Ce qu’un trait de crayon peut révéler sur le cerveau

Le Julievillois Réjean Plamondon est à la veille de sortir au grand public le fruit de longues années de recherche.
Le professeur à l’École polytechnique de Montréal, fondateur du laboratoire Scribens et citoyen de Sainte-Julie, Réjean Plamondon, travaille depuis plus de 20 ans sur l’écriture et le contrôle des mouvements humains.
Le fruit de ses recherches, un produit qui sera accessible sur les tablettes intelligentes d’ici quelque temps, pourra, avec seulement quelques traits de crayon, révéler de nombreuses choses sur l’état neuromoteur d’une personne.

Genèse

Il y a déjà plus de vingt ans, Réjean Plamondon se posait une question fondamentale : qu’est-ce qu’un trait de crayon?
C’est en s’intéressant au contrôle des mouvements humains qu’il en est venu à développer des modèles neuromoteurs, afin de comprendre les propriétés qui caractérisent l’humain en parfait contrôle de ses mouvements.
Dans chaque geste se trouve un profil de vitesse qui, une fois modélisé, prend la forme d’une courbe asymétrique : « La courbe est plus à pic en commençant et plus adoucie en se terminant, ça veut dire qu’on commence un trait rapidement et qu’on ralentit vers la fin. »

Du cerveau au crayon

Il a créé le modèle de référence, ce qu’il appelle une lognormale. Globalement, chaque trait engendre une lognormale, cette fameuse courbe asymétrique qui représente la vitesse et la précision du trait de crayon.

« Les profils de vitesse des enfants TDAH sont différents de ceux des enfants normaux, on voit que la lognormale n’est pas parfaite. »
– Réjean Plamondon

« Ça varie pour tout le monde, nuance-t-il. Par exemple, un enfant fait des traits saccadés et lents, tandis qu’un adulte va faire des traits rapides et fluides, et ça se reflète dans les lognormales. »

Du crayon au cerveau

À partir de ce modèle de référence, le professeur et son équipe ont développé des logiciels afin de faire l’analyse inverse : donc, au lieu de voir la chaîne de réaction du cerveau à la main, ils voulaient partir d’un trait de crayon afin d’analyser l’état neuromoteur d’une personne.
Ainsi, une personne peut réaliser quelques tests de coordination ou d’écriture sur une tablette électronique munie de ce logiciel. Celui-ci peut reproduire les lognormales de cette personne et les comparer au modèle idéal. « Pendant toute notre enfance, on va migrer vers le modèle, le suivre pendant longtemps, puis s’en éloigner en vieillissant. » C’est également le cas pour les personnes atteintes de maladies telles que le Parkinson ou l’Alzheimer.

Une foule d’applications

Le professeur voyait dans cet outil de multiples usages, mais s’est concentré sur celui qu’il considérait comme le plus important : l’étude des conditions neuromotrices.
Parmi ces usages, il est possible de détecter le TDAH. Réjean Plamondon explique : « Les profils de vitesse des enfants TDAH sont différents de ceux des enfants normaux, on voit que la lognormale n’est pas parfaite, elle est un peu hachurée. Ça veut dire que la commande du cerveau n’a pas été envoyée correctement et qu’il doit envoyer d’autres commandes pour corriger le trait. »
Réjean Plamondon dit aussi que son logiciel servirait dans le domaine sportif. Il permettrait de détecter quand un athlète est prêt à reprendre le jeu après une blessure ou une commotion, etc.

Commercialisation imminente

L’objectif de ces années de recherche était de créer un outil compact et d’y intégrer les tests d’écriture. Le tout prend la forme d’une application sur une tablette intelligente, peut-être même de jeu vidéo afin de rendre les tests amusants.
Rendus à l’étape de la commercialisation, ils sont à la recherche d’investisseurs, puisque le produit final est presque prêt.
Le scientifique est sûr que tout le monde y trouvera son compte : « C’est autant pour les personnes en santé qui veulent, par exemple, suivre l’état de leur système neuromoteur et de leur entraînement, que pour les personnes en apprentissage ou en régression. »
Selon Réjean Plamondon, son produit, pas encore baptisé, sera disponible au grand public d’ici un ou deux ans.