Une voix préventive contre la criminalité

Fady Dagher a reçu le journal Les Versants pour dresser le bilan 2016 du Service de police de l’agglomération de Longueuil. Nous en avons profité pour interroger le nouveau patron de police sur les orientations qu’il compte donner à son organisation.
Il a pris ses fonctions le 6 février cette année, pour diriger le Service de la police de l’agglomération de Longueuil (SPAL, qu’il ne connaissait pas. « Dans mes 100 premiers jours, je me suis donné le mandat de rencontrer les gens de l’organisation, que je ne connaissais pas. J’ai rencontré plus de 700 employés, chacun de mes cadres est venu une heure dans mon bureau », explique celui qui succède à Denis Desroches.

« J’ai rencontré les personnes qui se sont présentées à l’interne à mon poste. Elles ont fait preuve d’une très grande maturité. Les dissensions se sont dissipées rapidement. » – Fady Dagher

Et pour recevoir ses agents, le nouveau patron du 699, boulevard Curé-Poirier à Longueuil a mis à son goût ses nouveaux quartiers. Dans son bureau, un canapé marocain avec des couleurs chatoyantes et des coussins confortables surprend l’œil habitué au côté plus conventionnel du bâtiment. Sur une petite table, un livre photographique que semble regarder pour se détendre le locataire des lieux. Accroché au mur, un tableau montrant une policière offrant des ballons à une petite fille dans un parc.
Le chef de police de 48 ans est le premier issu d’une communauté ethnique au Québec. Il est arrivé à Montréal à 18 ans, en 1986, alors que la ville était plongée dans le chaos des émeutes après la victoire des Canadiens. Cet originaire du Liban venait de Côte d’Ivoire, où il vivait.
Il semble vraiment aimer sa nouvelle affectation même si plusieurs au SPAL ne voulaient plus d’un chef de police à Longueuil venant de Montréal.
« J’adore l’équipe et l’accueil qui m’a été donné. J’ai rencontré les personnes qui se sont présentées à l’interne à mon poste. Elles ont fait preuve d’une très grande maturité. Les dissensions se sont dissipées rapidement. Il y a beaucoup de compétence ici et il est évident pour moi que le prochain chef de police sera du SPAL. »
Avant d’occuper officiellement son poste, et jusqu’à la semaine dernière, le chef de police n’a pas voulu accorder d’entretien à la presse. Il a préféré enfiler l’uniforme et patrouiller avec ses agents. « J’ai été surpris par le côté humain du SPAL, ça m’a touché. Les employés habitent l’agglomération, leur lien d’appartenance est très fort. Je l’ai constaté de mes propres yeux, en faisant des patrouilles avec eux. »
Il dresse un bilan très positif de ses troupes, surtout sur les plans de la prévention, de la communication et de la répression. « Sur la prévention, j’ai rarement vu une organisation policière avec autant de programmes et de projets dans la communauté. »

Une nouvelle orientation

« Ce ne sera pas la vision du directeur Dagher, mais une vision inclusive de tout le monde. À l’automne, je vais pouvoir indiquer vers où on s’en va. »
Même si M. Dagher compte agir dans la continuité de son prédécesseur, il a fait comprendre qu’il ferait valoir ses compétences personnelles pour s’attaquer aux « crimes en émergences ».
« La santé mentale : elle n’a pas d’âge, pas de couleur, pas de groupe social. Les policiers ne sont pas formés pour des interventions psychologiques et psychiatriques. Ils ne sont pas encore très à l’aise à travailler dans ce domaine. Pourtant, dans l’horaire d’un policier de 8 h de travail, il peut consacrer très facilement 3 à 4 h de son temps à des appels de santé mentale. C’est énorme! Lorsque les policiers interviennent, on amène les personnes à l’hôpital et deux heures plus tard, elles en sont ressorties et on reçoit le même appel le lendemain. C’est toujours à recommencer. Il faut qu’il y ait là un travail du SPAL, mais aussi du ministère de la Santé, des groupes spécialisés en crise et des organismes communautaires qui sont aussi très présents. Ce ne sera pas un travail individuel. »
Il faut se rappeler que celui qui a été directeur adjoint au Service de police de la Ville de Montréal est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires pour cadres (EMBA) de l’Université McGill – HEC Montréal. Il cumule plus de 24 années d’expérience dans le milieu policier. Il a innové en élaborant la première Politique au Canada en matière de profilage racial et social. À Montréal, il a toujours accordé beaucoup d’importance à la criminalité liée à la santé mentale.
Sur la liste des crimes émergents, le chef de police a aussi en point de mire la violence conjugale et les agressions sexuelles. « Ce qui est préoccupant, c’est qu’il y a 45 % des violences conjugales au Québec qui font des victimes entre 17 et 29 ans. Pour les agressions sexuelles, il y a de plus en plus de jeunes qui en sont victimes, parfois même dès l’âge de 12, 13 ans en lien avec le phénomène de gangs de rue. Il faut sensibiliser sur ces problèmes les jeunes femmes et les jeunes hommes, car les deux peuvent en être les victimes. Il faut aussi travailler auprès des agresseurs, pour savoir comment il est possible de les réintégrer dans la société », conclut-il.