Les enfants et la guerre

Le sujet de la guerre, celle qui se déroule actuellement en Ukraine face à l’invasion de l’armée russe, est-il abordé en classe avec les enfants?

Le journal Les Versants est allé à la rencontre d’enseignantes et d’écoliers de la région pour savoir si la guerre en Ukraine était un sujet d’intérêt.

« Nous en parlons plutôt de manière informelle, amorce une enseignante de 6e année. Plus de manière spontanée. Si le sujet vient dans les discussions. Dans ces situations, j’en parle avec eux pour que les élèves comprennent. Mais ce n’est pas un sujet qui tombe dans nos cours réguliers. »

« De mon côté, je n’ai pas abordé le sujet et personne ne m’en a parlé en classe, note une autre enseignante. Cependant, personnellement, j’essaie de l’éviter parce que c’est une situation très anxiogène. À la maison, nous ne regardons pas ces images à la télévision. C’est un choix que nous avons fait. »

« C’est la première guerre sur laquelle je peux m’informer. Je n’ai pas envie que ça devienne une Troisième Guerre mondiale. » – Olivier

Elle reprend, ajoutant que si des élèves ont des questions à propos de la guerre en Ukraine, elle les envoie auprès de la responsable des cours en univers social. « Je fais quand même attention pour ne pas abandonner le sujet, la guerre comme telle. Nous en parlons de façon générale; c’est plutôt axé sur l’injustice, les enfants, les dates, les conflits, les continents… Nous développons beaucoup l’empathie aussi. »

« De mon côté, nous venons de terminer un long module sur la guerre en général, alors nous nous concentrons [en ce moment] sur un nouveau thème, commente l’enseignante de 6e année. Par contre, j’ai une équipe qui a pris ce sujet pour travailler la poésie. Le groupe a choisi de cibler la guerre en Ukraine pour son poème. »

Comme la pandémie il y a deux ans, la guerre en Ukraine fait couler beaucoup d’encre. Le sujet est d’actualité dans les journaux, dans les bulletins de nouvelles à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux.

La guerre vue par les enfants

Les enfants n’y échappent pas, et à défaut d’en discuter dans les classes, plusieurs en parlent à la maison, avec leurs parents. Le journal a rencontré quelques écoliers. À la lumière des discussions, ceux-ci sont curieux de savoir. Ils souhaitent s’informer de ce qui se passe, même si c’est à l’étranger, loin du Québec. D’ailleurs, quelques-uns ont même des membres de leur famille dont les origines ne sont pas bien loin des pays impliqués dans ce conflit armé. Enfin, et surtout, l’évocation d’une Troisième Guerre mondiale les concerne et les effraie.

« Mon père s’intéresse à cette guerre. Il regarde beaucoup les nouvelles. Il me raconte ce qui se passe, me montre les images. Je n’ai pas envie de vivre ce que les Ukrainiens subissent. Nous sommes tous des humains. C’est plate de s’entretuer », raconte Collin Thibodeau.

Même son de cloche de la part de son camarade Alexandre. « J’aime m’informer sur Radio-Canada et les réseaux sociaux. Mon père et moi parlons de cette guerre, le soir. J’aime en parler, apprendre ce qui se passe dans le monde, regarder les nouvelles. Mais je n’aime pas la guerre », dit-il.

Les parents de Mirela sont Moldaves. Ils sont arrivés au Québec alors qu’elle avait à peine plus d’un an. Géographiquement, la Moldavie partage ses frontières avec l’Ukraine. « J’étais inquiète au début de la guerre, les premières journées. Je parle de cette guerre avec mes parents, mais je ne regarde pas les nouvelles. Je leur pose des questions et ils m’expliquent », relate la jeune fille de 11 ans.

« Oui, on en parle quand il y a des bombardements en Ukraine », ajoute Olivier.

