Une famille qui choisit la vie

Donneur d’organe à 21 ans

Les Yelle-Pelletier à Saint-Bruno-de-Montarville sont en deuil d’Alexis, l’un de leur trois enfants qui a redonné vie à quatre étrangers.

Le 7 décembre 2015, comme d’habitude, Alexis Pelletier, le cadet, se rend au travail. Cette journée, on lui avait demandé de refaire la toiture d’un garage. Une tâche assez banale pour lui, il était menuisier charpentier. Une fine glace sur la toiture, un harnais de sécurité qui ne fonctionne pas et, en perdant ses appuis, Alexis fait une chute sur la tête. « Ses collègues ont immédiatement appelé les urgences, car il était inconscient », explique Jocelyne Yelle, sa mère, une infirmière déjà sensibilisée au don d’organes, ayant travaillé pour Héma-Québec au registre des cellules souches. 

L’accidenté est directement amené à l’hôpital où l’on constate la gravité du traumatisme. La mort cérébrale d’Alexis est officialisée le jour même, à 22 h 20. « Dès qu’on nous a appelés pour nous annoncer l’accident, nous nous sommes vite réunis, ses deux frères, mon mari et moi, pour nous rendre à l’hôpital. J’ai compris rapidement que l’accident avait été grave », indique Mme Yelle, la voix remplie d’émotion. Avant même la constatation du décès, le sujet du don d’organes est abordé par la famille à qui on avait annoncé qu’Alexis n’allait pas s’en remettre.

« Pendant nos soupers de famille, de par ma profession, on parlait beaucoup du don d’organes avec mes enfants, sans bien sûr que cela soit une obsession. Nous étions tous d’accord, c’est pour ça que nous n’avons pas hésité à donner notre consentement au moment où nous avons su qu’il n’y avait plus d’espoir. »

L’accord des amis

Pendant deux jours à l’hôpital, les amis du jeune Montarvillois sont venus en nombre pour dire adieu à leur compagnon de travail, d’école, de vie. « Nous avons été très touchés de tout ce qu’ils nous ont rapporté. Certains nous indiquaient même qu’Alexis avait parlé à ses amis du don d’organes. Il leur demandait, à l’occasion, s’ils avaient signé leur carte de donneur », précise la maman.

Quelques jours plus tard, après avoir donné son consentement, la famille quitta Alexis. « C’était la dernière fois qu’on le voyait ainsi, comme s’il dormait », explique difficilement Gérald Pelletier, son père. Héma-Québec a par la suite informait la famille que le cœur, les reins, les poumons et le pancréas avaient été transplantés. Une mauvaise manipulation a rendu inutilisable le foie. Les ligaments, les os, la cornée, les tendons et la peau ont aussi été prélevés. « La seule volonté que nous avons indiquée à  l’hôpital, c’est que cela fonctionne », explique les parents, qui remercient encore la Mission du Dr Marsolais de les avoir accompagnés dans cette épreuve. Pour les parents, « c’est difficile de perdre un enfant, ce n’est pas dans l’ordre normal des choses. Nous avions investi beaucoup de capital émotif en Alexis et ses deux frères, qui étaient très proches. Ils avaient l’âge pour en récolter les fruits. » 

« Il y a un grand besoin de don d’organes. La situation est alarmante. Trop de familles s’opposent à ce geste lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Un geste qui peut pourtant sauver des vies. Si nous avons voulu témoigner aujourd’hui, c’est pour encourager les gens à faire ce geste. Alexis était jeune, en pleine forme et en santé, il ne fallait pas hésiter », de préciser Mme Yelle.

La famille a appris le 12 janvier que quatre receveurs avaient eu les poumons, le cœur et les deux reins d’Alexis avec succès. Une nouvelle qui les renforce dans leur conviction de militer encore plus fort pour le don d’organes.

Honneur posthume

Chaque année, à Sherbrooke, à l’occasion de la Semaine nationale du don d’organes et de tissus, dans le cadre d’une cérémonie intimiste, l’Association canadienne des dons d’organes souligne sa reconnaissance et sa gratitude envers les familles de donneurs d’organes et de tissus. Des représentants de Transplant Québec, d’Héma-Québec et de certains centres hospitaliers sont également sur place pour échanger et répondre aux interrogations des familles, s’il y a lieu. L’Association propose aux familles de graver le nom des donneurs sur un cénotaphe. Une autre occasion pour leur exprimer combien leur geste compte et a été porteur de vie. Il sera possible bientôt d’y lire le nom d’Alexis.