DPJ : Le signal d’alarme sonne à l’école

Figures de proue dans le développement de l’enfant, les professionnels du réseau scolaire sont la plupart du temps la première ligne d’intervention, décelant toute défaillance potentiellement nuisible.

Le drame inhumain de la fillette de Granby et la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse ravivent cette plaie qui ne guérit jamais véritablement quand un cas de maltraitance infantile refait surface.

L’enfant passe la majeure partie de sa vie dans un établissement scolaire. La sécurité de celui-ci est remise entre les mains de divers intervenants qui sont en première ligne de front. Chaque année, des enseignants, des éducateurs spécialisés, des orthopédagogues, des psychologues, des psychoéducateurs et autres placent des signalements auprès des diverses directions de la protection de la jeunesse (DPJ).

Signalement

« Dès que tu as un doute que la sécurité ou la santé de l’élève sont compromises, tu appelles. Dans le pire des cas, ce sera l’occasion de prendre de l’information, mais il ne faut pas hésiter », énonce une éducatrice spécialisée de la Commission scolaire des Patriotes (CSP), qui a préféré s’exprimer sous le couvert de l’anonymat.

Psychologue à la CSP depuis près de trois décennies, Mario Charest renchérit : « Il y a toutes sortes de signalements. Que ce soit pour des raisons d’abandon, de négligence, de mauvais traitements psychologiques, d’abus sexuel, d’abus physique ou que l’enfant présente un trouble de comportement, le mot d’ordre est de signaler. »

Processus

Quand un membre du personnel place un signalement, le dossier est pris en charge par la DPJ. Selon l’évaluation qu’elle en fait, le temps d’action diffère. « La DPJ nous rappelle assez rapidement pour nous dire si le signalement est retenu ou pas. L’action prise par la suite peut prendre jusqu’à un mois, selon l’importance jugée par l’intervenant en charge. Si l’enfant est clairement en danger, c’est habituellement rapide », ajoute l’éducatrice spécialisée.

« Dès que tu as un doute que la sécurité ou la santé de l’élève sont compromises, tu appelles. »

– Éducatrice spécialisée

Faire le signalement n’est qu’une portion de la démarche. Sur le terrain, la réalité se poursuit. « Il y a plusieurs stratégies à adopter entre-temps; tout dépend du cas. On doit continuer à contribuer positivement au quotidien de l’enfant. Parfois, on lui apporte de la nourriture ou des vêtements. On essaie également de mobiliser les parents et de proposer les services offerts. Souvent, il y avait en amont des actions faites en ce sens. On porte une attention particulière à l’enfant, on échange, on fait évacuer son trop-plein. On utilise également tous les services professionnels accessibles selon les besoins », décrit l’éducatrice spécialisée, qui a dû faire plusieurs signalements au fil de ses multiples années de service.

Signalement vain

À travers cette masse de signalements, qui sont annuellement en hausse de 10 %, certains ne sont pas retenus. « Il est arrivé que nous fassions le signalement de cas qui nous semblaient évidents, mais qui n’ont pas été retenus. C’est un sentiment d’impuissance qui nous envahit à l’endroit d’un jeune en détresse, même si je sais que le tri n’est pas chose facile », confie Mario Charest. « Ce qu’il faut savoir, c’est que l’on peut procéder à un deuxième, voire un troisième signalement. Il ne faut pas arrêter si on a la conviction que c’est la chose à faire », ajoute-t-il.

L’éducatrice spécialisée et Mario Charest mettent tous deux l’accent sur l’importance du signalement et de ne pas le considérer de façon bénigne. « Tu ne sais pas si d’autres que toi ont signalé auparavant un cas en particulier. Parfois, un voisin ou un membre de l’entourage de l’enfant peuvent avoir fait un signalement et c’est le signalement de plus que tu places qui peut faire la différence. »

Plusieurs partenaires

Comme le veut l’adage africain « Il faut tout un village pour élever un enfant », il en va de même pour aider un enfant. Les commissions scolaires travaillent étroitement avec différentes instances. Autour de la table de concertation, les intervenants en santé, les policiers et la DPJ s’unissent afin d’optimiser l’efficacité de leurs efforts. En ce sens, l’éducatrice spécialisée conclut : « Il faut persévérer à mieux outiller les différents intervenants. Il faut bonifier les liens et renforcer le travail en commun. Nous avons accès à de la formation, mais ça appartient beaucoup à chacun d’aller chercher l’information et les outils dont il a besoin. »