Une mains d’œuvre étrangère bloquée

Les travailleurs guatémaltèques attendus par Services Paysagers Dominique Filion pourraient ne jamais venir au Québec cette année.

Les travailleurs étrangers n’ont toujours pas pu rejoindre les rangs de l’entreprise basée à Saint-Basile-le-Grand, Services Paysagers Dominique Filion.

En 2019, avant la pandémie, 32 Guatémaltèques avaient intégré les rangs de l’entreprise. En 2020, les difficultés reliées à la pandémie ont fait baisser le nombre d’arrivants à 21 et, cette année, ils devraient être 15. Il faut parler au conditionnel, car même si la saison d’activité principale de l’entreprise a débuté à la mi-mars, aucune des 15 personnes attendues n’a pu encore franchir la frontière. Surtout que 18 personnes étaient envisagées et que 3 se sont déjà désistées à cause des délais d’obtention d’un visa de travailleur trop longs.

« L’histoire se répète. Avec la pandémie, nous avons fait notre demande en juillet 2020 pour cette année. On comptait sur eux pour le mois d’avril, mais on ne sait toujours pas aujourd’hui quand ils pourront arriver », explique Dominique Filion, président et fondateur de l’entreprise.

Catherine Filion, directrice générale de l’entreprise, en charge des ressources humaines, n’hésite pas à pointer du doigt les instances fédérales canadiennes. « Ça bloque à l’ambassade du Canada au Mexique. Il y a 13 ans, cela nous prenait 3 mois pour effectuer les formalités afin de faire venir des travailleurs étrangers. Maintenant, c’est plus de 10 mois et c’est toujours plus compliqué. En plus, aujourd’hui, nous n’avons encore aucune certitude que nous pourrons les recevoir. Qu’est-ce qui se passe? »

Cela fait 12 ans que l’entreprise, qui compte 150 salariés, travaille avec quelques familles. Des familles qui reviennent année après année, de génération en génération.

« Ils font partie de la famille, désormais. On a eu le temps de s’attacher à eux. Nous voudrions bien proposer nos emplois aux Québécois, mais sur 25 CV reçus, nous en avons un Québécois. Pourtant, les salaires sont bons et la profession est désormais bien structurée. »

Ces retards à l’ambassade canadienne au Mexique provoquent bien des maux de tête à l’entreprise de Dominique Filion. En plus des dépenses générées par les frais des logements qui attendent pour accueillir les travailleurs étrangers, il y a aussi la pression exercée sur les chantiers à réaliser sans cette main-d’œuvre. « Cela ralentit notre production, c’est certain, et nos équipes sont obligées de faire des heures supplémentaires. »

Des métiers priorisés

Le journal a contacté Ferme Québec, l’organisme en charge de « recruter des travailleurs étrangers temporaires, quel que soit votre secteur d’activité », peut-on lire sur son site.

L’organisme reconnu s’occupe de l’entreprise de paysagement, mais n’aura pas « de solution miracle » à lui proposer. « Depuis la pandémie, il y a des secteurs d’activités qui sont priorisés pour le recrutement de travailleurs étrangers. Il s’agit de la santé et des travailleurs dans l’agroalimentaire. En dehors de ces deux catégories d’emploi, lorsque la demande de travailleurs est faite à l’étranger, elle n’est pas priorisée par le gouvernement fédéral », d’indiquer au journal Natalie Pouliot, directrice adjointe de Ferme Québec. Or, les entreprises dans le secteur de celle de Dominique Filion ne font pas partie des catégories priorisées.

L’an dernier, le gouvernement fédéral n’a pas traité d’autres demandes que celle touchant des travailleurs étrangers œuvrant dans les domaines prioritaires, sauf exception. Services Paysagers Dominique Filion faisait partie de ces exceptions. « Je comprends le désarroi de l’entreprise en question, mais elle savait qu’elle jouait à la roulette russe. Depuis le début de la pandémie, le personnel des services du gouvernement fédéral fait du télétravail. De plus, les pays d’origine des travailleurs étrangers peuvent connaître des situations très différentes de celle du Canada face à la COVID-19 et des cas répertoriés. Tout cela fait que plusieurs entreprises ont fait des demandes de travailleurs étrangers à leur risque et péril, sachant qu’il y avait des demandes prioritaires. »

Mme Pouliot explique même que l’an dernier, certaines entreprises ont reçu une réponse positive en novembre, décembre. « Il était alors beaucoup trop tard. »

L’affaire des tomates Demers

La situation d’employés sud-américains venant travailler au Québec de 6 à 9 mois n’est pas sans rappeler l’affaire touchant l’entreprise des Serres Demers. Radio-Canada dévoilait la semaine dernière que des saisonniers provenant du Guatemala étaient logés dans des bâtiments insalubres.

« Je trouve ça inacceptable! C’est honteux! Pour moi, c’est un honneur de pouvoir compter sur cette main-d’œuvre qui quitte leur famille pendant huit mois. Je considère qu’il faut les recevoir comme si nous recevions notre famille dans un endroit sécuritaire et dans le respect. Quand je vois des entreprises qui les traitent ainsi, ça me renverse! » de s’insurger Mme Filion.

Il faut dire que l’entreprise Services Paysagers Dominique Filion consacre cinq habitations différentes à ses travailleurs étrangers, allant du quadruplex refait à neuf, avec air climatisé dans chacune des chambres, à la maison unifamiliale. « Nous leur procurons également des voitures pour qu’il se déplacent. »