Crématorium à Saint-Bruno : « Nous sommes dans notre droit »

Face aux inquiétudes de résidants d’un quartier de Saint-Bruno apprenant l’arrivée d’un crématorium à proximité de chez eux, la Coopérative funéraire du Grand Montréal a accepté de nous recevoir pour nous faire visiter une de ses installations à Longueuil, sur le boulevard Curé-Poirier.

Le crématorium de la Coopérative située à Longueuil date de 2006. « Nous manquons de place actuellement. C’est pour cela que nous cherchions un nouvel endroit. Une fois l’espace trouvé à Saint-Bruno, nous avons arrêté nos recherches », nous explique le directeur des opérations de la coopérative Mathieu Houle, satisfait de pouvoir exploiter un terrain facile d’accès, en bordure de l’autoroute 30.

À Longueuil, le crématorium, à proximité du poste de police, est entouré d’immeubles à logements d’un côté et de l’autre, d’une rue commerçante, où il est entre autres possible de retrouver une pizzéria, un complexe sportif, un centre de danse et d’autres petits commerces.

On pourrait passer devant le crématorium sans s’en rendre compte. D’ailleurs, plusieurs locataires dans le quartier interrogés par le journal apprenaient qu’ils vivaient à proximité d’un crématorium. « Je n’ai rien remarqué », « Je ne savais pas que c’était un crématorium », « Le crématorium ne m’a jamais dérangé. Je n’ai jamais senti de mauvaises odeurs. »

Des avis divergents

Des avis divergents se sont fait cependant entendre. « Je travaille à proximité et je dois me lever tôt. Le matin, il est possible de voir de temps en temps des fumées noires sortir de la cheminée, mais je n’ai jamais eu à me plaindre de l’odeur », « Parfois ça sent le caoutchouc brûlé », nous explique un proche résidant du quartier, lui aussi travaillant à proximité tous les jours.

« Les gens ne connaissent pas notre domaine. Nos installations à Longueuil datent de 2006, et nous n’avons jamais eu de plaintes dans le quartier. Les gens nous oublient. Nous sommes tranquilles comme voisins. Les installations de Saint-Bruno seront encore plus modernes et sécuritaires. Nous sommes disposés à donner de l’information à tous. Cela fait un an que nous travaillons avec la municipalité sur ce projet. Nous sommes dans notre droit. L’endroit correspond à nos besoins. Nous sommes surpris que le conseil municipal, une deuxième fois lors de la dernière séance du conseil municipal, reporte l’implantation de notre projet », explique M. Houle.

M. Houle nous a pris à partie, nous demandant si nous sentions une odeur, alors qu’un des corps était en crémation. Force est de constater que l’odeur était très difficilement perceptible au sein du bâtiment et totalement inexistante à l’extérieur.

Concernant les inquiétudes des citoyens au sujet de la toxicité des fumées, il rejette du revers de la main les études faites, qui ne correspondent pas à la réalité de la situation, selon lui. « Nous sommes régies par le ministère de l’Environnement. Nous avons des comptes à rendre et tous les cinq ans, des tests sur les particules émises par notre entreprise sont effectués. Nos résultats sont à 40 % de la norme. » Il n’a pas été possible de vérifier ce chiffre. « Quant aux études internationales que l’on met de l’avant, elles s’appuient sur les normes du pays en question, qui ne sont pas les nôtres. Quant à l’étude à laquelle on fait référence au Québec, cette dernière est assez floue. »

Étude de 2011

Rappelons que selon l’Analyse des impacts environnementaux des différentes méthodes de disposition des corps au Québec, un essai présenté par Alex Martin en 2011, sous la direction du professeur Jean-Pierre Pelletier, au Centre universitaire de formation en environnement de l’Université de Sherbrooke, c’est la pollution de l’air qui est clairement identifiée, chiffres à l’appui, comme étant la plus problématique lors d’une incinération. Cette étude soutient que l’incinération a un fort impact sur l’air. L’auteur indique cependant que la présence de mercure dans les fumées a tendance à diminuer avec l’abandon de ce métal pour les amalgames dentaires. Il rappelle toutefois que selon les habitudes de vie des individus, le mercure est plus ou moins présent dans les organismes de chacun.

