Le député Stéphane Bergeron, un homme heureux

Le député de Montarville, Stéphane Bergeron, a accepté de partager sa journée de parlementaire à Ottawa, le 20 mars, avec le journal Les Versants du Mont-Bruno. C’est sans aucune hésitation que le député a reçu positivement la demande du journal.

Le rendez-vous était donné sur la rue Wellington à Ottawa, à 9 h 30, pour une prise de photos au début du caucus du Bloc québécois. « Durant les discussions, il ne peut pas y avoir de journalistes », nous avait-on bien précisé. Une fois la salle remplie, M. Bergeron s’est prêté à l’exercice avec plaisir, nous donnant rendez-vous par la suite au restaurant parlementaire. 

À l’heure dite, le député de Montarville, en charge des Affaires étrangères de son parti, est venu à notre rencontre, visiblement content de partager ce moment avec nous. À son arrivée, il ne passe pas inaperçu, non seulement par sa taille, mais aussi par les salutations qu’il ne manque pas de faire à tout le personnel du restaurant sur son passage. L’homme semble connaître tout le monde et tout savoir des lieux. Il faut dire qu’il fait partie de la première vague de députés du Bloc québécois à la Chambre des communes du Canada à la suite de son élection en 1993. À 59 ans, il en connaît tous les recoins.

Mulroney

Le jour de notre rendez-vous, une chapelle ardente était organisée en l’honneur de Brian Mulroney, premier ministre canadien mort le 29 février 2024. Forcément, M. Bergeron a déjà croisé son chemin. « J’étais stagiaire parlementaire à l’Assemblée nationale de 1989 à 1990. On faisait une mission d’observation à Ottawa et le premier ministre a eu l’amabilité de nous rencontrer. Cela m’avait beaucoup marqué. Il a été extrêmement chaleureux avec nous. Et comme Québécois, comme nationaliste québécois, je lui suis infiniment reconnaissant des efforts qu’il a déployés, souvent au péril même de sa propre carrière politique, pour tenter de ramener le Québec dans la famille canadienne. Je n’étais pas favorable à l’accord du lac Meech. Je n’étais évidemment pas favorable à l’accord de Charlottetown, qui était une édulcoration de Meech, mais je suis capable de reconnaître que si Meech était passé, la position du Québec à l’intérieur de la Fédération canadienne se serait grandement améliorée. Je ne pense pas que cela aurait été fatal pour le mouvement souverainiste. Je crois profondément que cela aurait été un gain pour le Québec. » L’échec de Meech est la pierre angulaire de ce qui a amené le référendum québécois de 1995 sur l’indépendance du Québec, la raison ultime de l’engagement de M. Bergeron en politique avec le Bloc québécois.

La souveraineté

« Je n’en rêve pas comme d’un rêve inaccessible de l’indépendance du Québec, mais comme un rêve où, parfois, il arrive que le couloir s’éloigne, mais je vois toujours l’issue. Si je ne croyais pas que le Québec puisse devenir indépendant, je ferais autre chose dans la vie. À part de servir mes concitoyens et concitoyennes, c’est la chose la plus importante dans mon engagement politique. »

De l’assurance et de la conviction, l’homme de 59 ans n’en manque pas. Il a mené sa première campagne politique à l’âge de 28 ans. « Je me sens à ma place, même si je ne dirais pas toujours que la place est confortable. Dans une institution démocratique comme la Chambre des communes du Canada, il est tout à fait normal que le point de vue d’au moins un tiers des Québécois, si ce n’est pas plus, soit démocratiquement représenté. Je n’ai pas l’impression d’être un imposteur, même si les fédéralistes me renvoient l’image d’un corps étranger. C’est moins vrai maintenant, mais quand je suis arrivé en 1993, alors que nous étions devenus la très loyale opposition de Sa Majesté, l’image de corps étranger nous était renvoyée continuellement. » Il est convaincu cependant que le Bloc québécois est reconnu par tous les clans politiques comme étant une formation rigoureuse, un héritage qu’il attribue à Lucien Bouchard.

« Le mandat qui nous avait été confié à l’époque était celui d’entendre et de répondre aux doléances de quiconque communiquait avec nous, peu importe d’où il venait au Canada. Cela nous a obligés à une rigueur à toute épreuve. »

L’ancien ministre de la Sécurité publique dans le gouvernement de Pauline Marois au Québec ne va pas contre l’évidence qu’être au pouvoir à Ottawa peut faciliter les choses. « Mais je vous assure que cela ne nuit pas d’être dans l’opposition non plus. Curieusement, ce sont très souvent les séparatistes sur la colline qui jouent les médiateurs, car les libéraux et les conservateurs ne peuvent pas se sentir. Nous sommes souvent la voix de la médiation. »

La famille

Le député qualifie son engagement politique comme « un métier extrêmement ingrat, exigeant, mais profondément passionnant et terriblement enrichissant sur le plan personnel. Il faut être prêt à payer le prix. On dit souvent que le prix doit être élevé pour obtenir une récompense plus élevée. C’est un peu ça, en politique ».

En 1997, M. Bergeron devient le whip en chef de l’opposition officielle à Ottawa. L’année de naissance de sa fille. « Elle est née, j’étais whip du Bloc. Une des raisons qui ont fait que je suis allé à Québec en 2005, c’est ma fille qui avait huit ans. J’avais le sentiment de ne pas vraiment avoir eu l’occasion de faire connaissance avec elle. Et comme le rythme parlementaire était moins intense à Québec, c’est ce que je croyais, je me suis dit que c’était l’occasion. » En 2005, il devient député de Verchères et en 2018, alors qu’il est battu dans sa circonscription, il décide d’arrêter la politique et devient secrétaire général du collège de Rimouski. « Je me disais que lorsque j’aurais quitté la politique, je pourrais éventuellement enseigner dans un cégep, mais je n’avais jamais envisagé la perspective de devenir cadre d’un cégep. Apparemment, je pensais en avoir fini avec la politique, mais la politique n’en avait pas fini avec moi. » Il sera resté un an au collège de Rimouski.

Retour à Ottawa

Lorsqu’Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, a fait appel au jeune retraité de la politique, l’envie de revenir dans l’arène n’était pas évidente. « Honnêtement, je ne voulais pas vraiment revenir en politique. D’ailleurs, son entourage trouvait que je tardais un peu à dire oui. J’occupais un emploi que j’aimais, j’étais dans un milieu que j’adorais, pourquoi je partirais? Il y avait aussi le fait que ma conjointe et ma fille n’étaient pas enthousiastes du tout de me revoir faire de la politique. En effet, depuis le cégep, je passais mes fins de semaine en famille. » Finalement, l’affection qu’il porte au chef du Bloc québécois fera pencher la balance. « Quand un homme courageux comme Yves-François Blanchet te dit » Embarque dans mon navire « , difficile de dire non. »

L’avenir

M. Bergeron se classe dans la catégorie des gens d’expérience en politique. « Je suis serein qu’un jour, ma vie politique se terminera. Je n’ai pas l’ambition de devenir le prochain François Gendron ou Louis Plamondon. J’aime à penser qu’il y a une vie après la politique. J’aime ce que je fais et à chaque élection, je me pose la question si je continue. Je me souviens d’une phrase de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon. Il m’a dit » Ce qui est important, ce n’est pas le nombre de mandats, c’est le mandat de trop « . Je ne veux pas me rendre au mandat de trop. » Quand on lui demande comment il va aujourd’hui, il conclut d’une phrase simple : « Moi, je suis un homme heureux. »