La vie à Saint-Bruno pendant la Première Guerre mondiale

Le 28 juillet 1914, l’Europe commence à se déchirer, alors que l’Autriche-Hongrie a envahi la Serbie à la suite de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois à Sarajevo, en Serbie, le 28 juin 1914. C’est l’élément déclencheur de quatre années d’horreur. Pendant ce temps, à Saint-Bruno, petite municipalité rurale de près de 900 habitants, la vie suit son cours, bien que la guerre de 1914-1918 ne manque pas de faire quelques conscrits et d’amener le conseil municipal à se pencher sur la question de la conscription.

La Première Guerre mondiale a des origines profondes qui résident principalement en des rivalités économiques et coloniales des pays européens. L’élément déclencheur a un effet de domino; des alliances et des coalitions se forment. C’est ainsi que la Grande-Bretagne et la France, puissances coloniales, font intervenir leurs « sujets » des quatre coins du monde, dont les Canadiens.

Au Canada, au cours des deux premières années de la guerre, on s’enrôle sur une base volontaire. En 1917, les demandes de soldats se font plus pressantes et le premier ministre Robert Borden signe la Loi de la conscription. Massivement, les Canadiens français sont contre.

Ici, à Saint-Bruno, cinq citoyens sont conscrits : Albert Guilbert, Bruno Deslières, Armand, Laurent et Napoléon Geoffrion. Nous savons que M. Deslières n’est pas allé à la guerre, mais concernant les quatre autres, nous n’avons aucun moyen de le vérifier. Un citoyen de Montréal, ayant une résidence d’été à Saint-Bruno sur la montagne, Edson Raymond Pease, fait déjà partie de la réserve. Il est conscrit, il ira combattre outre-mer… et il en reviendra.

La vie à Saint-Bruno

Pendant ce temps, la vie suit son cours normal à Saint-Bruno, « paisible municipalité rurale avec sa montagne, ses lacs, son village, ses rangs et ses montées », écrivait l’actuel président de la Société d’histoire de Montarville, Bernard Guilbert, qui a effectué la majeure partie de la recherche du présent article.

Le cœur du village est constitué uniquement des rues Montarville, De La Rabastalière et Saint-Jacques, surnommée à l’époque « la rue des Martyrs ». Explication : elle était habitée surtout par des « vieux garçons »! On retrouve aussi huit rangs ou montées. Suivant les compilations effectuées par M. Guilbert, les résidants sont issus de huit pays différents, dont les principaux sont l’Angleterre, la France, l’Écosse et l’Italie. On parle principalement le français et l’anglais. Trente-huit métiers et professions se pratiquent ici. Le métier le plus répandu est celui de cultivateur, avec 102 individus, suivi de celui de journalier, qui en compte 48. Parmi tous ces métiers et professions, mentionnons : menuisier, couturière, charpentier, forgeron, meunier et cocher, que se partagent quelques individus. On y retrouve à l’unité : médecin, curé, ministre, garde-forestier, chef de gare, banquier, hôtelier, télégraphiste, bedeau, boucher, etc.

Quatre écoles desservent les l48 élèves de Saint-Bruno. Au village, il y a l’École du Village, site actuel de la mairie, où de 1915 à 1918, l’enseignement est confié aux Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception. En 1918, les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie prennent la relève. Les trois autres sont les écoles des rangs Vingt-Cinq et Vingt, et de la montée Sabourin.

Éphrem Deslières est maître de poste.Cependant, c’est son épouse Marie-Louise qui, dans les faits, tient le bureau de poste sur la rue Montarville, en face de l’École du Village. Quant à Éphrem Deslières, il est à l’époque maréchal-ferrant. On le retrouve aussi comme forgeron, avec Wilfrid Robert et Philias Grisé. À cette époque, à l’angle sud-est du carrefour De La Rabastalière et Montarville (côté McDonald)se trouve l’Hôtel Mont-Bruno, connu aussi sous le nom de Hôtel Benoît. Il est tenu par Adélard Benoît, qui est aussi l’agent local de la Compagnie de téléphone Bell.

Le docteur Émile Choquette, rue Montarville en face de l’église, site actuel du Centre d’action bénévole Les p’tits bonheurs, veille sur la santé de tous les habitants et accueille à la naissance les nouveaux citoyens.

Sur la montagne, plus aucun moulinn’est en activité, sauf  celui à la décharge du lac du Village. On y moud le grain et scie le bois. En 1915, une « cannerie » est construite juste à côté par Aimé Guilbert, également propriétaire du moulin.

