Assurer la relève grâce aux projets

Agriculture

Selon le MAPAQ, les entrepreneurs agricoles âgés de moins de 40 ans qui possèdent au moins 1 % des parts d’une entreprise agricole font partie de la relève. Le Portrait de la relève agricole au Québec 2016 indique que quelque 7 500 jeunes agriculteurs sont actifs dans la province.
L’année dernière, Les Jardins de Marie-Bio et Les Jardins du Haricot magique ont uni leurs forces pour produire 300 paniers bios. Matthieu Brisset et Mikael Tessier entament leur deuxième saison de travail agricole sur une terre de 4,5 hectares à Saint-Basile-le-Grand.
Le premier louait une parcelle sur la ferme Les Jardins de Marie-Bio depuis 2014. Avec son équipe de travail, l’entreprise (Haricot magique) a produit 100 paniers par semaine en 2016. Ingénieur mécanique de formation, son souhait est maintenant de vivre de l’agriculture maraîchère biologique. « Mon intérêt pour la chose agricole s’est vite développé, commence Matthieu Brisset. De son côté, mon partenaire de l’époque avait de moins en moins d’intérêt. Seul, je me suis vite rendu compte que c’était de moins en moins facile. Et je n’avais pas envie de rester dans mon coin de parcelle. »

« Une terre, c’est la plus grande richesse que quelqu’un peut avoir sur le long terme. Personnellement, ça me sécurise » – Mikael Tessier

Le deuxième est le fils de Francis Tessier et Louise-Marie Beauchamp, propriétaires de la ferme et de cette terre situées au pied du Mont-Saint-Bruno. Artiste et globe-trotteur, il a travaillé plus de 10 ans comme planteur d’arbres dans l’Ouest canadien; l’hiver, il a pris en charge l’hôtel familial construit au Guatemala en 2005. En 2014, il a rejoint ses parents dans le l’entreprise afin de développer le volet production et distribution de légumes. Deux ans après, la production a atteint 200 paniers hebdomadaires. Il s’est joint au projet Haricot magique/Marie-Bio en 2017. « Mon père a été élevé sur une terre à Saint-Damase. Ma mère est une visionnaire, qui a trouvé ce projet pour la terre qu’ils possèdent ici », amorce Mikael Tessier, qui prend la relève.
L’entreprise Les Jardins de Marie-Bio, dont la production a été certifiée biologique par l’organisme Québec-Vrai en 2015, a vu le jour en 2013. À cette époque, le rêve de Mme Beauchamp était de promouvoir l’agriculture biologique sur trois créneaux : aider la relève agricole en offrant l’accès à une terre à moindre coût, introduire des légumes biologiques dans les ménages de la région sous la forme de paniers, faire la promotion des jardins pour tous les jardiniers amateurs.

Prendre la relève

Le journal Les Versants est allé à la rencontre de ces deux jeunes agriculteurs de la région, qui qualifient leur projet de « belle folie », et dont les rêves, les projets et les ambitions se complètent. Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant 2017, tous les deux se concentraient sur leurs tâches, mais pour des compagnies différentes; or, ils lavaient leurs légumes avec la même eau et utilisaient les mêmes équipements. « Il était toujours dans mes jambes. On se nuisait plutôt que de s’aider. Pourtant, nous partagions les mêmes objectifs d’entreprise », raconte Matthieu Brisset.
Pour Mikael Tessier, chacun a ses raisons d’être là. De son côté, il s’est senti interpellé par le site : « Une terre, c’est la plus grande richesse que quelqu’un peut avoir sur le long terme. Personnellement, ça me sécurise, entre autres pour l’autosuffisance. Cette terre me motive. J’ai vu son potentiel et j’ai vite compris l’importance et l’intérêt de ne pas la vendre. C’est une chance de m’en être rendu compte parce que la relève, c’est une belle initiative. Malheureusement, beaucoup de jeunes ne s’y intéressent pas. »
En plus de cultiver près d’une trentaine de variétés de légumes, Mikael, Matthieu et le petit groupe d’employés qui les entourent produisent 300 paniers bios. Ceux-ci sont vendus au kiosque de la ferme ainsi qu’à certains points de chute, aux gares de trains de banlieue de Saint-Bruno-de-Montarville et de Saint-Basile-le-Grand, pendant les heures de pointe.
Éventuellement, ils visent une production de 600 à 700 paniers distribués dans la population. Ils invitent aussi les familles à venir rencontrer les poules, poulets, canards, dindes et cochons. « À long terme, dans la ferme que nous imaginons, Mikael et moi, nous voulons créer un engouement parmi la population », observe Matthieu Brisset. Table champêtre, célébrations de fin de récoltes, activités agricoles, parc pour enfants… sont quelques-unes des idées à caractère agrotouristique qui trottent dans la tête des deux hommes. « Entre une sortie familiale au cinéma, au minigolf ou à la ferme, il y a beaucoup plus d’intérêts pour les enfants, notamment, à venir nous visiter et à nourrir les cochons. »

Petite communauté

Sur place, trois entreprises locataires occupent encore des parcelles de la terre : La Brouette maraîchère, Les Jardins RadisKale et Naughty Nettle Medicinals. Ce sont des rescapés, des irréductibles qui ont su résister. Ce sont aussi les derniers. Depuis 2013, près de 40 personnes ont loué des parcelles aux Jardins de Marie-Bio. Depuis l’année dernière, les nouveaux locataires de parcelles ne sont plus admis. Lorsque les locataires actuels démarreront leurs propres fermes, l’espace sera repris par Haricot Magique et Marie-Bio. En attendant, c’est l’harmonie. « Ensemble, nous formons une petite communauté. Nous communiquons pour le ménage et nous cuisinons des bouffes communes », de poursuivre Mikael Tessier.
Dans leurs assiettes durant ces bouffes communes, il y a beaucoup d’œufs, d’ail, de ciboulette et, selon le moment dans la saison, une panoplie de légumes de la maison. Pas n’importe lesquels : les légumes moches et non vendus. « C’est très satisfaisant! »

Et la relève?

Mikael et Matthieu n’ont pas encore de marmaille. « Si j’avais des enfants et qu’ils nous regardaient travailler comme nous le faisons, je pense que ça les inciterait à étudier pour faire autre chose, lance Mikael en riant. Mais… le rêve de tout agriculteur, c’est de ne pas se voir contraint de vendre à une multinationale. Plutôt redonner à sa famille. Pour mon père, sa plus grande paie, c’est d’avoir vu son gars prendre la relève. »

QUESTION AUX LECTEURS :

Avez-vous repris les rênes de l’entreprise familiale?