Agriculture urbaine Saint-Bruno : une ferme futuriste mais sans financement

Agriculture urbaine Saint-Bruno recevait la ministre fédérale libérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire et le député de Montarville sortant ce matin pour soutenir un projet d’une ferme futuriste à Saint-Bruno.

L’agriculture du futur, c’est ce à quoi aspire Élizabeth Ménard depuis plusieurs années. Un édifice vitré où la culture des plantes se ferait en harmonie avec, tout près, les animaux de la ferme élevés en toute liberté. Un endroit où le visiteur viendrait à la ferme comme il irait au parc, dans un environnement verdoyant rempli d’arbres, où la proximité avec la ville permettrait de nourrir ses citoyens sans que ces derniers fassent de gros déplacements.

Ça, c’est ce qu’a dessiné sur le papier le cabinet Proctor and Matthews Architects. Il manque encore quelques dollars pour en arriver de la coupe aux lèvres.

« Je ne suis pas prête à faire avancer le projet sans qu’un autre palier de gouvernement, plus compétent sur la question, fasse le premier pas. » – Caroline Cossette

L’endroit est trouvé, à la jonction de l’autoroute 30 et de la montée Montarville à Saint-Bruno-de-Montarville. Ici, Mme Ménard loue, depuis décembre 2016, un terrain de 43 hectares. Cette année, elle y a cultivé du soya. L’équipe est plus que jamais motivée à monter le projet et est compétente pour le faire. Mme Ménard a réussi à convaincre la municipalité pour pouvoir faire de l’élevage sur le terrain. Ainsi brebis, poissons et canards pourront vivre en ces lieux lorsque leur habitat sera construit.

Mme Ménard a réussi à faire venir l’eau sur le terrain cet été. Un élément indispensable à l’avancée de son projet. La prochaine étape sera de demander à Hydro Québec d’amener l’électricité.

« Nous sommes dévoués à l’autosuffisance alimentaire de nos clients, à bâtir le nouveau visage de l’agriculture urbaine de Saint-Bruno avec la relève agricole de demain, à la préservation de la nature et à la diversité de la vie sur Terre, à la mitigation des conséquences de pollution et à la prévention contre la dégradation », peut-on lire sur le site d’Agriculture urbaine Saint-Bruno.

Ces avancements donnent espoir à Mme Ménard, qui attend cependant d’avoir les moyens de ses ambitions.

Un financement difficile

Le projet de Mme Ménard a été chiffré à 8,6 millions de dollars. « On pourrait commencer avec un premier versement de la municipalité. Cela nous permettrait de déposer des dossiers de financement auprès des autres paliers de gouvernement », explique au journal Mme Ménard.

Saint-Bruno a exprimé largement sa volonté d’aider le projet à voir le jour. L’évolution de l’agriculture urbaine est d’ailleurs l’un des mandats que se sont donnés les élus de la municipalité. Après avoir adopté sa Politique de Ville nourricière, et transformé les plates-bandes citadines en potager, le maire et ses conseillers ont accepté d’investir 850 000 $ sur 4 ans dans le projet de Mme Ménard « à la condition essentielle que les autres partenaires financiers prévus au projet confirment leur participation. Cette condition n’est toujours pas remplie à l’heure actuelle », affirme Caroline Cossette, conseillère municipale du district 3 à Saint-Bruno-de-Montarville, désignée comme étant l’administratrice du dossier.

La Ville préfère attendre

« Une de mes constatations est qu’il est très difficile pour les entreprises agricoles de trouver du financement et de monter un projet. C’est un domaine complexe et la Ville a très peu d’expérience sur le sujet. Je ne suis pas prête à faire avancer le projet sans qu’un autre palier de gouvernement, plus compétent sur la question, fasse le premier pas », d’ajouter Mme Cossette.

En attendant, le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI) a commencé à distribuer son enveloppe de 12 millions de dollars pour des entreprises demanderesses. Mme Ménard s’interroge sur la possibilité d’avoir accès à cette subvention : « Nous avons jusqu’au 3 novembre pour déposer notre dossier, mais si la Ville n’investit pas, nous ne pourrons pas remplir les critères. »

Quant au fédéral, une partie de la solution pour l’agricultrice se jouera dans les urnes le 21 octobre. D’ailleurs, Agriculture urbaine Saint-Bruno accueillait aujourd’hui, sur son site, la ministre fédérale libérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Marie-Claude Bibeau, en lutte pour sa réélection dans la circonscription de Compton-Stanstead. Elle était accompagnée par le candidat local de Montarville Michel Picard pour indiquer que si elle était réélue, elle s’engagerait à « réinvestir de manière importante dans le domaine agricole ».

Devant les constats de Mme Ménard soutenant que les pratiques du ministère de l’Agriculture en termes de prêt s’apparentaient plus à « celles d’une banque que celles d’un investisseur » et qu’il serait intéressant de prendre en considération le capital humain, technologique et d’expérience qui est investi dans une entreprise agricole, M. Picard a fait le parallèle avec l’industrie aéronautique : « C’est déjà le cas dans le domaine aéronautique, c’est donc faisable de l’adapter au monde agricole. »

Mme Bibeau, ministre de l’Agriculture depuis moins d’une année, est, en 130 ans, la première francophone du Québec à avoir été élue à ce poste. Une aide non négligeable pour Mme Ménard qui peut bénéficier encore un peu de toute son attention. Le 22 octobre, personne ne peut prédire que Mme Bibeau sera réélue dans sa circonscription et obtiendra de nouveau son poste de ministre de l’Agriculture. D’autre part, si la Politique agricole de gouvernement fédéral est destinée à changer, cela ne se fera pas du jour au lendemain.

L’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), voisine du projet de Mme Ménard, n’a pas encore travaillé directement avec Agriculture urbaine Saint-Bruno, encore une fois pour des raisons budgétaires. « Nous travaillons des projets avec des clients qui doivent avoir du financement. Dans notre travail, nous avons toujours une approche agricole et environnementale. » Inauguré en 2013, le centre de Saint-Bruno-de-Montarville, en Montérégie, est le plus important site voué à la recherche et au développement en agriculture biologique au pays.

Le conseil municipal devrait se rassembler le 2 novembre pour parler de nouveau du projet de Mme Ménard.