Saint-Bruno : demande de modification de la loi sur l’expropriation

Plusieurs maires et mairesses, appuyés par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM,) demandent de nouveaux pouvoirs à Québec pour atteindre les objectifs de la région de protéger 17 % de son territoire.

Le PMAD impose aux 82 municipalités de la CMM d’atteindre l’objectif de protection de 17 % de leur territoire, comme défini par la convention des Nations Unies sur la diversité biologique de Nagoya.

« En 2020, le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) passe d’un objectif de protection de notre territoire de 10 % à 17 %. Nous sommes arrivés péniblement à Saint-Bruno à 10 % cette année. Cela ne bouge pas assez rapidement. Si on n’agit pas maintenant, demain il pourrait ne plus y avoir d’espaces à protéger », explique aux Versants le maire de Saint-Bruno-de-Montarville, Martin Murray.

Par ailleurs, devant la réalité de plusieurs municipalités actuellement aux prises avec des contestations judiciaires pour avoir adopté des mesures réglementaires favorisant la conservation de milieux naturels, il a été résolu de demander au gouvernement du Québec de modifier la Loi sur l’expropriation afin que l’indemnité d’expropriation soit calculée sur la base de la juste valeur marchande la plus raisonnable d’une propriété et en tenant compte des contraintes réelles de son développement et de la réglementation en vigueur.

M. Murray précise que « ce n’est pas une expropriation sans rémunération! Nous souhaitons que les villes puissent payer les terrains à leur juste valeur marchande. La valeur marchande, ce serait la valeur qu’on retrouve au rôle d’évaluation. »

Pour toutes ces raisons, la municipalité était heureuse de l’initiative de la CMM qui vise à mieux reconnaître les contributions municipales en matière de protection des milieux naturels en demandant au gouvernement du Québec de nouveaux pouvoirs.

Plusieurs suggestions

Dans cette foulée, plusieurs solutions ont été mises de l’avant, dont celle-ci : faire un répertoire métropolitain des initiatives municipales de conservation. Cette mesure devrait être adoptée par la CMM au printemps 2020 afin de brosser un portrait plus juste de la situation. Aussi, donner à l’ensemble des municipalités un droit de préemption afin de permettre aux Villes d’avoir un premier droit de refus sur les terrains mis en vente dans leur municipalité, comme c’est déjà le cas à Montréal.

« Dans un contexte de lutte aux changements climatiques et de protection de la biodiversité, il est impératif de conserver tous les milieux naturels qui peuvent et doivent l’être pour atteindre l’objectif de 17 % d’aires protégées à l’échelle de la CMM. C’est un immense défi collectif. Par conséquent, il nous faut agir de manière cohérente et concertée et, pour ce faire, nous avons besoin de nouveaux leviers financiers et légaux afin que rien ne soit laissé au petit bonheur la chance », de préciser M. Murray.

« Nous souhaitons que les villes puissent payer les terrains à leur juste valeur marchande. » – Martin Murray

Situation actuelle

La Ville de Saint-Bruno est poursuivie par des promoteurs au sujet de plusieurs boisés qu’elle souhaite protéger. Le montant des poursuites avoisinerait les 65 millions de dollars. Rappelons que les prévisions budgétaires de la municipalité pour l’année 2019 sont de près de 68 millions.

Le maire de Saint-Bruno, Martin Murray, confirme ces chiffres et précise au journal que « ce sont six boisés qui sont concernés par des poursuites. Vous comprendrez que parce que les dossiers sont judiciarisés, il ne me sera pas possible de les commenter. »

Ainsi, le boisé des Hirondelles, le boisé Sabourin, deux boisés situés au sud de la route 116, un des deux boisés à l’entrée de Saint-Bruno sur un côté du boulevard Seigneurial et enfin un boisé à proximité du golf tentent d’être en ce moment préservés de manière judiciaire par la Ville contre des propriétaires qui souhaitent développer leur secteur.

Le boisé des Tilleuls, sur les bords du boulevard Seigneurial à l’entrée de Saint-Bruno, est un autre boisé qui pourrait aboutir à des poursuites du promoteur contre la Ville, mais ce n’est pas le cas pour l’instant et les deux parties sont en discussion pour s’entendre.

