Sommet Prestige condamné à rembourser les frais d’avocat engagé par Saint-Bruno-de-Montarville

L’honorable Claude Dallaire, juge à la Cour supérieure, a condamné la société Sommet Prestige Canada, dirigée par le sénateur Paul J. Massicotte, à rembourser les frais d’avocats et les intérêts dans le cadre d’une poursuite bâillon contre le maire de Saint-Bruno et une conseillère municipale.

« Cela fait six ans que j’ai été élu surtout grâce à la défense du boisé des Hirondelles, que je souhaitais protéger, et six ans après, nous en sommes au même point. C’est long! » s’exaspère quelque peu le maire de Saint-Bruno, Martin Murray.

Pour la conseillère municipale du district 6, fervente défenseure du boisé des Hirondelles, le constat est le même. « Cela fait six ans que le ministère de l’Environnement doit refuser ou pas son permis de construire à M. Massicotte dans un milieu où il y a des espèces protégées, ça fait long. »

Même si le dossier du boisé des Hirondelles semble au point mort depuis six ans, une étape judiciaire vient d’être franchie.

Le 16 août, la juge Dallaire a condamné la société Sommet Prestige à payer à la Ville de Saint-Bruno le remboursement des honoraires et des déboursés extrajudiciaires encourus au bénéfice de Martin Murray pour le montant de 20 518 $ avec intérêts dans les trente jours, comme pour la conseillère municipale du district 6 pour la somme de 28 839 $, toujours avec intérêts.

Sommet Prestige avait engagé une demande introductive d’instance en dommages contre les élus de Saint-Bruno. Les deux élus étaient poursuivis pour 500 000 $, sur le motif que la Ville et ses élus procédaient, en refusant d’accepter le projet, à une « expropriation déguisée ». La Cour supérieure a débouté, le 6 mai, la demande du sénateur en indiquant clairement que « les élus municipaux n’ont rien à faire dans un recours en responsabilité intenté contre une Ville ». Dans la foulée, la décision du 16 août a enfoncé le clou en condamnant le sénateur pour poursuite abusive.

Mme Alarie est très satisfaite du message envoyé par la Cour supérieure. « C’était important pour moi de demander à Sommet Prestige de rembourser les frais d’avocats engagés par la Ville, car il s’agissait de fonds publics. Le message donné par la Cour supérieure est clair. »

Des élus hors de cause

Le tribunal a rappelé que les règlements municipaux ne sont pas le fait de deux individus, mais de l’ensemble du conseil municipal. « Ce ne sont pas les défendeurs Murray et Alarie qui ont adopté le règlement problématique, mais le conseil municipal de Saint-Bruno, peut-on lire au jugement. En fait, depuis que les défendeurs sont devenus des élus municipaux, il n’y a rien d’autre que les faits suivants pour tenter de les relier à ce recours : ils ont voté et ils ont interagi avec des organismes pertinents à l’action municipale, soit l’agglomération de Longueuil et le ministère de l’Environnement. »

C’est ainsi que l’honorable Claude Dallaire a décidé que le recours de Sommet Prestige à l’encontre de Mme Alarie et M. Murray était non seulement irrecevable, « mais également, qu’il est abusif ». Sur ces motifs, la demande introductive d’instance a été rejetée.

Le recours contre la Ville de Saint-Bruno est cependant toujours en cour. Rappelons que l’entreprise de M. Massicotte demande une indemnisation de 17 millions de dollars pour une expropriation déguisée.

« Ce ne sont pas les défendeurs Murray et Alarie qui ont adopté le règlement problématique, mais le conseil municipal de Saint-Bruno, peut-on lire au jugement. » – Claude Dallaire

Rappel des faits

Le sénateur Paul J. Massicotte a acquis ce terrain de six hectares en 2006 et compte y construire un projet de 27 habitations, ce que veut empêcher l’administration Murray.

Le projet est situé dans le boisé des Hirondelles, qui abrite une espèce florale protégée, et la Ville souhaite préserver ce boisé où la construction de logements luxueux est envisagée.

Pour aller de l’avant dans ce projet, il manque à M. Massicotte l’autorisation du ministère de l’Environnement afin de savoir à quoi s’en tenir.

Dans l’attente depuis six ans de cette décision gouvernementale, M. Massicotte a décidé d’aller devant les tribunaux contre un règlement de la Ville interdisant d’abattre des arbres dans une zone où il y a des espèces menacées.

À la suite de cette décision, M. Massicotte a pris l’initiative de poursuivre la Ville de Saint-Bruno pour « expropriation déguisée » et demande un dédommagement de 17 millions de dollars. D’autre part, le sénateur demande au juge d’ordonner au ministère de l’Environnement de prendre sa décision.

« C’est bien le seul point sur lequel je suis en accord avec Sommet Prestige. Le ministère de l’Environnement ne pourra pas dire éternellement que c’est un dossier à l’étude. Mais aussi longtemps que le ministère ne donnera pas sa décision, ce n’est pas la Ville qui empêchera son projet, mais le ministère. Alors pourquoi poursuivre la Ville pour 17 millions aujourd’hui? » se questionne Mme Alarie.

Même la juge Dallaire, dans sa décision du 16 août, reconnaît que le fait que le certificat d’autorisation requis par le ministre de l’Environnement n’ait pas encore été émis est « clairement l’un des éléments clés empêchant les demanderesses d’aller de l’avant avec leur projet ».

Pour Sommet Prestige

Lors d’une audition le 15 août, il a été décidé par le juge, dans l’affaire opposant la Ville de Saint-Bruno à Sommet Prestige, qu’il entendra dans un premier temps la Ville et devra déterminer si l’adoption et l’application du règlement municipal sur la coupe d’arbre dans les milieux d’intérêts est une expropriation déguisée ou pas. Si le règlement est jugé invalide, il ne restera qu’au ministère de l’environnement à donner son autorisation, si non, une décision portant sur une expropriation déguisée entrainant des dommages et intérêts sera rendue.
Du côté de Sommet Prestige, Me Martin Jutras, avocat en charge du dossier pour M. Massicotte indique qu’il n’y aura pas appel de la décision pour Mme Alarie et M. Murray. « Nous ne sommes pas d’accord sur la décision qui a été rendue, mais nous voulons faire avancer le dossier, précise-t-il. Nous avons déjà prévu de protéger les plans protégés sur notre terrain en ne développant pas le secteur. Le dossier est dans les mains du ministre de l’Environnement et nous sommes confiant. » Me Jutras espère qu’une décision sera rendu d’ici au moins un an et ne souhaite plus que la Ville et le ministère de l’Environnement se renvoit la balle. « Le tribunal prendra une décision sur la règlementation de la Ville et nous lui avons demandé d’ordonner au gouvernement de prendre une décision. »