Dans une prison au Vénézuéla

Les supplices de Stéphan G. Zbikowski
De décembre1994 à octobre 1997, Stéphan G. Zbikowski a vécu dans ce qui est considéré comme l’une des pires prisons au monde. Il relate son chemin de croix dans L’enfer derrière les barreaux, un récit tel un journal écrit à deux mains, par lui-même et en collaboration avec sa mère Françoise Soucy, une résidante de Sainte-Julie.
 « Il me remettait ses écrits lors des visites en prenant bien soin que les gardes ne s’en rendent pas compte, explique Françoise Soucy. Ses écrits sont très exacts, car sa mémoire ne peut pas faire défaut; il était là. »
De 1987 à 1991, Stéphan G. Zbikowski s’occupait de l’entreprise appartenant à son père au Vénézuéla. Celui-ci importait des équipements des États-Unis, les retapait et les revendait sur place. En 1994, alors qu’il était au Québec, son père l’informe d’une aubaine et lui recommande l’achat d’une entreprise de concassage de quartz. Le fils retourne au Vénézuéla avec sa femme et ses quatre enfants pour l’acheter et la gérer. Il compte s’installer pour de bon dans ce pays dont sa conjointe est originaire.
Ses tourments commencent un vendredi 16 décembre 1994; la veille, Stéphan se rend à l’aéroport avec son père, qui doit prendre l’avion pour le Québec afin de subir une opération en raison d’un cancer. Ce vendredi-là, la Guardia nacional arrête le fils, car elle a trouvé dans un conteneur un chargement de sable noir avec 543 kilos de cocaïne qui devait être livré à Montréal. La drogue aurait été mise par son père, mais celui-ci a toujours nié et disait ignorer l’existence de la cocaïne dans le chargement. Le mystère va rester entier même après la mort du père, le 1er octobre dernier.
Un calvaire insoutenable
À la lecture de ce récit, force est de constater combien seront pénibles les nombreux mois passés dans une prison. Condamné à 10 ans de réclusion, Stéphan G. Zbikowski va devoir survivre entassé avec d’autres prisonniers dans des cellules minuscules, et contracter des maladies en raison des lieux répugnants et fétides. Il va endurer aussi les exactions des gardiens et se plier à leur bon vouloir. « Certains de mes amis qui ont lu les atrocités vécues par mon fils se sont arrêtés de lire. Ils étaient complètement bouleversés », témoigne sa mère.
Françoise Soucy ne cessera jamais de le visiter, de payer les gardiens pour que son fils puisse bien manger et se soigner. Elle va remuer ciel et terre auprès de l’ambassade canadienne, se ruiner financièrement pour trouver en vain un avocat digne de ce nom. La Julievilloise et son fils ont dû finalement accepter la proposition ultime du gouvernement canadien. « Le transfert de détention au Canada n’est possible que si mon fils plaide coupable, mais il est innocent. »

« Si j’avais suivi mes émotions et mes instincts de ne plus avoir de relation avec mon père, il serait mort et j’aurais des regrets. » – Stéphan G. Zbikowski

Stéphan G. Zbikowski sera rapatrié au Québec en octobre 1997. La Commission des libérations conditionnelles l’a relaxé par la suite parce que les preuves n’étaient pas suffisantes. « Mon fils a pardonné à son père. Dans le livre, il ne fallait pas mentionner que mon fils était certain que son père avait commis le crime. Son père était toujours vivant et nous voulions éviter une poursuite de sa part. Nous sommes à 98 % certains que c’est son père qui avait organisé ça », d’affirmer Françoise Soucy.
À l’autre bout du fil, Stéphan G. Zbikowski, la parole ponctuée d’arrêts, dit savourer chaque moment aujourd’hui comme si c’était le dernier. « Avant la prison, si j’étais pris dans le trafic, je devenais frustré, se remémore-t-il. Si j’étais dans une file, j’en voulais à la caissière qui était peut-être en formation. C’est drôle comment les choses qui nous affectent émotionnellement peuvent être complètement différentes après. »
Stéphan G. Zbikowski confesse avoir été athée avant de prendre le chemin de la prison : « À travers mon incarcération, je suis devenu chrétien. J’étais complètement athée. Je ridiculisais les croyants. » Une lecture assidue de la Bible suivra. « Étrangement, j’ai trouvé que dans ce que je lisais, il y avait plus de sagesse que dans n’importe quoi d’autre que j’avais lu auparavant. Je me suis fait un peu prendre à mon propre piège. » Ainsi est né le pardon qu’il acquiesce à donner à son géniteur. Renaîtra alors une grande amitié ente les deux. « Si j’avais suivi mes émotions et mes instincts de ne plus avoir de relation avec mon père, il serait mort et j’aurais des regrets », concède celui qui dit savourer aujourd’hui la vie et surtout tous les moments qu’il passe avec sa nouvelle conjointe et ses enfants.
À l’intention de sa mère, il soutient n’avoir pas les mots pour exprimer combien elle a été présente : « Quand je regardais dans les yeux des autres prisonniers abandonnés par leur famille, je voyais le vide dans leur regard, un vide intérieur. Moi, je sentais l’amour de ma mère à travers les barreaux, à travers le temps qui passe; sentir l’effort qui se faisait à l’extérieur pour m’aider. »
Question :
Êtes-vous toujours sur vos gardes quand vous êtes en voyage dans un pays où les peines sont très sévères en matière de possession de stupéfiants?