Crématorium : le choc de tout un quartier à Saint-Bruno-de-Montarville

Une pétition de plus de 500 personnes a été signée contre l’arrivée d’un crématorium à Saint-Bruno à proximité d’un quartier résidentiel.

Arborant des badges accrochés à leurs vestons où il était possible de lire « Non au crématorium », des dizaines de citoyens ont dévoilé aux élus municipaux leur angoisse face à l’annonce de l’implantation d’un centre funéraire proche de leur quartier résidentiel.

Nous écrivions, dans notre édition du 23 octobre, un article concernant la mobilisation de tout un quartier à Saint-Bruno contre l’implantation d’un crématorium à quelques mètres de leurs habitations, à l’intérieur d’un quadrilatère constitué de la rue Parent, de l’autoroute 30, du quartier industriel et de la montée Montarville.

Les résidants de la rue Parent, de la rue De Mésy et de la rue Gouin seraient directement concernés par l’arrivée de ce nouveau commerce.

Hier, le 22 octobre, c’est avec une grande émotion que ces citoyens se sont présentés à la séance du conseil municipal de Saint-Bruno-de-Montarville pour alarmer les élus des dommages que causerait pour eux et leur famille l’implantation de ce commerce.

« En 1991, j’ai acheté dans ce quartier en croyant qu’on allait construire une garderie à proximité. Aujourd’hui, on passe de la vie à la mort. », « Ça donne quoi à Saint-Bruno d’avoir un crématorium proche d’un quartier résidentiel? Qu’est-ce que ça rapporte? », « On a des avions au-dessus de notre tête, l’autoroute 30 est à côté et là, c’est le crématorium. C’est un non-sens. Je ne comprends pas que la ville ait été si loin dans la démarche sans consulter les citoyens. », « Je n’ai pas le droit de faire de feu de foyer, et là, on me propose dans ma cour arrière l’implantation d’un crématorium. Sur le plan psychologique, je trouve ça difficile. C’est ça que je vais voir tous les jours? », « Ma fille de trois ans a vu son grand-père mourir d’une crise cardiaque sous ses yeux. Ça a été traumatisant pour elle et vous voulez lui faire revivre ça tous les jours? » Les problèmes de circulation engendrés dans un coin déjà très passant, le problème des odeurs, des fumées contenant des substituts de matière toxique, les conséquences d’une telle entreprise sur la valeur des maisons du quartier… Toutes ces inquiétudes ont été exprimées par les nombreuses personnes venues assister à la séance.

Pas informés

Le 8 octobre, une séance d’information était proposée à 80 foyers du secteur au moyen d’un courrier distribué à la dernière minute. Certains l’ont reçu le soir même de la rencontre. « Beaucoup des résidants du quartier n’ont même pas été avisés de cette séance d’information », a mentionné au conseil l’un des citoyens.

La Coopérative funéraire du Grand Montréal, l’entreprise qui prévoit implanter, sur le terrain dont elle est déjà propriétaire, 80 places de stationnement, deux étages, deux salons funéraires, un ou deux crématoriums ou encore une salle de goûter, a présenté un projet à des résidants sous le choc, qui n’avaient pas eu le temps de se préparer à recevoir la nouvelle. « C’est une voisine qui m’a appris qu’il y avait cette rencontre. », « Je suis arrivé à cette réunion sans avoir pris le temps de me renseigner. », « On nous a présenté un projet comme si tout était déjà fait. », « Depuis cette rencontre, j’ai beaucoup lu sur le sujet pour apprendre qu’il y avait plusieurs études qui avaient été faites sur les polluants que dégageaient les crématoriums. »

« Je n’ai pas le droit de faire de feu de foyer, et là, on me propose dans ma cour arrière l’implantation d’un crématorium. » – Une résidante proche du projet de crématorium

Des élus embarrassés

Devant les doléances des citoyens mécontents face à un projet bien avancé, sans qu’ils n’en sachent rien, les élus de Saint-Bruno n’ont pas eu d’autre choix que de retirer le point à l’ordre du jour pour s’intéresser de plus près à ce qui semblait être une résolution qui ne poserait pas de problème. « Nous nous apprêtions à voter ce soir le Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour la construction d’un nouveau bâtiment commercial au 5, rue Parent, ce qui constitue la phase finale du projet », a indiqué le maire de Saint-Bruno, Martin Murray, aux citoyens dans la salle . C’est finalement un pas en arrière qu’effectuera le conseil municipal afin de répondre par des études à toutes les interrogations des citoyens.

M. Murray en a profité pour indiquer qu’il était temps que la Ville « se dote d’une Politique de consultation. Actuellement, notre Politique, qui était un engagement électoral, chemine trop lentement. J’espère pouvoir l’adopter avant la pause de Noël. Il est important qu’on puisse vous écouter en amont avant d’aller trop loin dans le processus d’approbation dans ce type de projet. »

Le terrain où doit être construit le crématorium répond aux exigences de la municipalité sur le plan légal. Rien ne pourrait normalement empêcher un tel projet de voir le jour. La Ville spécifie, dans la liste des entreprises acceptées dans le quartier industriel, qu’un crématorium peut s’y implanter.

Le terrain qui appartenait à une personne privée a été vendu à la Coopérative funéraire. La Ville n’aura pas d’autre solution que de trouver une entente avec l’entreprise pour déplacer le projet où donner une compensation financière à l’entrepreneur, qui n’a visiblement pas l’acceptation sociale de nombreux citoyens.

L’environnement et la santé

Sur le plan de l’environnement et de la santé, la combustion d’un corps et de son cercueil dégage des fumées chargées de produits polluants. La France a légiféré sur la question voyant la popularité de l’incinération grandir. Ainsi, les cheminées doivent rejeter des quantités minimes de monoxyde de carbone, d’oxydes d’azote, de poussière, d’acide chlorhydrique, de dioxyde de soufre, de dioxines, de furanes ou encore de mercure, autant de produits toxiques qui sont relâchés par ce genre d’entreprise.

L’Agence de protection de l’environnement de la Suède estimait en 2011 que les émissions de mercure proviennent à 32 % des activités de crémation dans son pays. Ce sont 11 à 35 % des émissions de mercure atmosphérique de la Grande-Bretagne entre 2000 et 2020 qui seraient attribuables à la crémation, selon le Pioneer Natural Burial Corporation, dans son étude publiée en 2009 intitulée « Cremation toxins and their impacts ».

Une fois relâchés, les polluants vont se déposer au sol, dans l’eau, et s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Cependant, selon l’Analyse des impacts environnementaux des différentes méthodes de disposition des corps au Québec, un essai présenté par Alex Martin en 2011, sous la direction du professeur Jean-Pierre Pelletier, au Centre universitaire de formation en environnement de l’Université de Sherbrooke, c’est la pollution de l’air qui est la plus problématique lors d’une incinération. Cette étude soutient que l’incinération a un fort impact sur l’air. L’auteur indique cependant que la présence de mercure dans les fumées a tendance à diminuer avec l’abandon de ce métal pour les amalgames dentaires. Il rappelle toutefois que selon les habitudes de vie des individus, le mercure est plus ou moins présent dans les organismes de chacun.

Ceci est sans compter sur l’utilisation de combustibles produisant des gaz à effet de serre utilisés pour chauffer un four. Selon une étude de l’Université de Melbourne en Australie, un seul corps incinéré produirait 160 kg de gaz à effet de serre.