Évaluation ou dévaluation des profs?

Encore une fois, l’Institut économique de Montréal, organe de propagande néolibéral de Power Corp., tente de nous imposer son idéologie. Est-ce par volonté de démolir encore plus le système public ou est-ce simplement par obstination idéologique?

Cette fois, c’est l’idée très directoriale de l’évaluation des profs. À première vue, cela peut paraître séduisant, puisqu’on nous dit qu’on va récompenser les « bons » et punir les « pas bons ». Mais dans les faits, qu’en sera-t-il?

D’abord, qui fera l’évaluation? Les directions d’école! Donc, des administrateurs. Ensuite, quels critères détermineront la « performance » des profs? Le taux de satisfaction des parents? Combien de parents voudront prendre le temps, deux ou trois fois par an, de remplir les formulaires d’évaluation de huit profs pour chacun de leurs enfants au secondaire?

Alors, les notes des élèves? Et comment tient-on compte des disparités de quartiers, d’écoles et même de groupes? Est-ce qu’une école qui filtre les élèves pour ne garder que les meilleurs en empêchant les moins bons d’entrer a automatiquement des profs plus performants? Si un élève en difficulté sérieuse (d’apprentissage et de comportement) disparaît ou apparaît en cours d’année, est-ce que la « performance » du prof change soudainement par magie? Est-ce qu’un prof peut en même temps, jour après jour, être très compétent dans un groupe et un gros incompétent dans un autre? Et ce n’est que la surface des difficultés d’évaluation.

Et que dire de la pléthore de bureaucratie que ce système générera? Il faudra bien des bureaucrates pour concevoir et rédiger les questionnaires d’évaluation, s’assurer que les profs, élèves et parents les remplissent et les remettent, traiter ces questionnaires, déterminer le rapport entre les résultats et d’éventuelles grilles salariales, etc. Imaginez l’explosion de paperasse!

L’évaluation des profs a été tentée aux États-Unis sous Bush : un désastre! Diane Ravitch, la responsable de son implantation, en trace le bilan (très négatif) dans son livre The Death and Life of the Great American School System. Plusieurs grosses boîtes d’informatique utilisent aussi ce système. Résultat : les employés perdent un temps précieux à remplir des rapports qui détermineront leur « mérite », au lieu de faire leur travail.

Et le système est utilisé dans les conseils d’administration. Est-ce que H.-P. Rousseau a pour autant bien géré la Caisse de dépôt? Est-ce que Caillé et Vandal ont bien dirigé Hydro? Est-ce que les grandes institutions financières gèrent bien notre économie?

Et quand on y pense, les conseils des ministres fonctionnent avec un système de promotion et rétrogradation au « mérite ». Est-ce que nos gouvernements fonctionnent bien? Et qui reçoit ces promotions? Les plus « fidèles » au chef.

Ce qui nous amène à la définition du prof « idéal » selon les critères probables d’évaluation. Il devra faire le clown et amuser les élèves pour qu’ils ne s’ennuient pas. Ne pas leur donner trop de travail pour qu’ils ne se plaignent pas. Les faire passer coûte que coûte pour que les parents soient satisfaits. Ne pas achaler la direction avec des problèmes de discipline ou des demandes de ressources ou de matériel. Bref, bien faire « son travail » en transformant sa classe en garderie pour ados.

Est-ce vraiment ce qu’on veut de notre système d’éducation publique?

Pierre Lagassé,

Saint-Basile-le-Grand