Flou éthique autour d’une bouteille de vin

La conseillère municipale Isabelle Bérubé a accepté en cadeau une bouteille de vin d’un contractant de Saint-Bruno, une situation qui, selon sa collègue Marilou Alarie, « crée une apparence de conflit d’intérêts ». Une interprétation que la principale intéressée rejette totalement.

« Pour moi, c’est clair qu’un titulaire de charge publique, on doit vraiment faire tout notre possible pour s’abstenir d’accepter des cadeaux qui sont offerts par des fournisseurs. […] Je pense que c’est très facile de dire non merci », a indiqué la conseillère Alarie, en entrevue aux Versants.

Mme Bérubé a accepté une bouteille de vin de 30 $ de la part du cabinet Lemay, à la suite de sa participation à un panel sur les villes durables, organisé par le fournisseur, en septembre dernier. La conseillère municipale a déclaré avoir reçu cet avantage, comme la loi l’oblige.

« Je pense que c’est une erreur de sa part d’avoir accepté ce cadeau-là. » – Marilou Alarie

Lemay est un fournisseur occasionnel de Saint-Bruno. À titre d’exemple, il a récemment eu comme mandat d’étudier l’emplacement de l’éventuel Centre multisport de Saint-Bruno, un rapport qui a été remis en octobre dernier.

« Je pense que c’est une erreur de sa part d’avoir accepté ce cadeau-là. Personnellement, je ne l’aurais pas fait », a renchéri Mme Alarie.

Le code d’éthique des élus de Saint-Bruno stipule qu’« il est interdit à tout membre du conseil d’accepter tout don, toute marque d’hospitalité ou tout autre avantage, quelle que soit sa valeur, qui peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité ».

Mme Alarie assure « ne pas du tout mettre en doute l’intégrité de Mme Bérubé », mais se permet tout de même de soulever la question : « Est-ce que le fait d’accepter le cadeau est venu faire en sorte que son intégrité ou sa façon de voir sa relation avec Lemay ont été affectées? Il n’y a qu’elle qui peut y répondre. »

Bérubé se défend

Pour sa part, Mme Bérubé a rejeté en bloc les insinuations de sa collègue, l’accusant « d’inventer un scandale ». « Les élus, on n’a pas d’autorité sur l’octroi de mandats à des fournisseurs. Donc, il n’y en a pas de conflit [d’intérêts potentiel] », a-t-elle expliqué aux Versants. Et elle a précisé : « C’est évident que Mme Alarie vise la mairie en 2021 et qu’elle va tout faire pour discréditer l’administration en place d’ici là. »

Selon elle, les Montarvillois seront « très en mesure de comprendre que si on donne une conférence, on peut être remerciée. » D’ailleurs, elle ne croit pas que d’avoir accepté cette bouteille fut une erreur. Elle agirait de la même manière si la situation devait à nouveau se présenter. « Mais je remercie Mme Alarie pour sa grande vigilance concernant les grands enjeux de gouvernance au sein de la municipalité », a-t-elle ajouté avec sarcasme.

Les experts consultés par Les Versants sont divisés sur la question. Danielle Pilette, professeure de l’UQAM spécialisée en gestion municipale, juge qu’il « aurait été souhaitable » que Mme Bérubé refuse le cadeau : « Ce qui est problématique, c’est l’apparence d’intéressement de l’élue. […] Ce qui est important, c’est de donner une apparence de distance et de hauteur par rapport au fournisseur, donner l’image qu’on est au-dessus des considérations matérielles. »

En acceptant ce cadeau de 30 $, « on peut donner l’apparence que même pour ce montant, on est intéressé, alors qu’il faut donner une apparence de désintéressement», a-t-elle poursuivi.

Politique claire

L’experte en gestion municipale invite d’ailleurs Saint-Bruno à se doter d’une politique claire sur la réception de cadeaux par les fournisseurs, afin d’aider les élus à prendre la meilleure décision. « Je suis portée à dire que la Ville pourrait améliorer ses pratiques. »

Pour sa part, Florence Piron, professeure à l’Université Laval et spécialiste en éthique de la communication, juge que l’acceptation du cadeau ne pose pas problème, puisqu’il a été offert en échange d’un service déjà rendu : « Si elle a fait une prestation, et que le cadeau était public et déclaré, je ne vois pas de conflit d’intérêts là. Elle a participé à un panel, donc il y a une contrepartie. »

« Le problème du conflit d’intérêts, c’est lorsque quelqu’un vous fait un don, et ensuite vous vous sentez en dette par rapport à cette personne », a-t-elle soutenu, spécifiant que ce n’est pas le cas dans la présente situation.

Question aux lecteurs : Croyez-vous que la conseillère Bérubé aurait dû refuser ce cadeau?