros travail d’équipe au niveau pédagogique pour le retour l’an prochain afin de connaître ce qui n’a pas été vu.

Jade Picard : Plus on approche de la fin de l’année en maternelle, plus on multiplie les activité de lecture en préparation à la 1re année.

Avez-vous communiqué avec vos jeunes et leurs parents grâce à la technologie?

Valérie Besner : Absolument! Nous avons attendu et respecté les mesures du ministère de l’éducation qui disait que les enseignants n’enverraient pas de travail à la maison. J’ai vu passer sur Facebook cette phrase qui explique bien une des raisons pour laquelle le ministère ne nous demande pas d’envoyer du travail à nos élèves : « La technologie peut aider chez certains. La fracture numérique creusera encore plus le fossé chez d’autres. Seul un prof dans sa classe peut assurer pédagogie et véritable enseignement ». Lorsque l’annonce que le retour en classe ne se ferait pas avant le 1er mai, j’ai fait une vidéo pour mes élèves afin de les saluer, leur dire qu’ils me manquent et qu’ils pouvaient continuer de communiquer avec moi. Quelques élèves m’ont répondu et m’ont même dit qu’ils s’ennuyaient de l’école. Ils trouvent cela difficile de ne pas pouvoir voir leurs amis.

Jade Picard : J’ai envoyé une vidéo il y a quelques jours à mes élèves pour leur dire que je pense à eux, et leur montrer l’énorme arc-en-ciel que j’ai peint et mis à la fenêtre.

Comment occupez-vous votre temps libre à la maison?

Valérie Besner : Avec deux jeunes enfants et un conjoint en télétravail, ce n’est pas un congé reposant. Par contre, je ne me suis pas transformée en enseignante à la maison. Les enfants ressentent le stress que nous vivons et comprennent qu’ils sont à la maison pour des raisons majeures et non pas en vacances. Je n’ai pas envie de les stresser davantage avec le souci de performance scolaire. Donc, je profite de ce moment pour passer du temps avec mes enfants et prendre des nouvelles régulières de ma famille.

Jade Picard : Chacun est assez libre. Nous avons acheté une machine à coudre; ma fille a envie de modifier des vêtements, aussi je suis contente qu’elle ne fasse pas que de l’écran. Tout le monde doit faire de l’activité physique chaque jour. Nous soupons les quatre ensemble. Chacun a une journée dédiée dans la semaine pour proposer une activité familiale d’environ une heure.

Si vous avez des enfants d’âge scolaire, faites-vous l’école à la maison?

Valérie Besner : Absolument pas! Mon grand de 2e année fait de la lecture parce qu’il adore cela et il a commencé à écrire une bande dessinée inspirée d’un de ses livres : Capitaine Bobette et la vilaine madame Coronavirus. Pour mon plus jeune, en maternelle, il pratique 10 minutes par jour les nombres, mais rien de plus.

Jade Picard : J’ai dit aux enfants que les deux premières semaines étaient des vacances de Noël, mais [depuis], nous faisons deux fois une heure dans la semaine en français.

Que pensez-vous de la situation actuelle?

Valérie Besner : J’ai beaucoup d’inquiétude face à cette pandémie et les conséquences de celle-ci, comme tout le monde. Il y a beaucoup de négatif en ce moment, mais j’espère qu’on va en sortir avec du positif. J’ai espoir qu’on apprendra à mettre nos priorités au bon endroit.

Jade Picard : Cette crise se résorbera proportionnellement à l’obéissance des gens. J’étais moi-même dans le déni de gravité la première fin de semaine, [mais j’ai] compris autour du 16-17 mars que c’était sérieux. Je suis du type plutôt positif d’habitude!

Avez-vous un message pour vos écoliers?

Valérie Besner : Je les aime fort et je m’ennuie d’eux! Je sais que c’est difficile de ne pas voir ses amis, mais c’est un moment difficile à passer qui aura une fin. J’ai très hâte de les retrouver et j’espère que ce sera d’ici la fin de l’année scolaire!

QUESTION AUX LECTEURS :

Avez-vous un message pour les enseignants de vos enfants?