Bergeron en visite en Catalogne

En novembre, Stéphane Bergeron, député fédéral du Bloc québécois dans la circonscription de Montarville, est allé en Catalogne rencontrer Carme Forcadell, l’ex-présidente du Parlement de la Catalogne. Cette dernière, favorable à l’indépendance de cette région d’Espagne, a été condamnée le 14 octobre 2019, à la suite de l’organisation d’un référendum jugé illégal par Madrid. Elle a été condamnée à 11 ans et 6 mois de prison pour sédition, assortis de 11 ans et 6 mois d’inéligibilité.

Pourquoi avez-vous rencontré Mme Forcadell?
J’ai rencontré beaucoup de monde lors de mon séjour en Catalogne. J’y suis allé en tant que délégué du Parti québécois. Pendant la période du référendum, j’avais eu l’occasion de rencontrer Carme Forcadell (ex-présidente du Parlement de la Catalogne) à ce moment-là au parlement catalan. Je suis ressorti de cette rencontre très impressionné par le courage et la résilience dont elle faisait preuve. En même temps, elle semblait consciente de ce à quoi elle devrait éventuellement faire face. Quand il a été question d’un déplacement en Catalogne pour moi, il était évident que je souhaitais avoir l’occasion de saluer Carmen Forcadell en prison. Fort heureusement, cette autorisation m’a été donnée. J’étais accompagné de Jordi Solé, qui était député européen jusqu’aux dernières élections, responsable pour sa formation politique des relations internationales. En sortant de cette rencontre marquante, nous avons décidé de cosigner une lettre ouverte que nous diffuserons bientôt.

Le combat pour l’indépendance du Bloc québécois et le mouvement indépendantiste catalan, c’est la même chose?
Beaucoup de similitudes entre les deux mouvements, quoiqu’il y ait des différences fondamentales. L’Espagne préexistait à l’annexion de la Catalogne, tandis que le Canada ne préexistait pas à sa création en 1867; ce sont les colonies britanniques qui, en s’associant, ont donné naissance au Canada. Dans son avis sur la sécession du Québec, la Cour suprême a jugé que s’il était possible d’entrer librement dans la fédération, il était possible également d’en sortir tout aussi librement, pour peu qu’il y ait un résultat clair à une question claire, ce que la Cour suprême s’est bien gardée de définir. Donc, le débat est dans l’arène politique, et bien évidemment, s’il devait y avoir un autre référendum, c’est à ce moment-là que se réglerait la question québécoise. Dans le cas de l’Espagne, le gouvernement de Madrid estime que le référendum était illégal en vertu de la constitution espagnole, quoique le droit international reconnaisse au peuple le droit à l’autodétermination. Donc, il y a un conflit de juridiction et c’est en s’appuyant sur le droit international que les autorités catalanes ont décidé malgré tout de maintenir un référendum pour lequel plusieurs des dirigeants dûment élus sont actuellement emprisonnés ou en exil. C’est curieux d’avoir vu, par exemple, des policiers espagnols frapper violemment des citoyens qui avaient commis le seul crime d’être en ligne pour aller voter.

Est-ce que le Québec a plus de pouvoir au Canada que la Catalogne en Espagne?
Le gouvernement de Madrid exerce toujours un pouvoir important sur la Catalogne et on l’a bien vu le jour du scrutin. La Catalogne a un pouvoir limité sur le plan policier, alors que le Québec exerce un contrôle quasi complet de son territoire avec la Sûreté du Québec ou encore les forces de police municipale. La Catalogne vit toujours sous la menace de Madrid de suspendre l’autonomie de cette région, alors que le gouvernement canadien n’a absolument pas le pouvoir de suspendre les pouvoirs d’une province. On est vraiment dans deux situations qui sont analogues, mais qui sont complètement différentes. C’est la raison pour laquelle il n’appartient ni aux Catalans ni aux Québécois de dire à l’autre peuple comment il doit se comporter par rapport à son avenir. Il ne m’appartient pas comme indépendantiste québécois de suggérer quoi que ce soit à l’avenir politique et constitutionnel des Catalans, c’est à eux de décider quel sera leur avenir politique. Mais encore faut-il qu’ils en aient l’opportunité. Je pense que là, c’est le rôle de la communauté internationale de faire comprendre à Madrid que ce droit doit être préservé et il doit appartenir à ce peuple de décider de son propre avenir si tel est son désir. Et que Madrid ne peut pas réagir à cette volonté démocratique en usant de la force et en emprisonnant des personnes dûment élues par la population catalane, ce n’est pas la façon de faire. Cela va à l’encontre des droits de la personne, de l’état de droit, des règles internationales.

M. Blanchet, votre chef, parle de collaboration avec les nations du monde qui n’ont pas de pays. Ce n’est pas une situation d’ingérence que le bloc risque de mettre en place?
Pas du tout. On parle de collaboration, pas d’intervention. Certains de ces peuples ne réclament pas l’indépendance. Ce n’est pas parce qu’ils ne la réclament pas qu’il n’est pas utile de collaborer. Tout comme il est utile pour le Québec d’avoir une présence internationale, il est tout aussi important pour ces peuples d’avoir une présence internationale. Certains en sont privés. Ce que le chef du Bloc suggère, c’est qu’il y ait un groupe d’amitié de ces peuples qui n’ont pas de pays et qui veulent pouvoir se faire entendre. C’est à chacun de ces peuples de décider ce que sera leur avenir politique et constitutionnel, nous n’avons pas à intervenir dans ce sens-là.

Est-ce que vous inviteriez l’Alberta ou encore la Saskatchewan dans ce regroupement?
Je ne crois pas que ni l’Alberta ni la Saskatchewan ne revendiquent des motivations de nature nationale, c’est plutôt économique, ou encore politique. Les premiers ministres en question ont déjà dit qu’ils ne souhaitaient pas une chose pareille. C’est essentiellement un mouvement de pression sur le gouvernement fédéral. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un mouvement sérieux. Les gens qui font partie de leur mouvement sont sérieux, mais je ne crois pas que le mouvement lui-même, qui n’est qu’embryonnaire et qui est instrumentalisé par les deux provinces pour faire pression sur Ottawa, soit sérieux. On ne peut pas prétendre qu’il s’agit d’une nation. Je ne crois donc pas qu’on doit les considérer comme faisant partie d’une nation sans état.

Quel serait le poids de ce regroupement de nations sans état?
On ne revendique aucun poids. L’idée est tout simplement de créer un forum où les gens pourront échanger. Les contours de cette idée sont encore imprécis. Quelle sera la nature de ce qu’on identifiera comme peuple n’ayant pas de pays, ça reste à définir. C’est une idée qui a été lancée, c’est une idée qu’il reste à mettre en œuvre.