Pour sa part, Isaac qualifie la situation en Ukraine « d’assez triste », déplorant le plan de Vladimir Poutine, qui a « menti à son peuple et planifié son jeu pendant des années, caché dans l’ombre » avant d’amorcer son « opération militaire ». Il précise sa pensée : « Ce n’est pas un sujet que nous abordons à la maison. La mère de ma belle-mère est en Russie. Je suis inquiet pour elle. Je trouve inutile que Vladimir Poutine utilise la force. J’espère qu’il sera sanctionné et puni. »

« Il n’y a pas juste la mort qui fait mal, rappelle Collin pendant la discussion. Même si tu n’en sors pas mort, de cette guerre, les gens seront traumatisés. Blessés physiquement et mentalement. Les images vont rester. »

La peur du conflit mondial

La plupart d’entre eux sont âgés de 11 et 12 ans. Ils n’étaient pas nés encore lorsque les États-Unis sont allés en Afghanistan afin de répliquer au régime taliban, à la suite des attaques du 11 septembre 2001. Nos jeunes intervenants n’ont pas connu non plus la seconde guerre du Golfe, amorcée en 2003, alors que le président américain Bush voulait contrer la menace d’armes de destruction massive. Le conflit actuel en Ukraine, les bombardements, les civils en fuite, les défunts dans les ruines et les décombres, les bambins encore aux couches cachés dans les bunkers, les réfugiés par millions, les soldats et les chars d’assaut… Les enfants québécois ne sont pas habitués à voir de telles images, à moins d’être amateurs de films d’action ou adeptes de jeux vidéo.

« C’est la première guerre sur laquelle je peux m’informer, réalise Olivier. C’est certain que ça m’inquiète plus qu’avant. Je n’ai pas envie que ça devienne une Troisième Guerre mondiale. »

« Je suis anxieux en dedans. Je trouve ça injuste pour les gens en Ukraine, parce qu’ils n’ont quasi rien fait. Je voudrais que les présidents s’entendent entre eux. J’espère que ça ne deviendra pas une guerre mondiale », indique quant à lui Collin.
Alexandre abonde dans le même sens et déclare, lui aussi, que l’attaque contre l’Ukraine ne doit pas se transformer en guerre mondiale.

L’inquiétude est moins grande maintenant pour Mirela, qui a décidé de voir les bonnes nouvelles. « J’essaie de voir le positif plutôt que le côté négatif. Ça m’aide beaucoup à passer à travers. C’est moins stressant », lance-t-elle.

Vox pop

« La guerre, la guerre, ce n’est pas une raison pour se faire mal! » Cette réplique, tirée d’un film populaire québécois que des milliers d’enfants devenus aujourd’hui adultes ont apprise par cœur, faisait référence à une bataille de boules de neige. Mais « la guerre, la vraie, c’est quoi? » a demandé le journal Les Versants à des enfants. (Textes et photos : Frank Jr Rodi)

Collin, 12 ans

« Pour moi la guerre, c’est un moyen qu’utilisent des pays pour gagner des territoires et régler des conflits. Mais je ne suis pas en accord avec la guerre, parce que c’est la mauvaise façon de faire. »

Alexandre, 12 ans

« La guerre, c’est lorsque deux pays s’affrontent avec des armes. La guerre affecte les civils. Il y a beaucoup de cadavres. »

Olivier, 12 ans

« Il y a guerre lorsque deux ou plusieurs pays s’affrontent. Des gens qui s’arment pour se battre avec des fusils et des tanks. Ce n’est pas la meilleure solution. Comme dans le cas de l’Ukraine et de la Russie, ce n’est pas la bonne solution. D’autres pays pourraient intervenir, mais je n’ai pas envie que ça devienne une Troisième Guerre mondiale. »

Isaac, 11 ans

« Pour moi, la guerre, c’est quand un dirigeant de la planète va vers un autre territoire pour le gagner et qu’il manipule les gens à sa guise. Je trouve ça assez effroyable d’être manipulé par un seul dirigeant qui tient à lui seul le sort de la planète. »

Mirela, 11 ans

« La guerre, c’est quand plusieurs dirigeants se combattent pour agrandir leur territoire et pour le bien de leur pays. »

Thomas, 10 ans

« C’est un conflit, la guerre. Entre des personnes. Entre des pays. La guerre, c’est aussi des gens qui se battent avec des armes. C’est pas cool, la guerre, parce qu’il y a des gens qui meurent. »