Une santé en déclin?

Selon une étude, la condition cardiovasculaire des jeunes québécois est en déclin. On en parle avec des intervenants locaux. 

« Il manque d’heures d’activité physique dans nos écoles, lance celui qui a été enseignant en éducation physique jusqu’en 2012 au primaire, Michel Lamarre. On répétait ça quand j’étais au baccalauréat, dans les années 80 (1984-1988). Je ne suis pas surpris de voir les données de cette étude, parce que l’on avait ce discours-là quand j’ai commencé à enseigner. »

« Un gym, c’est un élément vendeur pour une école! » – Michel Lamarre

D’emblée, il blâme les appareils électroniques, les écrans, les jeux vidéo. Entre autres. « Je ne suis pas de la génération des jeux électroniques. Mais en devenant professeur, on a vu l’évolution et la place que prenaient ces gadgets », ajoute Michel Lamarre. 

Des ballons dans la cour

Selon lui, c’est facile pour les parents d’acheter la paix, de chercher la tranquillité, en prêtant le cellulaire ou la tablette aux enfants. « Laissez traîner des ballons dans la cour… C’est ce que j’ai fait en tant que parent. Pour que ça devienne une routine. Pour que ça entre dans les mœurs et les valeurs de mes enfants. »

L’enseignant en éducation physique au primaire, Martin Fabre, n’est pas surpris de voir les résultats d’une telle étude. « C’est un phénomène que l’on constate depuis plusieurs années. Les chiffres sont alarmants et ça fait de la peine. J’ai l’impression que les gens ne sont pas si surpris d’apprendre que la situation est si grave. »

Or, personnellement, il est étonné par rapport à ce qu’il voit dans son école de Saint-Basile-le-Grand. « Ça ne semble pas aussi dramatique dans notre milieu », mentionne Martin Fabre, qui évoque un « paquet d’activités offertes autant le jour, le soir que le midi ». 

Une pandémie

Tous les deux s’entendent pour dire que la pandémie n’a pas aidé dans le déclin de la santé chez les jeunes. « Les deux ans de pandémie ont fait très mal. C’est un fait. Nos enfants ont moins bougé pendant cette période. Ils ont été surexposés aux outils multimédias. Ça fait partie des conséquences », rappelle Martin Fabre. Mais le problème remonte à plus loin, à plus profond encore que ces quelques mois passés à la maison.      

L’étude en question, réalisée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke, se concentre sur la santé cardiométabolique des jeunes au Québec. Le chercheur Mario Leone et son équipe observent une dégradation importante des capacités physiques des enfants et des adolescents âgés de 6 à 17 ans. 

Le test Léger navette

Le travail de Mario Leone et de ses collègues s’est déroulé sur une période de cinq ans, entre 2012 et 2017. Ils ont soumis au test Léger navette 3700 jeunes de plusieurs villes, dont Montréal, Québec, Laval, Trois-Rivières, Sherbrooke et Saguenay. Le test du BIP des années 80. Un examen qui a permis aux chercheurs de remarquer une détérioration de la condition cardiovasculaire des étudiants. D’après les données recueillies, la consommation maximale d’oxygène en aérobie des jeunes s’est réduite de 20 % depuis le début des années 80. 

Au cours des années, Michel Lamarre a constaté un ralentissement dans l’effort physique de ses élèves. « Les premières années, les jeunes étaient crinqués à faire de l’activité. Ils ressortaient du cours tout rouges, ils avaient chaud, ils suaient », raconte-t-il. Mais à travers les années, l’effort physique est devenu de plus en plus demandant. « Un effort cardiovasculaire, c’était demandant. »

Le fameux test BIP était au programme de Michel Lamarre dans les années 80. Mais dans les années 1990-1995, il a cessé cette pratique auprès des plus jeunes à la suite de plaintes de parents. « Nos tests étaient trop difficiles, trop exigeants. On a arrêté de le faire. Plus ça allait, moins les jeunes étaient en forme. C’est un constat… à force de s’adapter, on devient plus mou », illustre le Montarvillois, qui souligne que l’entraînement n’est pas seulement une discipline qui s’apprend à l’école, mais à la maison aussi. 

Pour Martin Fabre, le test BIP n’est pas matière à évaluation. Ce test d’endurance permet aux écoliers qui le passent de mieux se connaître, de découvrir leurs capacités et leurs limites. Dans le cours de l’enseignant, le test BIP est passé en début d’année et revient en fin d’année, pour observer les améliorations de chacun. Or, il admet qu’avec les années, les résultats démontrent un léger ralentissement. « Ce ne sont pas les mêmes chiffres si l’on compare les meilleurs de l’époque, il y a 12 ans, à ceux d’aujourd’hui. Au lieu de 10 et 11 paliers atteints, aujourd’hui, les résultats ne dépassent pas 9 paliers », résume Martin Fabre.  

Des solutions?

Michel Lamarre et Martin Fabre s’entendent pour dire que l’idéal serait d’augmenter les plages horaires consacrées à l’éducation physique. Pour Martin Fabre, le problème ne semble pas avoir de solution réalisable à court terme, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre qui sévit en ce moment. « On a besoin davantage d’heures d’éducation physique. Personne ne dira le contraire. Mais c’est une méchante gymnastique quand il faut prendre aussi conscience de l’horaire d’une école, de son personnel et des infrastructures. »

« Le gouvernement a été long à mettre en place les deux heures d’éducation physique par semaine, déplore M. Lamarre. Mais ce n’est pas qu’une question d’horaire. Ça prend des locaux, des gymnases. On roule à pleine capacité. Même avec l’ajout de 60 minutes, il n’y a pas de place! »

Celui qui a aussi été directeur insiste pour que le gouvernement investisse dans les infrastructures et les plateaux sportifs des écoles en nombre suffisant. Puis revoir les minutes consacrées à chaque matière. « Un gym, c’est un élément vendeur pour une école! »