Les appréhensions des commerçants locaux concernant le magasinage des Fêtes

Comment les commerces locaux envisagent-ils la période de magasinage des Fêtes dans le contexte économique fragile actuel? Craignent-ils une concurrence plus forte devant les évènements de promotion de multinationales?

« En 17 ans de l’entreprise, c’est l’une des premières années où l’on se questionne sur le comportement des clients », admet Fabienne Camilleri, fondatrice de la boutique éco La Looma, située au centre-ville de Saint-Bruno-de-Montarville. « Je ne tremble pas d’inquiétude, mais on a une curiosité de voir comment ça va se passer », ajoute-t-elle.

La praticité des achats en ligne, associée à une abondance d’offres promotionnelles à l’occasion du magasinage des Fêtes, pourrait détourner certains clients des commerces de proximité. Particulièrement dans un contexte de diminution du pouvoir d’achat de plusieurs membres de la population. Les commerçants locaux ressentent de plus en plus le besoin de s’adapter à cette nouvelle réalité.

Inquiétudes

« C’est sûr que l’on ressent les effets de l’inflation », commente Marie Brunelle, l’une des propriétaires du Marché aux Fleurs de Saint-Bruno. « Les gens sont plus prudents. »

Du côté de Sainte-Julie, Renée Michaud, la propriétaire de Jeux, jouets et compagnie, acquiesce sans retenue en réponse à notre question : « C’est certain que l’on est inquiets! Déjà, on remarque une baisse de 30 % de nos ventes comparativement à l’an passé. »

Lucie Desrochers, propriétaire du jeune commerce L’Épicurienne à Sainte-Julie, inauguré en octobre 2022, se montre assez optimiste. Elle admet que la petite expérience de sa boutique avec le magasinage des Fêtes fait en sorte qu’elle n’a pas une grande référence comparative. « L’effet [du magasinage en ligne], je ne peux pas dire que je le ressens, c’est difficile à mesurer. » Elle poursuit : « C’est sûr que si je compare avec l’année passée, j’ai peut-être vu un petit ralentissement, mais je le trouve normal [et pas trop alarmant]. Si les gens sont moins au rendez-vous cette année, je ne crois pas que ce soit parce qu’ils se retournent vers [des géants du commerce en ligne]. »

Valeur ajoutée

Une lueur d’espoir teinte toutefois les témoignages recueillis. La communauté entrepreneuriale de notre région a confiance en la valeur ajoutée des commerces locaux ainsi qu’en la fidélité de leur clientèle.

« C’est une clientèle différente que l’on a. Ils ont à cœur d’encourager l’économie locale et ils recherchent des produits québécois », affirme Mme Desrochers.

« Comme on a une grande offre de décorations, on conserve un bon niveau de ventes de ce côté-là », souligne Mme Brunelle. « Surtout dans ce contexte, les gens souhaitent mettre de la couleur dans leur vie. »

« [Même si] les clients ont l’air de plus réfléchir à leur façon de consommer, on a une clientèle fidèle et loyale, qui est quand même conscientisée à l’importance de l’achat local », témoigne Mme Camilleri.

De manière générale, les entrepreneures interrogées soulignent la valeur ajoutée des commerces locaux. « On a une offre de produits avec laquelle [les multinationales] ne peuvent pas vraiment concurrencer », assure la propriétaire de L’Épicurienne. Elles remarquent toutes qu’en petites entreprises, elles peuvent prendre le temps d’accorder à leur clientèle un service d’accompagnement qui ne se voit pas dans les grandes chaînes, ce qui est mentionné comme étant une force indéniable.

Démystifier des concepts 

Mme Camilleri et Mme Michaud souhaitent démystifier certaines idées concernant les prix chez les petits commerces indépendants. « Ici, ce sont de vrais rabais que l’on propose », déclare la propriétaire de la boutique ludique à Sainte-Julie. Elle poursuit en nous expliquant que chaque pourcentage de rabais dans un petit commerce est très généreux, alors que les multinationales pourraient se permettre de bien plus que ce qu’elles proposent.

Au sujet des prix, Mme Camilleri commente : « C’est une mauvaise perception que beaucoup de gens ont de croire qu’une petite boutique indépendante, c’est toujours plus cher qu’ailleurs. Justement, notre force, c’est de dénicher des idées pour tous les budgets. »

Investir dans sa communauté

Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), pour un dollar dépensé dans un commerce local, 0,66 $ restent dans la collectivité, comparativement à 0,11 $ s’il est dépensé dans une multinationale. Les entrepreneures nous invitent à nous questionner sur les retombées de nos achats : « On peut acheter moins, mais mieux », propose Mme Camilleri.

« Il y a des études qui démontrent qu’à superficie égale, une grande surface engagera quatre fois moins qu’un commerce indépendant. Ce sont des emplois que l’on crée dans le milieu de vie, des expertises aussi. Moi, je dis toujours qu’acheter, c’est voter. Si l’on veut garder un beau centre-ville comme on a la chance d’avoir à Saint-Bruno avec les commerces indépendants, on a besoin que les clients soient au rendez-vous », conclut la propriétaire de La Looma.