M. Houle ne cache pas que le crématorium émette des fumées pouvant contenir du mercure à la suite de la crémation d’amalgames dentaires, « mais nous sommes bien en deçà des normes autorisées. Nous sommes une coopérative. Notre but est d’offrir un service à la population au prix le plus juste. Nous ne sommes pas là pour faire de l’argent. Sur le plan environnemental, la Ville nous demande d’avoir une canopée occupant 40 % de notre terrain. Sur nos plans, les arbres occuperont 47 %. Nous avons également comme politique de planter un arbre à chaque crémation. »

« Nos installations à Longueuil datent de 2006, et nous n’avons jamais eu de plainte dans le quartier. Les gens nous oublient. Nous sommes tranquilles comme voisins. »

– Mathieu Houle

Sur la rue Parent

Le crématorium, qui est prévu dans un quadrilatère situé entre la rue Parent, l’autoroute 30, le quartier industriel et la montée Montarville, serait plus grand que celui de Longueuil. Il abriterait entre autres un deuxième four crématoire. « Aujourd’hui, à Longueuil (avec un seul four crématoire), nous effectuons de 6 à 7 crémations par jour du lundi au vendredi. Face à la demande de plus en plus grande, nous sommes en manque de capacité dans nos installations actuelles. Après la construction du crématorium à Saint-Bruno, nous ne savons pas encore si nous continuerons à le faire à Longueuil. »

M. Houle est conscient qu’aujourd’hui, il n’a pas l’acceptabilité sociale des résidants de tout un quartier de Saint-Bruno qui ne veulent pas d’un crématorium à proximité de leur résidence. « Je comprends qu’il puisse y avoir des inquiétudes de certains citoyens, mais ce ne sont pas tous les résidants de Saint-Bruno qui s’y opposent. Les urbanistes de la Ville ont validé notre projet sur tous les points. »

Actuellement, le projet a nécessité 1,5 million d’investissements. À la fin, le projet devrait coûter 6 millions. « Dans nos plans, nous espérons poser la première pierre au printemps 2020, mais les deux reports du projet du conseil municipal rendent cette échéance plus difficile à respecter. » M. Houle se dit cependant confiant pour la suite des choses. « La Coopérative est là pour coopérer, c’est aussi très important pour nous. »

Rappelons que La Coopérative funéraire du Grand Montréal prévoit d’implanter, sur le terrain dont elle est déjà propriétaire, 80 places de stationnement, deux étages, deux salons funéraires, un ou deux crématoriums ou encore une salle de goûter.

Repport du projet

Des dizaines de citoyens ont dévoilé aux élus municipaux leur angoisse face à l’annonce de l’implantation d’un centre funéraire proche de leur quartier résidentiel. Les résidants de la rue Parent, de la rue De Mésy et de la rue Gouin ne veulent pas de ce nouveau commerce.

Le 22 octobre, lors d’une première séance du conseil municipal, les élus de Saint-Bruno n’ont pas eu d’autre choix que de retirer le point à l’ordre du jour pour s’intéresser de plus près à ce qui semblait être une résolution ne posant pas de problème. Le Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour la construction d’un nouveau bâtiment commercial au 5, rue Parent devait être adopté. Ce qui constitue la phase finale du projet a encore une fois été reporté lors de la dernière séance du conseil municipal le 11 novembre.

« Pour vous avoir entendus et rencontrés, le comité qui représente les citoyens sait, et nous les élus nous savons, que vous ne voulez ni crématorium ni salon. L’ensemble des collègues du conseil est favorable et de l’avis que vos demandes sont légitimes. Nous avons donc convenu ce soir qu’il fallait présenter cette motion. Mais il faut savoir qu’on est au tout début de la partie », a expliqué, lors de la dernière séance du conseil municipal, le conseiller indépendant du district 8, Joël Boucher.

Le terrain qui appartenait à une personne privée a été vendu à la Coopérative funéraire. La Ville n’aura pas d’autre solution que de trouver une entente avec l’entreprise pour déplacer le projet ou donner une compensation financière à l’entrepreneur, qui n’a visiblement pas l’acceptation sociale de nombreux citoyens.