Pas de représentation LGBT+ pour le comité de sages

Le mois dernier, la députée de Verchères, ministre de la Famille et ministre responsable de la Montérégie, Mme Suzanne Roy, dévoilait les membres composant le comité de « sages » provincial sur l’identité de genre. La communauté LGBT+ réagit. 

Dans la foulée des manifestations et contre-manifestations de l’automne dernier au sujet des enjeux entourant l’identité de genre et l’éducation sexuelle dans les écoles, le premier ministre, François Legault, avait mandaté la ministre Suzanne Roy, ancienne mairesse de Sainte-Julie, pour la détermination du mandat et de la composition d’un comité de « sages » sur la question.

Le 5 décembre dernier, Mme Roy annonçait les membres constitutifs dudit comité. La communauté LGBT+ n’a pas tardé à manifester son indignation à l’égard de l’absence de représentation.

Dominique Théberge, directeur général pour le JAG, un organisme communautaire LGBT+ desservant la population de la Montérégie, s’entretient avec le journal au sujet de cette annonce : « J’étais confiant la dernière fois que l’on s’est parlé [avant de connaître les membres du comité]. Là, je le suis beaucoup moins. »

Le Cabinet de la ministre de la Famille n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Mandat et composition 

La ministre Suzanne Roy présente un comité restreint à trois personnes, dont aucune ne vient des communautés LGBT+. Les membres ne possèdent pas non plus une expérience particulière sur le sujet de l’identité de genre. « Un comité de « sages » sans les personnes concernées à l’intérieur, c’est totalement inconcevable! », déclare M. Théberge.

Issus respectivement des domaines social, médical et juridique, les « sages » du comité sont les suivants : Mme Diane Lavallée, à la présidence du comité, Dr Jean-Bernard Trudeau et M. Patrick Taillon.

Le mandat, tel qu’il est publié par le Cabinet de la ministre de la Famille, sera de produire un rapport qui permettrait au gouvernement du Québec « de prendre ses futures décisions de manière plus éclairée [sur les] questions liées à l’identité de genre ». Notamment en brossant un portrait de la réalité québécoise, en procédant au recensement des politiques publiques dans différents secteurs, en analysant leurs effets potentiels sur l’ensemble de la population québécoise, en analysant les pratiques mises en place au sein d’États comparables, en identifiant les principaux enjeux et en collaborant étroitement avec le Conseil québécois LGBT (CQL).

Négociations

En tant que trésorier pour le CQL, M. Théberge témoigne du processus de négociation. « Grosso modo, le CQL a vraiment été mis devant le fait accompli. Lors d’une deuxième et troisième rencontre, on a réussi à aller chercher [le point sur la collaboration]. Ce n’était pas dans le mandat original. C’est [grâce aux] négociations de la direction générale du CQL. »

M. Théberge exprime l’insatisfaction du CQL devant ce compromis.

« Ceux considérés comme des « sages » vont quand même faire leurs délibérés entre eux-mêmes. » À la recherche d’une lueur d’optimisme, il remarque : « Au moins, le CQL ne sera pas lié aux décisions du comité… »

Impartialité

Lors de la conférence de presse concernant cette annonce, la présidente du nouveau comité, Mme Diane Lavallée, défendait le choix de la ministre Roy d’exclure une représentation LGBT+ parmi les « sages ». Selon elle, le comité possède « un rôle de recherche » pour lequel « un recul [est] nécessaire [afin d’atteindre] la plus grande objectivité ».

« Ce n’est pas parce que l’on dit qu’ils sont impartiaux qu’ils le sont vraiment. On ne connaît pas ce qu’ils ont déjà dans leurs têtes, leur vécu, leurs préjugés. L’impartialité totale n’existe pas », défend M. Théberge, qui souligne plutôt la justesse d’une recherche d’équilibre. « D’utiliser cet argument-là, c’est comme dire à une femme que l’on ne peut pas la mettre dans un comité statuant sur l’avortement parce qu’elle serait trop émotive et qu’elle aurait un parti pris », convient-il.

L’organisme a publié une lettre ouverte à l’intention de Mme Roy, le 13 décembre dernier, pour faire état de ses inquiétudes et revendications. À ce jour, aucune réaction de sa part n’est enregistrée.

Les enjeux et les questions entourant les droits des communautés LGBT+ demande une expertise particulière, nous confie le directeur général de JAG. L’importance d’inclure le vécu des personnes touchées par ces questions est, selon lui, primordiale. « Même moi, en tant que directeur général, je me sens loin d’être le plus [informé], alors que ça fait des années que l’on travaille à devenir spécialiste de la question et à comprendre les réalités de chacun. » Il considère que même si le comité a un mandat de recherche et d’analyse, l’apport de la diversité et des personnes directement touchées n’aurait pas dû être écarté.  

Mention « X »

L’annonce du mandat du comité de « sages » a aussi pour effet de retarder l’échéance en lien avec l’utilisation du marqueur de genre « X » dans les registres d’état civil. Plus d’un an après l’instauration de la loi octroyant ce droit aux personnes transgenres et non binaires, plusieurs ministères et organismes du gouvernement du Québec, comme la RAMQ et la SAAQ, tardent à la mettre en œuvre. Mme Roy annonçait que cette question serait traitée après l’évaluation du comité de sages, à l’hiver 2025.

« Elle nous avait promis [qu’il n’y aurait] pas de recul dans [nos] droits, alors qu’elle en a fait un. En utilisant le comité de sages pour reporter à plus tard le fait d’implémenter la mention X, elle trahit sa promesse », regrette M. Théberge.

Cette question était notamment à l’origine de tensions cet automne, alors qu’un membre du corps enseignant d’une école de Richelieu demandait à ce que l’on utilise, dans son cas, l’appellation non binaire Mx (prononcé Mix), plutôt que les mentions genrées M. ou Mme.