Facebook versera des redevances pour certaines publications de 7 médias québécois

Le réseau social Facebook a annoncé qu’il rémunérera certains journaux québécois lorsque leurs articles seront intégrés à des sections spécifiques du média social, un premier pas dans la rémunération des contenus médiatiques de la part du géant du web.

Les médias faisant partie de ces ententes sont Le Devoir, Le Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit, Le Quotidien, La Tribune et La Voix de l’Est. Pour le professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, Jean-Hugues Roy, cette nouvelle mesure est un pas dans la bonne direction, mais n’est pas suffisante pour espérer arriver à une solution viable pour tous les médias. « L’entente est confidentielle et a une durée de trois ans avec Facebook. Mais dans trois ans, Le Devoir va devoir recogner à la porte de Facebook. À quelles conditions est-ce que cette entente-là va se poursuivre? » 

Les détails demeurent donc nébuleux, mais M. Roy indique que si l’entente a été approuvée, c’est notamment parce que la somme d’argent qu’offrait le géant du web est « assez importante pour signer l’entente, mais pas suffisante pour être complètement dépendant de Facebook » pour les journaux qui ont signé. Le Devoir est d’ailleurs un des seuls journaux qui tirent la majorité de leurs revenus des abonnements, avec une part de 60% des revenus. Ainsi, même sans cette nouvelle source de revenus de la part du réseau social américain, le quotidien montréalais est en mesure d’avoir les sommes nécessaires à sa survie, ce qui n’est pas forcément le cas de plusieurs autres médias. 

Plus difficile pour les autres joueurs

Le professeur universitaire croit que les organes de presse du Québec doivent désormais vivre avec le fait que les géants du web sont très présents dans le paysage médiatique au pays. Cependant, si seulement 14 médias sur l’ensemble de tous ceux qui se trouvent au Canada ont du financement de Facebook et pour une période de temps limitée, il s’agit d’un signe que ce type d’entente ne permettra pas la survie de plusieurs médias qui auraient besoin de sommes d’argent supplémentaires à défaut de quoi ils devraient mettre la clef sous la porte. 

Jean-Hugues Roy croit que les récentes ententes « forcent les journaux locaux, qui voudraient aussi que l’argent de Facebook percole jusqu’à eux, de cogner, de quémander de l’argent à Facebook », une situation qui pourrait être évitée avec l’intervention du gouvernement dans le dossier. « On irait chercher une somme X auprès de Facebook et des autres géants de web qui font de l’argent avec les médias d’information pour la redistribuer par des pairs, comme il y a des comités d’artistes, des producteurs télé qui distribuent l’argent du Fonds des médias du Canada au mérite. »

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C’est le nombre de médias canadiens avec lesquels Facebook s’est entendu jusqu’à maintenant

Un projet de loi qui se fait attendre

Le ministre canadien du Patrimoine, Steven Guilbeault, s’est donné comme objectif de soumettre les médias sociaux à la loi sur la radiodiffusion. C’est précisément pour sauver l’information locale qu’on pousse pour faire adopter une loi comme celle-là pour aller chercher des redevances auprès des compagnies qui font de l’argent avec de l’information. 

M. Roy craint qu’à force de repousser l’adoption du texte de loi, d’autres ententes du même type que ce qui a été signé entre Facebook et les sept quotidiens québécois ne se fassent, ce qui pousserait des ministres à remettre en question l’utilité d’une réglementation fédérale sur le sujet. « Devant Steven Guilbeault, il y a le ministre de l’industrie ou des finances qui lui dit “c’est bien beau un projet de loi pour aller chercher des redevances auprès des géants du web, mais voyez: les géants du web donnent déjà de l’argent à certains médias. Pourquoi aurait-on besoin d’un projet de loi?” »

Revenus publicitaires à la baisse

D’ici à l’adoption d’une réglementation qui inclut les géants du web dans la redistribution des revenus provenant des publications faites sur leurs plateformes, les médias continueront d’obtenir une grande part de leurs revenus grâce à la publicité. Depuis le début de la pandémie actuelle, ces revenus ont été en partie assumés par les annonces de prévention contre la COVID-19, qui prennent parfois plusieurs pages dans les différents médias d’information, mais qui pourraient disparaître dès que la crise sera terminée, laissant les journaux dans l’obligation de trouver d’autres commanditaires pour combler ces revenus.

En 2018, un rapport intitulé Attention aux espaces vides – Quantification du déclin de la couverture médiatique au Canada estimait que la couverture médiatique des institutions démocratiques telles que les conseils municipaux a chuté de 50% en dix ans, notamment à cause de la chute des revenus publicitaires qui a causé la fermeture de plusieurs publications.