Changer la loi pour protéger les élèves au privé

Trois femmes qui affirment que leurs enfants ont été intimidés à l’Académie des Sacrés-Cœurs se sont rendues à l’Assemblée nationale le 5 décembre afin de dénoncer l’intimidation et proposer des pistes de solution.
Rencontrées par Les Versants, Sonia Grenon et Nancy Woods, avec la participation de Christine Gingras, n’ont pas oublié ce que leurs enfants ont vécu à cette école primaire privée, mais ne désirent plus lancer d’accusations, seulement obtenir justice et agir pour tous les autres enfants victimes d’intimidation dans des écoles privées. Mme Véronique Perreault faisait également partie de l’intervention à l’Assemblée nationale, mais n’a pu être jointe.
Selon elles, leurs enfants ont été victimes d’intimidation très sévère, aussi tôt qu’en première année du primaire. De nombreuses situations ont été racontées, elles peuvent se résumer à ceci : propos racistes, insultes, coups et autres actes physiques violents, embuscades, lancers d’objets lourds et même des menaces de mort.
Elles considèrent que la réaction de l’école n’était pas appropriée. « Ils mettaient nos enfants en garde à vue ou ils étaient isolés pendant les récréations, comme si c’étaient eux le problème; on ne nous appelait pas pour être mises au courant », divulgue Sonia Grenon. Nancy Woods dit avoir remarqué un désengagement certain de la direction.
Elles ont tenté plusieurs recours afin qu’on leur vienne en aide, en vain. Le Protecteur de l’élève peut seulement intervenir auprès des élèves du secteur public, tandis que le ministère de la Famille s’est contenté de leurs envoyer des liens vers des organismes tels que SOS j’écoute.

Une faille dans la loi

Lorsqu’elles ont fait des démarches auprès du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MELS), on leur a appris, à leur grande déception, que rien ne pouvait être fait, puisqu’il s’agissait d’une école privée.
Nancy Woods explique qu’en quelque sorte, les conseils d’administration des écoles privées sont au-dessus de la loi. « Le MELS ne peut pas prouver que ces dernières suivent leur Plan de lutte contre l’intimidation, il peut juste vérifier si elles en ont un, expose-t-elle. Ce que le MELS a le droit de faire, c’est de s’informer s’il est complet, mais il ne peut pas prouver si des actions ont été prises par la direction de l’école ou juger de la qualité de ce plan. Ça veut dire que les enfants des écoles privées ne sont pas protégés, à moins que la direction n’agisse. » Le MELS donne donc des constats de conformité sans réel fondement.

Aller à la rencontre des politiciens

Les mères ont donc compris que le seul moyen de changer les choses était de modifier la Loi sur l’enseignement privé. Vers le mois de mars dernier, elles ont fait la rencontre de Jean-François Roberge, le député caquiste de Chambly, qui est un ancien enseignant.
« On s’est frappées à tellement de portes et M. Roberge nous en a enfin ouvert une. Avant lui, personne ne nous écoutait, et on est des adultes, imaginez si c’était un enfant qui cherchait de l’aide, raconte Nancy Woods. Il nous a parlé un peu de ce que la CAQ préparait pour l’intimidation, mais quand on lui a montré la faille dans la loi, ça a fait avancer les choses. » Le député de Chambly leur a par la suite proposé de faire le point de presse le 5 décembre.

Une partie de la solution

Lors de ce point de presse, Nancy Woods, Christine Gingras, Véronique Perreault et Jean-François Roberge ont dévoilé leur Plan pour protéger les élèves au privé. « La plupart des écoles privées font bien leur travail pour protéger les jeunes, mais quand ce n’est pas le cas, que peuvent faire les parents? Pas grand-chose », a déclaré le député à l’Assemblée nationale.
Ils souhaitent mettre fin aux constats de conformité « bidon » en changeant la Loi sur l’enseignement privé pour que le MELS juge la qualité de leurs Plans de lutte. Ils veulent ajouter un Protecteur de l’élève indépendant, autant au privé qu’au public afin que « les 107 000 élèves de l’école privée puissent bénéficier d’un traitement de plaintes qui serait valide, qui regarderait la qualité des mesures », plaide Christine Gingras.
Jean-François Roberge avait demandé que le gouvernement libéral dépose un projet de loi avant le vendredi 7 décembre, mais rien n’a été fait et la session parlementaire ne reprendra qu’en janvier. D’ici là, les quatre mères attendent le rapport du Protecteur du citoyen et le dénouement de quatre enquêtes en cours à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Sachant que plusieurs autres parents vivent cette situation, Sonia Grenon tient à ce qu’ils trouvent de l’aide. « La plupart du temps, les parents en parlent au professeur ou à la direction. S’ils constatent que l’école n’arrive pas à régler le problème, il faut pousser plus loin, révèle-t-elle. Dans le cas d’un enfant fréquentant une école privée, les parents doivent contacter le MELS, même si ce dernier semble dire qu’il n’a pas le pouvoir d’intervenir dans les écoles privées. Après […], les parents peuvent contacter Valérie Côté au Protecteur du citoyen. Évidemment, pendant que tous ces adultes se renvoient la balle, des jeunes continuent de souffrir et peu de choses changent dans la cour d’école. »