Une bonne chose pour tous

L’initiative de la CMM de vouloir changer la loi sur l’expropriation n’est « pas une mauvaise initiative, pour le conseiller indépendant du district 4 Ludovic Grisé Farand. Mais la question est de savoir si cette mesure est rétroactive ou pas. Si elle ne l’est pas, cela ne change rien au montant de 65 millions de poursuites actuel qu’a la Ville. D’autre part, c’est trop peu, trop tard. Il reste deux ans de mandat au maire. On s’entend que ce sera la prochaine administration qui récoltera les dossiers de poursuites. »

Pour Caroline Cossette, conseillère indépendante du district 3, « si les Villes peuvent avoir un appui dans ce dossier, ce serait une bonne chose. Une chose est certaine, c’est que les promoteurs en demandent toujours trop dans des poursuites. »

Joël Boucher, conseiller indépendant du district 8, est plus mesuré. « Tant la ville que les promoteurs, les commerçants et les industriels ont un rôle à jouer dans une ville pour assurer le bien-être et le développement et le maintien des services à la population. Ce développement ne doit pas se faire à n’importe quelles conditions, mais il doit être encadré en fonction des objectifs de la société. Il faut atteindre l’équilibre entre les besoins de la population et le développement dans le respect des lois et de la réglementation. Or, notre administration actuelle, pour des objectifs purement politiques et dogmatiques, promet mer et monde sans mesurer les conséquences à moyen et long terme. Elle répond à des diktats politiques qui plaisent à une certaine faction de la population en négligeant le reste. »

Louise Dion, conseillère du district 1 de l’Alliance municipale, rappelle que le gouvernement se penche déjà sur la question. « Dans le Partenariat 2020-2024 entre le gouvernement et les municipalités ( Pacte fiscal) du 30 octobre dernier, le gouvernement s’est déjà engagé à analyser l’opportunité de revoir la Loi sur l’expropriation et de mettre un groupe de travail avec les municipalités sur cette question. Je suis très heureuse que le gouvernement ait décidé d’analyser cette question avec les municipalités. »

M. Grisé Farand et Mme Dion se sont dits surpris de ne pas avoir été invités à cette rencontre. « J’aurais bien voulu assister à cette conférence, mais on ne m’y a pas convié », de dire M. Grisé Farand.

Isabelle Bérubé, conseillère du district 5 du Parti montarvillois, et Vincent Fortier, conseiller du district 2 aussi du Parti montarvillois, parti du maire, accompagnaient quant à eux le premier magistrat de la Ville lors de l’annonce.

« On ne m’a pas avisé de cette rencontre à Montréal, mais pire que cela, il y a eu une prise de position de la Ville de Saint-Bruno par son maireet deux des conseillers de son parti sans qu’on en avise au préalable l’ensemble du conseil municipal. Quant à la demande elle est légitime si l’on peut donner aux municipalités de meilleurs outils pour négocier avec les promoteur.

À propos de la CMM

Créée en 2001, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) est un organisme de planification, de coordination et de financement qui regroupe 82 municipalités, soit 4 millions de personnes réparties sur un territoire de plus de 4 360 km. La CMM exerce des compétences dans les domaines de l’aménagement du territoire, du développement économique, du logement social, du transport en commun et de l’environnement.

Ce que dit la loi sur l’expropriation

L’expropriation est une opération par laquelle une municipalité peut, aux fins d’utilité publique, acquérir de façon forcée un immeuble ou un terrain de propriété privée moyennant indemnité.

Trois grandes méthodes sont utilisées pour fixer la valeur marchande de la propriété faisant l’objet d’une expropriation. L’une d’entre elles vise plus les promoteurs. La valeur marchande est définie comme étant le prix qu’un acquéreur verserait pour la propriété en prenant en considération le revenu qu’il pourrait en tirer.

Le propriétaire a donc droit à une indemnité correspondant non seulement à la valeur vénale, estimée en argent, de son bien à une date donnée, mais également à tous les avantages prévus et futurs actualisés à cette date donnée.