Une incursion dans le monde de la lutte
Un journaliste dans le ring
Ok, je dois l’avouer : c’est un peu à reculons que le 17 mars dernier, je suis allé à Granby afin de participer au gala Ultimatum, de la Granby Entertainment Wrestling (GEW). Oui, je parle bien de lutte. Grâce à un contact dans la fédération, le journal Les Versants a été en mesure de s’introduire dans le sous-sol de l’École secondaire de la Haute-Ville et d’en apprendre un peu plus sur les dessous et les secrets de l’univers de la lutte.
L’idée de départ, c’était de faire un peu de lutte avec notre contact de la GEW, Kevin Goulet. J’aurais appris quelques trucs faciles à effectuer dans un ring, j’aurais eu le plaisir d’affronter un adversaire, de courir dans l’arène et de sauter du sommet de la troisième corde; la base, quoi! Ce qui m’aurait permis en même temps, l’espace d’un moment, de retomber en enfance en recréant les acrobaties de mes héros d’antan, et mon défi de journaliste-cobaye aurait été relevé. L’idée d’imiter à nouveau, comme je le faisais avec mes frères, les voltiges, cascades et mimiques d’Ultimate Warrior, de Bret « The Hitman » Hart, du Undertaker et de Hulk Hogan me plaisait.
Mais les organisateurs de la fédération GEW en avaient décidé tout autrement! À quelques jours de la date fatidique, j’apprenais que je participerais au gala devant public! Pas en privé, en public! Mais la GEW tenait à se protéger en cas de blessure sérieuse : pas question que je lutte contre un de ses matamores. L’idée, c’était que j’arbitre le match entre « Surfer » Mitch Thompson, le héros, et Benedict Brown, le méchant, match lors duquel je serais impliqué en mangeant une volée…
Le gala Ultimatum s’amorçait uniquement à 19 h. Cependant, mon rendez-vous à Granby était prévu pour 15 h 30 afin de suivre un « crash course » avec quelques lutteurs amateurs; en d’autres termes, pour un entraînement privé avec les athlètes déjà sur place. J’ai appris à encaisser les coups, à me déplacer dans un ring, à rebondir dans les cordes, à chuter sur le matelas sans me blesser sérieusement, et à recevoir un body slam (enfourchement-écrasement) et une souplesse arrière. La nervosité laissait place au plaisir.
Mais outre l’entraînement, le « crash course » servait également à « scénariser » le déroulement du match et l’implication que je devais avoir en tant qu’arbitre du deuxième combat de la soirée. Avec l’aide et les conseils de « Surfer » Mitch Thompson et de Kevin Goulet, alias DXTREM, nous avons planifié de quelle manière le duel se déroulerait « autour de » et « avec » moi. En même temps, on me rappelait les règlements qu’un arbitre officiel devait connaître. J’étais de plus en plus de retour en enfance!
Entre l’entraînement et le début de l’événement, j’avais un peu plus d’une heure de libre : j’en ai profité pour manger un peu. Et boire beaucoup d’eau. La nervosité était de retour. Je me sentais tendu et craintif. J’avais les mains tremblantes. J’avais la bouche sèche malgré les litres d’eau que je buvais. Une pression m’écrasait les épaules et me donnait des difficultés à respirer. Qui sait? Peut-être était-ce un signe pour ne pas y aller, pour ne pas retourner sur le ring? Pourquoi une telle réaction du corps?Contrairement à ma tête, mon corps refusait de relever le défi. J’y suis quand même retourné afin de me préparer, me concentrer sur le déroulement du combat et enfiler mon costume d’arbitre.
Il est presque 20 h. C’est l’heure du deuxième match de la soirée, c’est mon tour! Mon tour de sortir de derrière le rideau, de m’avancer devant une foule animée, de monter les marches jusqu’au ring, de passer entre le deuxième et le troisième câble, et de mettre les pieds dans l’arène, d’attendre l’arrivée des belligérants, un acclamé par les spectateurs, l’autre chahuté par ces mêmes observateurs : hommes et femmes de tout âge, mères et pères de famille, jeunes enfants, étudiants…
La peur laisse place à l’adrénaline, à l’excitation, au plaisir de se retrouver en plein milieu de l’assistance et de devenir, pour quelques minutes, l’un des trois personnages d’une histoire qui divertira près de 150 personnes.
Dong! Dong! Dong! Je donne le signal pour faire sonner la cloche : c’est le début du combat entre « Surfer » Mitch Thompson et Benedict Brown.
Le match se déroule rondement. Les deux hommes se donnent de bons coups, exécutent quelques voltiges impressionnantes me forçant à me déplacer de plus en plus rapidement dans l’arène afin de ne pas nuire à leur travail. La foule semble apprécier également, intervient en injuriant le méchant, crie des directives à l’arbitre, qui semble oublier que tirer les cheveux, c’est interdit et qu’il faut « casser la prise ». Après quelques minutes, « Surfer » Mitch se fait aveugler par Benedict Brown. Je m’approche alors du jeune lutteur blond pour voir s’il est sérieusement blessé. Mais Mitch ne voit plus rien! Croyant faire face à son ennemi, il m’attrape par le califourchon pour un solide body slam! Grâce aux trucs que j’ai appris plus tôt, je positionne mains, jambes et bras afin d’encaisser la chute au matelas plus facilement. Le choc est solide, je roule plus loin, sous les cordes et j’attends, inconscient. L’arbitre est hors de combat quelque temps, assez en tout cas pour rater un compte de trois qui aurait donné la victoire au vilain. Furieux, celui-ci s’approche de moi pour me réveiller. Quelques claques derrière la tête et je reviens péniblement à moi. Et comme je l’avais si souvent observé dans ma jeunesse, lorsque j’écoutais la WWF le samedi midi au canal 11, je rampe péniblement, le plus lentement possible jusqu’au milieu de l’arène pour le compte de… un… deux… troo… Non! « Surfer » Mitch réussit à se dégager! Mais Benedict se relève, furieux contre la lenteur de l’arbitre, qu’il prend la peine d’appeler Alakazou! Je l’invective à mon tour, lui rappelant que c’est moi qui décide parce que je porte l’uniforme rayé blanc et noir. Benedict Brown entreprend donc de donner une autre volée à l’arbitre : il m’attrape sur ses épaules, prêt à me donner une souplesse ou un autre type de body slam. Mais peu importe, puisque « Surfer » intervient à temps pour me sauver et me remettre sur pied, juste avant d’en finir avec son adversaire grâce à un superbe 450 Splash. Et cette fois : un… deux… trois! Le compte est bon!
L’arbitre lève le bras du bon lutteur dans les airs, en signe de victoire, devant
une foule en liesse; bon joueur, à son tour, « Surfer » lève le bras de l’arbitre et me pointe, impressionné par le travail que je venais d’accomplir pour une première fois.
De retour dans les coulisses, je suis félicité par plusieurs personnes, qui sont surprises de voir à quel point je me suis bien débrouillé pour quelqu’un qui ne fait pas ça habituellement. On m’offre même de revenir les autres mois si l’envie d’arbitrer me prend à nouveau. Je suis content de moi : non seulement je m’en suis sorti, mais je sais que j’ai très bien fait; j’ai même eu l’impression d’être dans mon élément. C’est peut-être aussi parce que je retombais en enfance, mes frères et moi organisions si souvent des combats de lutte en personnifiant nos héros préférés! Bref, je me suis amusé comme un fou!