Le projet de loi qui intrigue

Peu d’automobilistes ont été arrêtés en raison de conduite avec facultés affaiblies pour drogue par le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) l’an dernier. Seront-ils plus nombreux si fumer du pot devient légal au Québec?

En 2016, 46 conducteurs ont été interceptés par des agents du SPAL pour drogue au volant. Onze d’entre eux ont été impliqués dans une collision, huit se trouvaient dans leur véhicule sans être en déplacement et un seul a subi des lésions. Il n’a pas été possible d’obtenir un bilan provisoire pour cette année.

« C’est très problématique [ce projet de loi]. C’est prouvé que les gens qui consomment du cannabis de façon régulière vont toujours avoir un taux de HTC plus élevé dans leur sang, même s’ils n’ont pas fumé dans les derniers jours. » – M

Le policier qui a des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool ou de drogue peut ordonner de fournir immédiatement un échantillon d’haleine. Si le résultat est négatif, il peut lui faire subir les épreuves de coordination des mouvements. Ensuite, un agent évaluateur pourrait soumettre l’individu à une évaluation comprenant un échantillon d’urine ou de sang. Et si l’individu refuse de se soumettre à l’évaluation, il peut se voir saisir son véhicule ou son permis.

Délais

Mais avant d’accuser formellement un conducteur fautif, il faut obtenir les résultats des analyses toxicologiques en laboratoire. Il peut s’écouler trois mois avant d’avoir les résultats des prélèvements, confirme le SPAL. Ce n’est qu’à la fin de ce processus que des accusations peuvent être déposées au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin d’enclencher les procédures judiciaires.

Quoi qu’il en soit, le système judiciaire risque d’avoir plus de pain sur la planche, estime l’organisme longueuillois Contravention Experts. « C’est très problématique [ce projet de loi]. C’est prouvé que les gens qui consomment du cannabis de façon régulière vont toujours avoir un taux de HTC plus élevé dans leur sang, même s’ils n’ont pas fumé dans les derniers jours », avance MJean-François Guay, avocat spécialisé en défense d’infractions routières.

Ce dernier affirme affirme avoir vu très peu de cas de conducteurs fautifs pour cannabis au volant devant la justice. « Nous avons plus affaire à des histoires de médicaments dont le dosage était mal adapté. Mais avec le projet de loi, ce sont plus les jeunes conducteurs que ça pourrait toucher avec la politique tolérance zéro », considère l’avocat.

M Guay croit que le gouvernement devra déployer des campagnes de sensibilisation auprès de la population. Lors du dépôt du projet de loi à la mi-avril, le gouvernement Trudeau a indiqué que les policiers pourraient ordonner aux conducteurs soupçonnés d’être intoxiqués de fournir un échantillon de salive en bordure de la route. Les sanctions varieraient en fonction du taux de THC (le principal agent actif du cannabis) détecté.

Le travail des policiers est donc appelé à changer. « Il y a en effet plusieurs questions en suspens, notamment en ce qui a trait à la culture personnelle dans les résidences et aux mineurs qui pourraient être en contact avec la culture du cannabis », s’est limité à dire le SPAL par courriel. Contrairement à l’alcool, aucun dispositif n’a encore été approuvé au Canada pour détecter immédiatement la présence de drogue chez un conducteur.