N’isolons pas la différence
Nous sommes les parents d’un adolescent handicapé de 17 ans qui, jusqu’à la fin des classes en juin dernier, effectuait son cheminement scolaire adapté dans une classe de développement global incorporée à l’École Ozias-Leduc (ÉOL) de Mont-Saint-Hilaire. Quel bonheur et fierté pour Louis-Victor de se rendre à l’école chaque matin, comme tous les jeunes de son âge, bien entendu via un service de transport adapté, et pour nous ses parents, de le voir ainsi s’épanouir et s’ouvrir un peu plus chaque jour dans son environnement scolaire intégré au sein d’une école régulière! Que demander de mieux pour lui offrir des chances égales de réussite et de participation pleine et entière à la vie de la société (extrait intégral des « Lignes directrices pour l’intégration scolaire des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage », publiées le 30 juin 2011 par le MELS)?
Son bonheur et le nôtre seront bientôt choses du passé. Dès la rentrée scolaire de septembre 2011, Louis-Victor devra maintenant se rendre au Pavillon L’Envol de Beloeil, en fonction d’une récente décision de la Commission scolaire des Patriotes (CSP). En effet, les autorités de celle-ci ont décidé en mars 2011 de transférer pour l’année scolaire 2011-2012 les classes du programme de développement global (classes PACTE et DÉFIS) d’Ozias-Leduc vers le Pavillon L’Envol à Beloeil (situé à plus de 4 km de l’ÉOL). En outre, signalons que ce pavillon, qu’on essaie de nous faire considérer comme partie intégrante de l’ÉOL, n’est en réalité qu’une bâtisse vétuste, mal adaptée, non équipée, totalement séparée de l’ÉOL et du reste de la communauté scolaire de cette institution. Elle nous apparaît même dangereuse pour la sécurité de certains des élèves concernés, qui n’auront donc pas le choix de s’y rendre dès la prochaine rentrée scolaire.
Comme pour les autres parents concernés, cette mauvaise nouvelle nous est tombée dessus le 14 avril dernier comme une tonne de briques, alors qu’on nous avait invités à la dernière minute à une rencontre d’information qui, a posteriori, visait plutôt à nous faire dorer la pilule. Force est de croire qu’elle est passée pas mal de travers, à en juger par tous les efforts et les moyens entrepris depuis cette soirée d’avril par la grande majorité des parents concernés, afin de faire comprendre aux autorités de la CSP qu’ils ont tort d’agir de la sorte.
Malgré toutes nos démarches, nos revendications et nos arguments légitimes, ces mêmes dirigeants et commissaires persistent et signent que ce transfert demeure une décision irrévocable, à la différence près qu’une des deux classes visées demeurera à Ozias-Leduc l’an prochain (quelle ouverture!), en perdant toutefois son local actuel, le temps semble-t-il qu’on évalue mieux la situation liée à ce transfert.
Perdu donc l’accès pour Louis-Victor à la bibliothèque, au gymnase, à la cafétéria, à la cour d’école, à l’environnement social des installations de l’ÉOL…,etc. De même, perdu l’accès rapide à la piscine située à côté d’ÉOL, et aux commerces du secteur tels qu’IGA ou Métro, où notre adolescent pouvait apprendre à faire des courses comme un autre garçon normal. Que dire également de la perte de ses repères familiers (très importants compte tenu du handicap de Louis-Victor, le Syndrome de fragilité du chromosome X, qui le déstabilise facilement lors de changements), de son environnement scolaire régulier depuis trois ans, de son sentiment d’appartenance à une « grande école », comme tous les autres jeunes de son âge!
Il est tout de même fort étonnant et plutôt incompréhensible de constater que cette situation vécue depuis les derniers mois se déroule au moment même où notre ministre de l’Éducation, du Loisir et des Sports dévoile et publie officiellement le 30 juin dernier ses Lignes directrices pour l’intégration scolaire des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage!
D’entrée de jeu, on y lit mot pour mot dans ce document que « les lignes directrices visent à définir les conditions optimales qui favorisent une intégration scolaire harmonieuse. Elles s’adressent d’abord aux gestionnaires des commissions scolaires et des écoles ainsi qu’aux directions d’établissements d’enseignement privés. Elles visent aussi à transmettre un message univoque à l’ensemble des intervenants pour une intégration scolaire réussie. »
Question de réussite, on repassera! Permettez-nous également de douter que nos bienveillants dirigeants et autres intervenants de la CSP respectent présentement ces lignes directrices. Notamment, parmi les quatre principes et orientations qu’on y retrouve, on constate que les deux suivants nous apparaissent non respectés par cette même décision rendue à la CSP :
· Faciliter la participation de l’élève à l’ensemble des services et des activités de l’école en planifiant les adaptations nécessaires pour répondre à ses besoins.
· Prendre toute décision dans le meilleur intérêt de chaque élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, en collaboration avec ses parents, à la suite de l’évaluation personnalisée de ses besoins et de ses capacités et en adoptant une vision systémique de sa situation.
Parlant de collaboration avec les parents, force est par ailleurs de constater que cette notion de principe ne fait pas partie des priorités des gestionnaires et du Conseil des commissaires de la Commission scolaire des Patriotes. En fait, un jour on nous dit que les parents seront consultés et auront leur mot à dire par rapport aux nouvelles réalités de leurs enfants et, de l’autre, on entend dire qu’il n’y aura pas de telles consultations de la part de la Commission scolaire. Espérons que tout cela ne soit que rumeur!
Nous continuons tous de demander haut et fort que la CSP revienne sur sa décision et qu’elle respecte ces principes et ces orientations du MELS en ce qui a trait à l’intégration scolaire et sociale de notre garçon Louis-Victor. « L’éducation doit s’acquitter de la difficile mission de faire de la diversité une force constructive de nature à contribuer à la compréhension mutuelle entre individus et entre groupes », UNESCO (2003). L’ouverture sur les autres est essentielle dans toute société moderne, peu importe nos capacités physiques ou intellectuelles. Au lieu de cacher la différence en isolant notre enfant de son environnement scolaire normal, la CSP n’a d’autre choix que de refaire ses devoirs et de respecter la différence de notre fils et celle des autres êtres humains concernés.
Liette Perreault et Bernard Doré,
Saint-Basile-le-Grand.