On écrit une page d’histoire à Saint-Bruno-de-Montarville

Ce printemps, un vent de fraîcheur a envahi la ville de Saint-Bruno-de-Montarville, qui a ouvert ses portes à une Commission de consultation sur son Plan de conservation de ses milieux naturels. Même si les citoyens n’ont eu qu’une semaine pour rédiger un mémoire, ils en ont déposé 46. Plus de 150 personnes ont participé aux trois présentations publiques.

Très engagé comme citoyen vigilant depuis 1972, j’ai collaboré avec ceux qui ont marqué l’histoire de conservation des milieux naturels de Saint-Bruno. Je n’ai pu me retenir de rédiger un mémoire personnel, qui fait une analyse serrée du plan présenté par la Ville. J’en ai souligné certaines incohérences et noté le flou général de son contenu. Ce flou m’est apparu évident quand on prétend reconnaître le corridor forestier du Mont-Saint-Bruno, un projet sur lequel je travaille depuis six ans. Parce que je réside à Saint-Bruno depuis 1971, l’historique des mesures de conservation qui, selon la Ville, lui ont valu une réputation de « ville nature », m’est apparu relativement suspect, comme si l’on voulait récupérer les efforts des citoyens vigilants de la première heure. J’y ai apporté des corrections afin que l’on puisse mieux reconnaître l’action citoyenne qui a légué à la génération présente « un héritage nature » de grande valeur.

Les commissaires de l’Institut du Nouveau Monde ont fait leur devoir. On peut mettre en doute leur jugement sur des enjeux aussi complexes que l’urbanisme durable, mais ils ont lu les mémoires et en ont tiré quelques leçons pratiques. Dans leur rapport, ils font même référence à mon mémoire : Un citoyen montarvillois, M. Jean N. Laflamme, a souligné dans son mémoire, soumis à la commission, l’importance des batailles citoyennes contre certains groupes de promoteurs privés dans cet historique favorable à la conservation. D’emblée, il affirme que « la Ville de Saint-Bruno a de façon générale bien géré la conservation des milieux naturels ». Mais, souligne-t-il, « elle le doit à son écoute de citoyens vigilants ». C’est ainsi que les pressions de groupes de citoyens ont mené à la création du parc national du Mont-Saint-Bruno et à son classement en 1985 (comme parc de conservation), à l’encontre des intentions de certains promoteurs privés qui convoitaient le sommet pour y construire des résidences luxueuses. 

Dans ses commentaires préliminaires du rapport des commissaires, le maire de Saint-Bruno se sert de mon propos pour leur faire ce rare compliment : Les auteurs du rapport ont bien fait par ailleurs de rappeler les propos d’un Montavillois qui a souligné que « la Ville de Saint-Bruno a de façon générale bien géré la conservation des milieux naturels » et « elle le doit à son écoute de citoyens vigilants ».  Le maire semble avoir lu le rapport des commissaires. Il n’a probablement pas lu mon mémoire ni tous les autres qui lui auraient ouvert les yeux et les oreilles. Tous les mémoires sont pourtant sur le site Web de la Ville depuis la fin d’avril et le sont encore aujourd’hui.

Il est facile d’éviter la lecture des mémoires de complaisance et de déplaisance (ceux de l’opposition). Il reste quelque 30 mémoires riches en informations utiles qui mériteraient une lecture directe sans la traduction des commissaires. Plusieurs proviennent d’intervenants externes qui n’ont pas d’intérêt personnel dans la municipalité de Saint-Bruno. Voilà bien la preuve que ce plan de conservation des milieux naturels n’est pas uniquement un enjeu local!

Un enjeu régional et national

Ce plan de conservation des milieux naturels a eu des échos dans des médias nationaux ou régionaux avec, entre autres, Louis-Gilles Francœur, du Devoir, Charles Côté, de La Presse, et Maxime Dorais, de Média sud. La conservation des milieux naturels est en réalité un enjeu relativement récent dans la région métropolitaine. L’agglomération de Longueuil a fait un virage à 180˚ à cet égard tout juste avant l’élection du maire actuel de Saint-Bruno.

Le maire de l’agglomération de Longueuil, Jacques Olivier, qui a pris du temps à accepter que la rainette faux-grillon avait droit à un habitat adéquat, a tout de même confié le plan de la conservation et de la mise en valeur des milieux naturels de l’agglomération au conseiller Marc Duclos, qui a présenté son travail à des citoyens de Saint-Bruno. Ce plan est devenu le schéma d’aménagement de l’agglomération (SAD), après avoir dépouillé certains éléments tels les boisés adjacents au parc national du Mont-Saint-Bruno. Il est paradoxal qu’une ville comme Saint-Bruno-de-Montarville qui, avec son plan d’urbanisme de 1962, a refusé le développement domiciliaire sauvage typique de la Rive-Sud, se fasse dépasser en 2011 sur l’enjeu de la conservation des milieux naturels.

Il faut ici noter qu’un projet domiciliaire dans un boisé adjacent au parc national, celui de La Futaie, a un peu brouillé les cartes de la consultation sur le plan de conservation des milieux naturels de Saint-Bruno en recouvrant cet enjeu d’un épais brouillard. Parce que je ne connaissais pas les tenants et les aboutissants de ce projet, et que monsieur le maire avait promis une consultation publique sur ce projet, je ne l’ai pas traité dans mon mémoire. Mais voilà que monsieur le maire fait volte-face parce que, selon lui, ce projet « a occupé une grande partie des mémoires et qu’il conclut que ceux et celles qui avaient à se prononcer sur le développement envisagé l’ont fait considérablement et amplement ». Les élus de Saint-Bruno ont pourtant déjà trouvé des solutions de compromis pour des projets semblables en consultant des citoyens vigilants, des fonctionnaires et des consultants, et cela sans abandonner leurs responsabilités d’élus.

À Saint-Bruno, les élus ont toujours su compter sur la participation de citoyens et de gens habilités à décortiquer autour d’une table de concertation un problème difficile. Cela fait maintenant partie de la culture locale. L’histoire de la gestion de la conservation des milieux naturels prouve que les élus doivent leur succès en ce domaine à leur écoute de citoyens vigilants. Cela a commencé bien avant l’arrivée d’écologistes dogmatiques et bien avant le virage « nature » de l’agglomération de Longueuil.

Afin d’éviter que quelqu’un se donne le pouvoir de la réécrire à sa façon, je compte collaborer avec des citoyens vigilants dans la rédaction de l’histoire véritable de la conservation à Saint-Bruno. La suite de cette histoire s’écrira bientôt. La consultation réussie de ce printemps offre au maire de Saint-Bruno une occasion en or d’y ajouter sa marque. Le projet de La Futaie est un autre défi pour lui, s’il veut vraiment y laisser une empreinte écologique. D’autres maires avant lui ont passé ce test, avec ou sans opposition au conseil municipal.

Jean N. Laflamme

résidant de Saint-Bruno-de-Montarville