Car tu n’as besoin que d’être vide

Chronique jeunesse

Ce qui est particulier avec ce sujet, c’est que l’on ne le connaît pas. Du moins, pas assez. Pourtant, une partie des adolescents et des adolescentes en sont touchés. C’est ce qui est le plus triste. Alors, de quoi parlons-nous? Je parle de cette voix à l’intérieur de toi qui t’explique comment arrêter de manger. Oui, oui, l’Anorexie avec un grand A.
Au début, j’étais néophyte à ce sujet. Je ne le connaissais que très peu, mais maintenant avec Internet, on en entend parler. Vous savez, on a tous un moment dans notre vie où on ne sait plus pourquoi, mais nous avons un manque de motivation. C’est normal, l’être humain se lasse facilement. Sauf que la plupart du temps, cette phase ou cette période arrive durant l’adolescence. Je ne me souviens plus de la cause, ni comment. C’est juste arrivé. C’était comme un signal que l’on n’entend pas. Ensuite, il grandit et on l’ignore. Ce n’est qu’au moment précis où tu ne peux plus l’ignorer que tout dérape. Et nous ne devrions pas nous rendre à ce point.
Au début, tu as l’impression que tout va bien. Tu commences par sauter un repas. Puis, plusieurs. Puis, tu ne manges que quelques petits fruits par jour. Tu te dis que ça n’a pas d’importance, que lorsque tu voudras arrêter, tu arrêteras. Tu te caches. Tu te dis que si tu en parlais à quelqu’un, on te dirait tout de suite d’arrêter, que tu es folle. Donc, tu mens. Tu mens à ton entourage sur tout. Tu t’inventes des excuses. Lorsqu’ils sont là, tu manges comme si de rien n’était. Mais tu regrettes après et tu arrêtes de manger pendant plusieurs jours. Certaines personnes le font pour perdre du poids, mais d’autres pour se sentir en contrôle. Ça continue et les jours s’enchaînent. Vous connaissez la routine. En même temps, tu n’as plus de motivation. Que faire d’autre?
C’est ce qui s’est passé avec moi. Ça paraît complètement con. Pour ma part, ça n’a pas duré longtemps. Quelques mois. En quelques mois, tu te mets assez bien dans la peau des personnes qui en souffrent. En quelques mois, je suis devenue anxieuse, impulsive, je me repliais sur moi-même, je dormais beaucoup trop, je ne pouvais plus me concentrer. Les symptômes peuvent se rendre loin. Puisque l’école ne nous en avait jamais parlé, comment pouvais-je savoir les symptômes me disant que j’avais atteint ma limite, que j’étais allée trop loin?
Mes dernières semaines ont été difficiles. J’étais de plus en plus fatiguée ou je n’arrivais pas à dormir. J’abusais des médicaments, évidemment. Je le savais que c’était mal. Mes amies proches commençaient à se douter de quelque chose. Je commençais à regretter. Mais c’était trop tard; une habitude, c’est difficile de s’en séparer. Je reprends les paroles d’une personne ayant été atteinte d’anorexie : « Je sais que c’est mal, mais juste parce que tu sais que tu es daltonien, ça ne veut pas dire que tu vois les couleurs. »
Je n’ai compris cette métaphore que lorsque j’ai été dans cette situation. La situation dans laquelle tu sais que ce que tu fais est mal, mais tu ne vois pas ce qui se passe. Tu ne vois pas la gravité de tes actes. Tu ne vois rien. Aveuglée. Tu es dans le problème. Tu n’es pas le problème. Mais tu ne peux pas voir de l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur. Donc, tu te dis que ce n’est pas grave.
Et puis, il y a ce moment. Ça ne dure qu’une fraction de seconde. Tu marches vers ton cours d’anglais et puis, soudainement, ta tête est sur le sol. Tu ne comprends rien et tu es perdue. Tu prends peine à te relever. Tu trembles et tu frissonnes. Ton corps n’a plus d’énergie.
Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai été forcée d’en parler. C’est en parlant avec les personnes de ton entourage que tu arrives à t’en sortir. Car lorsque tu parles avec des personnes ne voyant pas le problème ou qui sont dans le problème, tu restes coincée dans cette roue. Le fait de manger à nouveau change tout de suite ton comportement. Tu as plus d’énergie, tu te sens en pleine forme, tu es heureuse. Tu prends non seulement du poids, mais tes règles recommencent ou deviennent plus longues. Ta peau devient en meilleure santé. Ton corps va mieux.
Il n’est plus vide.
Une collaboration de Marie-Maxime Courville, 15 ans, de la MDJ La Butte.