La crise du point de vue d’Hydro-Québec

Verglas de 1998

Le Montarvillois Pierre Forest était employé d’Hydro-Québec à l’époque de la crise du verglas. Récit.
Lorsque plus de 1,5 million de foyers du Québec sont coupés d’électricité en raison de la crise du verglas, pendant que les André Caillé et Steve Flanagan apparaissent à la télévision, des milliers d’employés d’Hydro-Québec arpentent le terrain, à essayer de rétablir le courant.
À cette époque, Pierre Forest est monteur de lignes dans le domaine des essais à l’Institut de recherches d’Hydro-Québec (IREQ), à Varennes. Interrogé par le journal Les Versants, le nouveau retraité raconte : « Au moment de la crise, nous avons tous été réassignés à d’autres tâches. Tous les employés d’Hydro-Québec étaient attitrés à d’autres tâches. Pour ma part, je suis devenu responsable du site de l’IREQ. »

Un fracas terrible

C’est qu’une partie du site extérieur de l’IREQ était utilisée comme une cour pour entreposer des poteaux. Ceux-ci étaient commandés à travers le Canada ainsi qu’aux États-Unis. « Nous avions rapatrié des milliers de poteaux pour en faire des traverses, remplacer et reconstruire temporairement des lignes de distribution d’électricité. La priorité était de rétablir la ligne électrique à haute tension », relate Pierre Forest, qui, en plus de ses responsabilités à l‘IREQ, travaillait également entre l‘autoroute 30 et la 132 afin de s’assurer que les chemins soient fonctionnels. Sur le terrain, il a vu la ligne des pylônes entre l’IREQ et le poste Boucherville s’écrouler : « Un fracas terrible! Les bras m’ont tombé. »
Les équipes d’Hydro-Québec, des milliers d’hommes et de femmes sur le terrain, ont travaillé sans arrêt pour rétablir la situation (1 000 pylônes sont détruits), et l’électricité. Sur le site Internet d’Hydro-Québec, dans la section Verglas 1998, onglet Les Héros, nous apprenons que pour les employés, le souvenir qui revient en premier concernant cette crise est la nécessité de travailler sans relâche jusqu’à l’épuisement. Pierre Forest confirme : « Je retiens la détermination de mes collègues à rétablir l’électricité pour tout le monde, et ce, peu importe les difficultés. Pour aucun d’entre nous il n’était question de congé, d’heures accumulées, d’obligations, de hiérarchie. Il n’y avait plus de code syndical! »
En effet, tous les syndicats ont reconnu la gravité de la catastrophe et les efforts immenses qu’il fallait fournir pour la reconstruction du réseau. Résultat : les conventions collectives ont été suspendues jusqu’à ce que tous les clients aient été rebranchés. Le dernier rebranchement est survenu le 6 février 1998. « Pour tout le monde à Hydro-Québec, la crise a duré 31 jours. »

« Autant d’entraide… les gens ont arrêté de se regarder le nombril. » -Pierre Forest

Pendant ce mois d’ouvrage, la famille de Pierre Forest, un père de quatre enfants, s’est réfugiée à divers endroits. « À ce moment-là, nous élevions quatre enfants à Saint-Bruno. Ma sœur est partie chez sa sœur; deux de mes enfants sont allés chez leur tante; les deux autres ont été hébergés chez d’autres membres de la famille. »
Mais M. Forest se souvient d’avoir été témoin de moments difficiles pour plusieurs familles, entre autres d’un collègue monteur de lignes. Pendant huit jours, ce travailleur ignorait où se trouvaient sa femme et ses enfants. « Il ne savait pas à quel endroit ils se trouvaient. » À une époque où les cellulaires n’étaient pas aussi populaires, et les réseaux sociaux n’existaient pas encore, les communications pouvaient être difficiles, encore davantage lorsqu’il y a crise et panne d’électricité. « Chaque monteur, chaque équipe que l’on croisait sur le chemin, nous leur demandions de trouver de l’information sur telle famille. Ce fut un grand soulagement lorsque sa conjointe l’a finalement joint par téléphone », poursuit le Montarvillois. Hébergée chez ses parents, celle-ci avait dû se déplacer avec eux lors d’une panne de courant. M. Forest ose à peine imaginer ce que d’autres familles ont pu vivre comme situation pendant ces semaines d’angoisse et de détresse.

Entraide

Il se souvient également de l’entraide. L’assistance de tout le monde, pour aider tout le monde. « Tous les soirs, je repassais par Saint-Bruno pour m’assurer que tout allait bien avec ma maison, puis j’allais voir mon voisin encore chez lui. Je lui demandais s’il avait besoin de quelque chose. J’ai aimé voir l’entraide dans la communauté : les gens qui cognaient aux portes et qui s’assuraient que tout était correct chez l’autre. »
Avec le recul, Pierre Forest raconte que la crise du verglas est la plus belle chose qu’il a vécue dans sa vie. « Autant d’entraide… les gens ont arrêté de se regarder le nombril, de ne penser qu’à eux-mêmes et de réaliser qu‘il n‘y avait pas juste eux. »

Jamais plus?

Advenant une nouvelle tempête de verglas historique, M. Forest, qui parle de « quantité de verglas inimaginable, du jamais-vu », assure que les pylônes électriques ne pourraient subir le même sort qu’en 1998. « Les pylônes que nous avions à l’époque dépassaient déjà les standards de l’Union d’électricité mondiale. Ils avaient été bâtis plus solides que selon la demande normale. Après la crise du verglas, nous les avons construits en élevant encore davantage les normes. Un risque d’écroulement en cascade comme nous avons connu ne peut plus arriver. Les lignes pourraient flancher, oui, mais les pylônes, non. Ça prendrait une bombe. »

QUESTION AUX LECTEURS :

Avez-vous eu un rôle spécial lors de la crise du verglas?