L’Église en ces temps troubles

En cette période trouble, l’Église et la religion pourraient-elles regagner des adeptes?

Les églises sont ouvertes. Depuis le 28 février, les lieux de culte ouvrent leurs portes à tous, sans limite de capacité.

Au cours des deux dernières années, les églises ont été fréquentées au compte-gouttes, voire abandonnées en raison de la pandémie. Leur accès a été limité par la Direction de santé publique afin de freiner la propagation de la COVID-19.

Changements climatiques, pandémie planétaire, conflit armé, catastrophes naturelles, menaces de Troisième Guerre mondiale, exode par millions… en ces temps incertains, pourrait-on constater un intérêt soudain pour l’Église et la religion?

Les francophones du Québec

« Peut-être dans certains pays et dans certaines communautés, où la religion fait partie intégrante de la vie quotidienne, mais pas nécessairement chez les francophones du Québec, répond d’emblée le Docteur (Ph.D.) en Études du religieux contemporain, Réal Houde. À cause de la sécularisation profonde de la société québécoise depuis plusieurs années. »

« L’église, c’est cette place au milieu du village, ce point de ralliement quand ça ne va pas. » – Jean-Roudy Denois

Réal Houde, qui s’intéresse aux mutations socioreligieuses en Occident, rappelle que l’Église catholique a été absente du monde médiatique depuis la déconfessionnalisation du système scolaire québécois, au tournant des années 2000. Le Montarvillois précise : « De plus, quand on parlait d’elle, c’était presque toujours négatif. Bien entendu, les personnes croyantes continueront de croire et, pour certaines, de pratiquer la religion. Il faut parfois distinguer la croyance personnelle de la pratique collective, mais je doute fort que les personnes qui ont quitté le navire de la religion reviendraient dans le modèle passé, dans la forme traditionnelle catholique. Mais peut-être que je me trompe… »

L’église comme symbole

La population est maintenant autorisée à pousser les portes de ces bâtiments et à reprendre place à l’intérieur. « Les gens vont revenir, c’est certain, croit le vicaire général du diocèse de Saint-Jean–Longueuil, Jean-Roudy Denois. L’église est un endroit rassembleur. C’est aussi un symbole de paix alors que la situation est très inquiétante. Le but de l’église, la bâtisse, le lieu de ciment, permet de venir se recueillir et de se retrouver avec les autres. De socialiser. De fraterniser. De se ressourcer. L’église, c’est cette place au milieu du village, ce point de ralliement quand ça ne va pas. »

La COVID-19 a vidé les églises au cours des deux dernières années. Pour du réconfort, les paroissiens ont dû se tourner vers d’autres ressources. Mais avec le plan de déconfinement adopté par Québec, le taux de fréquentation de ces endroits pourrait grimper. « Avec ce qui se passe en Ukraine avec la Russie, et à travers le monde, la peur s’est installée. Ce n’est pas rassurant ce que l’on voit à la télévision. Je pense que les gens recommenceront à visiter et à remplir les églises. En cette période difficile, les gens ont besoin de se raccrocher à quelque chose de plus grand », exprime la porte-parole de l’église de Sainte-Julie, Paulette Gagné.

Un vide à combler

De son côté, la coordonnatrice des activités paroissiales de l’Unité pastorale Saint-Basile/Saint-Bruno, Caroline Rodrigue, croit qu’il est trop tôt pour parler de regain de fréquentation des lieux de culte, puisque les deux dernières années de pandémie ont obligé les églises à fermer leurs portes à quelques occasions. « Mais ce que j’observe, c’est qu’en temps de crise, les gens ont un grand vide à combler, confie Caroline Rodrigue. La peur et le stress de la pandémie, comme de la guerre, bouleversent la vie des gens et, par la même occasion, nos habitudes et certitudes. Depuis toujours, dans ces moments, les gens cherchent à donner un sens à ce qui se passe. Ils cherchent aussi une source de réconfort et de sécurité. Je crois que c’est la raison pour laquelle ils se rapprochent un peu plus de leur foi dans ces moments. »

En entrevue avec Les Versants, Jean-Roudy Denois souligne qu’en cas de difficultés personnelles, les gens cherchent quelqu’un sur qui ils peuvent compter et pour qui ils comptent aussi. « On dit l’Église, mais aussi la religion, ou encore Dieu. On se sent démuni, du coup, on se tourne vers Dieu. Une façon de renouer avec quelque chose qui nous dépasse. Des fois, on ne comprend pas ce que nous vivons. On va à l’église pour chercher à comprendre. L’église est une source de réconfort. Pour se recueillir, seul ou en groupe », poursuit celui qui a été prêtre aux paroisses de Saint-Bruno et de Saint-Basile, de 2018 à 2020.

Pour Caroline Rodrigue, l’important, c’est que les lieux de culte soient « accessibles à tous, sans jugement ». Elle témoigne : « Pendant la pandémie, beaucoup de gens sont venus à la paroisse ou nous ont appelés pour exprimer leurs souffrances, pour se sentir moins seuls. Pas nécessairement des gens que nous avions déjà vus. »

Ce que constate aussi Susan Leclair, du conseil de fabrique de l’église St. Augustine of Canterbury, à Saint-Bruno : « Les fidèles sont de retour et nous avons même de nouvelles familles, que nous voyons depuis que nous pouvons de nouveau nous réunir. Avec la pandémie, et puis maintenant l’Ukraine, les personnes semblent avoir besoin de se retrouver physiquement et spirituellement. Une dame nous a appelés pour nous dire de solliciter le pape François pour qu’il s’entretienne avec l’Église orthodoxe en Russie. Notre influence est limitée avec le pape, mais nous organisons des soirées de prière et je l’ai mis sur notre liste. Sans ces événements, cette dame ne nous aurait jamais appelés. »

De son côté, Réal Houde se dit plutôt incertain : « On ne connaît pas nécessairement le comportement humain dans toutes ses subtilités, notamment face à la souffrance. Une période d’incertitude comme celle que nous vivons depuis le début de la pandémie entraîne son lot de réflexions, d’intériorisation. Il se pourrait que des gens se tournent vers la religion ou la spiritualité dans un contexte de chaos social et/ou politique. Toutefois, j’ai un doute sur le choix de l’Église catholique comme lieu de ce retour. »

QUESTION AUX LECTEURS :

Pandémie, guerre, crise environnementale… est-ce que la religion et l’Église vous appellent?