Quand IGA devenait point de ralliement

Crise du verglas

Quand Saint-Bruno a vécu le black-out de la crise du verglas, en janvier 1998, comme dans bien d’autres municipalités de la Montérégie, le marché IGA Lambert demeurait ouvert afin de venir en aide à la population. Le propriétaire Bruno Lambert raconte.
Dans un courrier aux lecteurs publié le 7 février 1998 dans le Journal de Saint-Bruno, une dame, Francine Clairoux, écrivait : « Sans IGA ouvert, nous aurions été désemparés. Tous les jours, nous nous y rendions, et tous les jours nous pouvions y trouver café chaud, soupe et petits plats à réchauffer. C’était le point de ralliement de notre communauté. »
Interrogé par le journal Les Versants, Bruno Lambert indique que son initiative ne devrait pas recevoir autant de mérite : « Nous n’avons pas décidé de rouvrir le magasin en raison de la crise, en ce sens que nous n’avons jamais fermé. Les gens étaient mal pris. Nous nous sommes organisés pour demeurer ouverts. Puis nous avons profité de la situation pour venir en aide aux gens. »
Son commerce fonctionnait à l’électricité grâce à l’apport d’une génératrice. « Le matin du verglas, j’entendais les nouvelles : ça parlait de verglas intense, quelque chose comme du jamais-vu. Les lumières clignotaient déjà… j’avais un mauvais feeling. » Résultat de ce pressentiment : le 5 janvier, Bruno Lambert fait l’achat de trois ou quatre génératrices. « Acheter ces machines, c’est la meilleure chose que j’ai réalisée. »

Se virer de bord

L’entrepreneur explique qu’après cinq jours, son équipe accommodait tout le monde dans la ville. « Notre spécialité, c’est l’alimentation », évoque-t-il. Mais pour dépanner les citoyens, le magasin « a tout viré de bord » et s’est approvisionné en piles, en chandelles, en bois de chauffage, en huile à fondue… « C’est ce dont les citoyens avaient besoin. Nous commandions différemment et nos achats provenaient de l’extérieur : j’ai fait venir du bois de Mont-Laurier, des chandelles de l’Ontario, des palettes de piles! Puis les gens s’alimentaient d’une autre façon aussi : soupes en canne facile à chauffer, viande à fondue… Nous avons appris en même temps que tout le monde, en développant des réflexes, des initiatives. Ce sont des détails qui ont fait la différence. »

« La priorité était de subvenir aux besoins de la communauté. » -Bruno Lambert

Mais la contribution de M. Lambert ne se limitait pas uniquement à l’approvisionnement en magasin. Il relate qu’au bout de quelques jours, les clients avaient moins d’argent, faute d’avoir accès à la caisse. Alors, il les créditait. « Quand j’ai appris que la caisse n’avait pas de courant, je suis allé leur offrir l’électricité. Tout ce qu’il fallait faire, c’est d’amener un fil de ma génératrice jusque-là. La caisse a été très bonne aussi avec la clientèle », relate un M. Lambert généreux dans ses propos. Il poursuit : « Après trois semaines, l’électricité est revenue à certains endroits, les choses se sont replacées, puis la roue s’est remise à tourner. »
Dans une publicité du Journal de Saint-Bruno du 31 janvier 1998, IGA Lambert publiait ce message : « L’équipe du IGA Saint-Bruno tient à remercier les bénévoles de leur implication et de leur dévouement, plus particulièrement, ceux et celles ayant œuvré au sein de notre commerce. Grâce à votre soutien et aux efforts constants, vous nous avez permis de subvenir aux besoins de la population. » Bruno Lambert admet qu’il n’a pas le souvenir de cette publicité; par contre, il souligne que toutes sortes d’initiatives se tramaient en parallèle, autour de son entreprise. « La crise du verglas est un sujet qui me tient à cœur, qui brasse de vieux souvenirs. Je me rappelle encore tant de détails, comme si c’était hier. La priorité était de subvenir aux besoins de la communauté. »

L’écho de Saint-Bruno

Parmi ces autres projets qui étaient réalisés en parallèle, notons la feuille de chou L’écho de Saint-Bruno, une collaboration de la Ville et de IGA afin de renseigner la population sur les derniers développements de la crise, l’horaire du CLSC, de la clinique… « À l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas. L’écho était un feuillet quotidien que nous imprimions à même notre imprimante et qui était notamment disponible aux caisses. Beaucoup de bénévoles se sont impliqués afin d’apporter l’information aux gens ou encore pour charger le bois de chauffage dans les voitures. »

Point de ralliement

Bruno Lambert se souvient aussi que les gens qui passaient les portes de son magasin y venaient presque tous les jours. Pour certains aînés, ce rendez-vous au marché était leur activité de la journée : le point de ralliement. « Le magasin ne débordait pas, mais il y avait toujours des gens. Parfois, ils étaient assis sur une caisse, autour d’un comptoir, à jaser, à échanger, à se réchauffer avec la chaleur de leur café dans les mains. Ce sont des moments que nous ne voyons plus aujourd’hui », déplore M. Lambert, qui estime que les gens repartaient de l’endroit avec de nouvelles idées en tête pour traverser la catastrophe. D’autres faisaient la ligne à la salle de bain pour se laver à la débarbouillette dans le lavabo.
Aujourd’hui, Bruno Lambert déclare qu’il a vieilli de cinq ans en un mois lors de cette crise. « Mon cerveau n’arrêtait jamais. À la maison, ma famille a été éprouvée, c’était très difficile », admet le père de quatre enfants, dont un bébé naissant en janvier 1998. Après une semaine, les enfants et la conjointe ont quitté la maison; M. Lambert avait réussi à dénicher le chalet disponible d’un ami. Vingt ans plus tard, la clientèle, elle, se souvient. « Les plus vieux nous en parlent encore. Les gens n’ont jamais oublié. Une situation de la sorte, un événement comme la crise du verglas, a permis de créer des liens avec les clients » de conclure Bruno Lambert.

QUESTION AUX LECTEURS :

Lors de la crise du verglas, comment avez-vous passé le temps?