Appartenant au Grand Tronc, le train s’arrête au quai de Saint-Bruno, à l’angle du chemin De La Rabastalière et du boulevard Sir-Wilfrid-Laurier, pour expéditeurs et passagers. Des clients réguliers sont les serres Mount Bruno Floral, fondées en 1908 par Edson Loy Pease, banquier de Montréal et horticulteur passionné. Pour faciliter le transport des fleurs, les serres, tout d’abord installées sur la montagne, se trouvent maintenant sur le rang des Petits Étangs, tout près de la gare.

En 1917 débutent les travaux de défrichement du Mount Bruno Country Club, qui deviendra un club de golf sélect. Edson Loy Pease en est le principal promoteur, aidé de la Mount Bruno Association, composée de financiers, industriels et professionnels qui, avec lui, ont une résidence d’été sur la montagne.

À la fin de la saison estivale, une exposition agricole se tient annuellement sur un emplacement non loin de la gare; événement fort apprécié pour les agriculteurs de la région.

La vie municipale

Le conseil de 1914-1917 a à sa tête le maire Oscar Berthiaume. Agent d’assurances et propriétaire de l’aqueduc de Saint-Bruno, il est le petit-fils d’Olivier-Théophile Bruneau, dernier seigneur de Montarville. Voici les noms des conseillers municipaux de cette période : Louis Beauchemin, Élias Desormiers, Albert Gauthier, Armand Huet, Ferdinand Jetté, Adélard Mongeau, Ferdinand St-Jean et Arthur Léonard. La fonction de secrétaire-trésorier est remplie par J.-A. Lefrançois.

Le conseil de 1917, dirigé par Arthur Léonard, comprend Louis Baillargeon, Georges T. Brodeur, Wilfrid Deslières, Silvas Dupuis, Armand Huet, Napoléon Jodoin et Alfred Bernier. Le secrétaire-trésorier est Frédéric Huet.

Le budget voté pour l’année 1914 s’élève à 1 159 $. La majeure partie est dévolue aux affaires courantes. Trois sujets importants occupent les discussions des conseils municipaux au cours de ces années.

Le premier est l’empierrement et la macadamisation des chemins et montées De La Rabastalière, Montarville et rang des Vingt-Cinq. Le deuxième concerne la prohibition. Un premier Règlement de Prohibition est adopté en date du 5 octobre 1914. Il n’affecte que la municipalité de la paroisse de Saint-Bruno, tandis qu’un second est adopté le 20 mars 1916, stipulant que « le conseil approuve le Projet de Prohibition des boissons alcooliques au Canada pour le temps de la durée de la guerre et une période de trois années pour la reconstruction du pays ». La Loi de la conscription signée par le premier ministre Sir Robert Borden en 1917 sera le troisième grand sujet de discussion. Comme la majorité des Canadiens français, le conseil municipal de Saint-Bruno, peut-on lire au procès-verbal du 5 juin 1917, « proteste avec toute l’énergie dont il est capable contre toute mesure de conscription… ». Résolution adressée au premier ministre Borden et à Sir Wilfrid Laurier, par l’entremise de Jos Rainville, député du comté de Chambly-Verchères.

La vie paroissiale

Entre 1914 et 1918, la paroisse connaît deux curés : Joseph-Arthur David Champagne, de 1913 à 1916, et Joseph-Sévère Renaud
, de 1916 à 1918. Huit marguilliers seront en fonction : Isaïe Lacoste, Louis Baillargeon, Louis Jetté, Émery Grisé, Wilfrid Senécal, Philias Grisé, Tancrède Dubois et Armand Cadieux.

Les offices religieux se tiennent dans la première église et les gens qui y viennent profitent d’abris pour leurs chevaux, le long du cimetière et sur la rue Saint-Jacques qui fait suite.

Les députés

Au gouvernement provincial, on retrouve Eugène Merrill Desaulniers comme député libéral. Au gouvernement fédéral, lors de la déclaration de la guerre, c’est Joseph Hormisdas Rainville, député du Parti conservateur, qui occupe le siège de la circonscription de Chambly-Verchères. Toujours à ce même niveau, en 1917, à la faveur du sentiment anticonservateur présent au Québec lors de la Crise de la conscription, ce sera Joseph Archambault, député du Parti libéral, qui occupera le siège.

La fin de la guerre

L’armistice est enfin signé le 11 novembre 1918. Le bilan de la Première Guerre mondiale s’élève à plus de 8 millions de morts et 20 millions de blessés. Somme toute, la Grande Guerre aura peu touché Saint-Bruno.

Le 11 novembre, nommé jour du Souvenir ou jour de l’Armistice, a lieu la commémoration de cette signature. Ici, à Saint-Bruno, la Légion royale canadienne filiale 147 (Montarville) prend la responsabilité de cette touchante cérémonie.

 

(Article rédigé en collaboration de la Société d’histoire de Montarville)

Sources : Bernard Guilbert, président de la SHM

               Fragments d’histoire, publié par la SHM