Entrevue avec le ministre de l'Environnement sur Northvolt

« Pas de passe droit » indique le ministre de l’Environnement pour Northvolt

Benoit Charette a accepté de répondre aux questions du journal Les Versants concernant la réaction populaire quant à l’absence de réponse du ministère de l’Environnement aux nombreuses questions sur les permis accordés à l’entreprise Northvolt. 

Les Versants : Avez-vous bien présenté le projet Northvolt aux citoyens?

Benoit Charette : Pour certains citoyens, qui se disent inquiets de certains projets, ou encore après la demande d’injonction qui a été faite, on ne s’est peut-être pas donné tous les moyens de parler suffisamment du projet qui demeure un projet fondamentalement bon. Il y a quelques voix qui se manifestent dans l’opinion publique, mais je ne pense pas qu’elles soient majoritaires. Dans tous les cas, je comprends et je respecte cette volonté de la population de s’exprimer. C’est la raison pour laquelle l’entreprise a organisé des séances d’information publique. Je vous confirme que le ministère va accompagner la Ville pour des séances d’information. Les dates évoquées sont celle du 28 et 29 février pour les deux municipalités. Les citoyens auront alors la possibilité de poser des questions. Je veux m’assurer qu’on ait les specialistes du ministère pour pouvoir y répondre. On ne retient aucune information, et ces séances d’information seront l’occasion pour les citoyens de Saint-Basile-le-Grand et de Mcmasterville de poser toutes les questions.

Pourquoi ne pas avoir engagé un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)?

C’est une question très légitime, mais il faut tout d’abord dire que l’on n’a modifié aucune règle pour Northvolt. Il n’y a pas eu de passe-droit. La filière batterie est très récente. Notre réglementation n’était pas adaptée. On est venu, avec les specialistes du ministère, établir les bases pour cette filière et fixer les seuils pour déclencher un BAPE. Nous avons une procédure environnementale parmi les plus strictes au monde. Ce qui fait sa valeur c’est sa prévisibilité. Les promoteurs savent à quoi s’attendre et, à la suite de ça, décident d’aller de l’avant ou non. SI on ne respecte pas ces seuils pour un BAPE, c’est là qu’on perd toute prévisibilité, et c’est là qu’on vient éventuellement compromettre des projets. On n’a pas modifié les règles pour Northvolt, on s’est donné une règlementation pour la filière batterie et cette règlementation doit être prévisible.

Deviez-vous aller aussi vite dans la délivrance de permis pour autoriser le début des travaux pour Northvolt alors qu’à Saint-Bruno-de-Montarville, vous n’avez toujours pas pris de décision depuis des années dans le projet immobilier du boisé des Hirondelles?

Ce sont deux dossiers différents. Le dossier du boisé des Hirondelles a été judiciarisé. Il y a eu de nombreuses procédures et la Ville n’a pas la même vision que le promoteur dans ce dossier, le ministère aussi. On ne peut pas établir de parallèle véritablement. Pour tous les projets, c’est le degré de préparation des promotteurs qui fait la différence. Avec Northvolt, on a une entreprise qui a mis les moyens pour déposer un projet qui était extrêmement bien documenté. À partir du moment où le projet est bien ficelé, le ministère peut avoir des questions au promoteur. Et comme l’entreprise a répondu rapidement et de façon adéquate aux questions qui ont été posées, cela facilite la procédure, dans certains cas c’est plus long. Pourquoi l’entreprise voulait commencer rapidement? Dans nos évaluations et règlements environnementaux, il y a des contraintes, comme par exemple celle de la nidification de certaines espèces, ou encore la période de reproduction. Après certaines dates, il y a des travaux qui ne sont plus possibles, et là on viendrait décaler d’une année. Nous, on avait les réponses satisfaisantes aux questions qui étaient posées donc on a pu accorder une première autorisation. Mais c’est une première autorisation pour préparer le terrain. L’entreprise, pour préparer son projet aura besoin de plusieurs autorisations. L’entreprise aura plusieurs conditions à respecter avant de passer aux étapes suivantes.

Une première autorisation basée sur les études de Northvolt. Pourquoi le gouvernement n’a pas lancé ses propres études?

Ces questions sont légitimes. On reçoit plusieurs milliers d’autorisations par année au ministère et c’est le promoteur qui doit fournir des réponses. Dans chacun des cas, il n’y a pas de passe-droit, mais ce n’est pas le ministère de l’Environnement qui dans chaque projet va faire une évaluation faunique. C’est au promoteur dans chacun des cas à faire cette démonstration. Naturellement, les spécialistes qui sont embauchés sont souvent des biologistes. Ils ont à respecter leur code de déontologie. On connait les bonnes entreprises en évaluation. Il y en a d’autres pour qui il y a certains questionnements, mais je peux vous dire qu’avec Northvolt, c’est une évaluation extrêmement rigoureuse qui nous a été présentée. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de BAPE qu’il n’y a pas d’évaluation environnementale. Je souhaite rassurer ceux qui pensent ça. L’évaluation environnementale se fait, elle est stricte, plusieurs autorisations sont recquises. Le BAPE n’est pas une instence décisionnelle. C’est plus pour accueillir les questionnements et les préoccupations. Ici, le volet consultation va prendre une forme différente.

Quand les gouvernement fédéral et provincial annoncent avec enthousiasme un projet comme celui de Northvolt, est-ce que vous, M. Charette, vous avez la capacité de ralentir un tel projet?

C’est un projet qui est économiquement parlant très important pour le Québec, mais c’est un projet qui environnementalement parlant est aussi fondamental pour le Québec. Donc moi, comme ministre de l’Environnement, j’ai besoin de ces efforts de décarbonisation, d’électrification des transports, car Northvolt est un fabricant de batteries qui vont servir à d’autres fin qu’ultimement à l’électrification des transports. Dans tous les cas, si moi je veux atteindre nos objectifs en matière de réduction de gas à effet de serre (GES) j’ai besoin d’entreprises de cette nature. Actuellement, les batteries proviennent beaucoup du marché chinois où les conditions d’extractions sur le plan environnemental sont terribles. La production se fait dans des conditions moins avantageuses du point de vue environnementale. Sans qu’on se vante, à la fin, les batteries ou ses composantes qui seront fabriquées dans cette usine, seront parmi les plus vertes au monde et comme ministre de l’Environnement, non seulement pour moi c’est un critère important, mais j’ai besoin de ces outils pour décarbonner l’économie. C’est un projet important autant d’un point de vue économique, qu’environnemental. Pour les incidences qu’il peut apporter, c’est là où le ministère de l’Environnement occupe toute la place qui lui revient et s’assure que les choses sont faites correctement.