Devons-nous opter pour une civilisation de la mort ou une civilisation de la vie?
Pour une deuxième fois, je me retrouvais, le jeudi 10 mai dernier, sur la Colline parlementaire à Ottawa, pour appuyer la cause des « enfants à naître ». J’étais loin d’être seule car, en dépit du froid qu’il faisait, 20 000 personnes s’y retrouvaient (majoritairement des jeunes), pour dénoncer l’injustice faite aux plus vulnérables de notre société, soit les « non encore nés ».
Cette année, cette 15e manifestation portait sur l’hypocrisie des gens qui se disent pro-choix, mais qui s’insurgent, du même coup, des avortements de bébés féminins ou « avortements sélectifs ». Voici ce qu’avançait Alissa Golob, coordonnatrice jeunesse de la Coalition nationale pour la vie : « La seule façon d’être favorable à l’avortement, c’est si vous pensez qu’un enfant non encore né n’est pas un être humain et s’il n’est pas humain, cela ne devrait pas faire de différence qu’il soit féminin ou masculin. » Sur ce, la coordonnatrice de la Coalition pour le droit à l’avortement, Joyce Arthur, rétorquait : « Nous appuyons le droit des femmes d’obtenir un avortement, que nous aimions leurs raisons ou pas. » Voilà qui vient drôlement épicer le débat…
À partir d’un tel raisonnement, il n’est pas surprenant qu’on en arrive à plaider pour le droit de supprimer des nouveau-nés de la même manière que l’on peut avorter… Vous croyez que j’exagère? Deux chercheurs en bioéthique, Francesca Minerva, de l’Université de Melbourne, et Alberto Giubilini, de l’Université de Milan, ont cosigné un article du Journal of Medical Ethics « Killing babies no different from abortion, experts says » (29 février 2012) qui va comme suit : « Nous affirmons que le droit de tuer un nouveau-né devrait être éthiquement permis dans toutes les mêmes circonstances que l’est l’avortement. Ces circonstances incluent les cas où les nouveau-nés […] peuvent être un risque pour le bien-être de leur famille. » Les deux chercheurs font valoir : « Le statut moral d’un enfant est équivalent à celui d’un fœtus dans le sens où il manque aux deux les propriétés qui justifient l’attribution d’un droit à la vie à un individu. » Plutôt que d’être des « personnes réelles », les nouveau-nés ne seraient que « des personnes potentielles ». Les chercheurs distinguent ensuite l’« avortement postnatal » de l’euthanasie, affirmant que l’euthanasie est l’acte de faire mourir quelqu’un dans son propre intérêt, tandis que l’« avortement postnatal » est celui de tuer dans l’intérêt des personnes impliquées et non dans celui du bébé lui-même. Pour ces deux auteurs, « si des critères de coût social, psychologique ou économique pour des parents potentiels sont d’assez bonnes raisons pour avorter même si le fœtus est en bonne santé, […] les mêmes raisons doivent pouvoir justifier l’avortement postnatal ».
Voilà où nous pouvons en arriver quand les êtres humains s’octroient un droit de regard sur la vie de leurs pairs. Devons-nous opter pour une civilisation de la mort ou une civilisation de la vie? Je choisis la civilisation de la vie, avec les difficultés que cela peut comporter…
Nicole Charbonneau Barron