Un champ de tir partiellement protégé à Saint-Bruno

Depuis que le ministère de la Défense nationale a fait savoir qu’il souhaite se départir de son champ de tir situé au carrefour des villes de Saint-Bruno, Sainte-Julie et Saint-Basile-le-Grand, les spéculations vont bon train.

Aujourd’hui, même si le terrain n’a pas trouvé acquéreur, les environnementalistes peuvent être soulagés. « Au lendemain de mon élection, je me suis mis sur ce dossier pour redonner l’endroit aux gens de la circonscription. Aujourd’hui, le champ de tir est protégé par un décret ministériel qui a préséance sur la réglementation des municipalités. Le reste c’est de la procédure », aime à indiquer Michel Picard, député fédéral sortant de Montarville, à la veille des élections du 21 octobre. La décision gouvernementale a été affichée dans la gazette officielle le 22 août 2018.

Sainte-Julie avait déjà émis l’idée de développer un quartier domiciliaire écologique, mais le député est formel. « Il ne peut y avoir aucune construction sur ce terrain. Il est désormais totalement protégé. La mairesse de Sainte-Julie nous a indiqué qu’elle n’irait pas de l’avant dans ses plans d’agrandissement de son territoire. »

Contacté par le Journal, Julie Martin, porte-parole de Sainte-Julie, indique que la mairesse n’a jamais voulu vraiment développer cet endroit. « À la question d’un citoyen, elle avait indiqué une fois que cela serait une possibilité parmi tant d’autres », explique-t-elle. Mme Roy avait quand même poussé la réflexion un peu plus loin et pensait y voir une opportunité immobilière sur une partie du terrain. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, le 1 septembre 2018, (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1121228/avenir-ancien-champ-tir-defense-nationale-inquiete-mont-saint-bruno) elle reconnaissait qu’il faut conserver une partie du terrain, mais avait lancé l’idée de faire un « quartier écologique » sur une portion qui a moins de « potentiel ».

Le terrain situé à proximité du parc national du Mont-Saint-Bruno représente 441 hectares qui sont désormais interdits à tous. « Le terrain bénéficie désormais d’une protection complète. Même le ministère de la Défense n’y a plus accès et doit demander une dérogation au ministère de l’Environnement pour y avoir accès », d’ajouter M. Picard.

L’association sportive qui s’y était installée pour proposer à ses membres du ski de fond l’hiver et du vélo de montagne l’été a dû, elle aussi, quitter les lieux pour laisser la nature reprendre sa place.

Il y a un petit bémol avancé par les associations environnementales et notamment celle du Mouvement ceinture verte. Son coordonnateur, Sylvain Perron, se désole que le terrain protégé par le décret ne repose pas sur l’ensemble des 441 hectares. « Il n’y a que le territoire de la rainette faux grillon, une espèce menacée, qui est protégé actuellement. Rien d’autre. »

L’étendue de la protection est confirmée par le biologiste et directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) Alain Branchaud. « C’est une extrapolation audacieuse de la part du député fédéral de dire que l’endroit est protégé à l’exception des terrains de soccer. Il n’y a que l’habitat de la rainette faux grillon qui est protégé et l’endroit est tout petit sur ce champ de tir. Même l’habitat de deux espèces végétales en péril se trouvant sur le site n’est pas protégé. Seules les espèces sont protégées.

Pour les deux environnementalistes, le terrain doit être protégé et annexé au parc national du Mont-Saint-Bruno, géré par la Sépaq. « Le terrain ne doit pas être vendu, car la Sépaq n’aura pas les moyens, mais plutôt cédé. La Sépaq a besoin de cet espace, car elle est dans son parc en surcapacité. Si ce n’est pas possible, que Parcs Canada protège l’endroit en le rendant accessible au public. Protéger un endroit comme cela sans le rendre public ne sert à rien. »

À Saint-Bruno, on semble voir dans l’arrêté ministériel un pas dans la bonne direction, mais le souhait du maire de voir le champ de tir protégé définitivement n’est pas comblé. « Un bout de chemin a été fait, mais la protection ne porte pas sur l’intégralité du terrain. Nous sommes dans la subtilité d’écriture de l’arrêté ministériel. Je suis encore inquiet à ce stade-ci. Cela fait une quinzaine d’années qu’il y a des représentations pour que ce terrain soit cédé à la Sépaq. »

Seul Saint-Basile-le-Grand peut exploiter les terrains de soccer qui ont été aménagés avec l’accord du ministère de la Défense il y a quelques années. « Il n’y aura rien d’autre que des terrains de soccer », promet M. Picard.

« Il ne peut y avoir aucune construction sur ce terrain; il est désormais totalement protégé. » – Michel Picard

Processus de vente

Plusieurs groupes des Premières Nations ont été approchés, mais aucun intérêt particulier n’a été mis de l’avant. Ce sera maintenant, dans l’ordre, aux autorités fédérales, provinciales ou encore municipales à se prononcer sur leur volonté de récupérer ce terrain au prix de la valeur marchande.

Quant a l’effet de faire un don à la Sépaq, M. Picard indique « qu’il n’y a pas de solution unique quand il y a en jeu des deniers publics ».

Pour l’instant, le décret de la ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, interdit à quiconque d’avoir accès au terrain protégeant la rainette faux grillon. « Si ce décret était enlevé par le prochain gouvernement au pouvoir, tous les ministères fédéraux auraient la priorité de choisir s’ils veulent le terrain ou non. Si aucun ministère ne souhaite en prendre possession, ce sera au tour du gouvernement provincial, puis au municipal. Le terrain pourrait aussi être vendu pour un dollard symbolique », de conclure M. Picard.