L’objectif inavoué de la campagne publicitaire de l’Office québécois de la langue française

Visa le blanc, tua le noir? Non… la campagne publicitaire de l’Office québécois de la langue française (OQLF) est une campagne bien ciblée, mais mal avouée : elle réduira les plaintes, mais… pas les marques de commerce en anglais. L’objectif semble davantage de faire accepter aux Québécois des enseignes de commerce bilingues que de franciser ces enseignes.

La présidente-directrice générale de l’OQLF, Mme Louise Marchand, a annoncé dimanche une « démarche de sensibilisation (qui) a comme objectif d’amener les entreprises installées au Québec à se conformer à la Charte de la langue française ». Mais voyons comme elle s’y prend.

La clientèle visée?

Avant de concevoir une campagne publicitaire, l’une des premières questions que se pose un dirigeant, c’est : « Qui est la clientèle visée? » Dans ce cas-ci, la présidente de l’Office l’annonce d’emblée : « Les entreprises installées au Québec ». Bref, des chefs d’entreprise dont le siège social est le plus souvent en Ontario, en Californie ou en Pennsylvanie : les PDG de Payless ShoeSource, Banana Republic, United Colors of Benetton, American Eagle Outfitters, etc.  

Quelle langue parlent-ils? L’anglais, mais elle fait une campagne pour les influencer en français.

Comment veut-elle les rejoindre? Au lieu de prendre contact avec eux à leur siège social, elle fait une campagne publicitaire dans les marchés québécois et annonce une tournée des régions du Québec. Il est assez étonnant qu’un organisme aussi prestigieux et aussi bien outillé que l’OQLF fasse autant d’erreurs de communication dans une seule campagne.

Quel est le véritable objectif?

Il faut décoder que l’objectif avoué publiquement et l’objectif réel semblent assez différents. En effet, Mme Marchand a fait valoir, lors de sa conférence de presse, que les plaintes contre les bannières unilingues des commerces augmentent. Et le deuxième paragraphe de son communiqué de presse explique que les noms de commerce dans les deux langues sont permis selon certains critères. Et l’on sait que la règle des communiqués de presse est de commencer par les messages les plus importants.

Regardons maintenant le texte du film publicitaire préparé par l’Office (en fait, lisons-le) : « Il y a des marques d’affection et des marques d’appréciation; des marques de soutien, de reconnaissance. Il y a des marques de respect de la loi. Et respecter la Charte de la langue française dans l’affichage d’une marque de commerce comme nom d’entreprise, c’est au minimum afficher un descriptif en français » (Visuel : « ameublement Daily living »).

Le message qu’il faut déchiffrer dans le film publicitaire (décliné dans plusieurs produits, telles les annonces à la télé et sur le Web), c’est qu’une bannière mi-anglaise mi-française est légale. Il n’y a rien dans l’annonce publicitaire qui incite les commerçants à avoir une bannière en français ou qui leur demande de traduire leur marque de commerce (Marché Express de Shell l’a fait avec leur On the Run), mais il y a un vrai message pour expliquer que bilingues, les enseignes de marques de commerce sont légales sans prédominance du français. On a accès à l’ensemble de la campagne au www.respectdelaloi.gouv.qc.ca <http://lnk01.com/c/443/53cd127ca07c0c5fff8fa93f87acdebe3cca7cbd5fc4a622fa6629c89cfa12e7>

Imaginons maintenant que l’OQLF ait voulu faire une campagne pour expliquer la loi 101 aux Québécois et Québécoises afin que leurs plaintes cessent ou diminuent. L’Office aurait fait une campagne en français au Québec, doublée d’une tournée dans les régions pour expliquer les exceptions à la loi qui permettent les bannières moitié en français moitié en anglais.

Et c’est ce que l’Office a fait…

Mais pourquoi tenter de duper les consommateurs et leur faire croire que l’Office a entrepris une « démarche de sensibilisation (qui) a comme objectif d’amener les entreprises installées au Québec à se conformer à la Charte de la langue française »?

Est-ce trop difficile d’avouer qu’on veut sensibiliser les consommateurs aux droits des entreprises d’afficher leur marque de commerce en anglais pour réduire leurs plaintes?

Et que l’on peut respecter la loi 101 en affichant surtout en anglais?

Carole Lavallée,

consultante en communication.

(L’auteure a été directrice des communications du Parti québécois et du Bloc québécois et consultante en communication. À ce titre, elle a organisé plusieurs importantes campagnes nationales de publicité.)