Au Vieux Presbytère : liens mi-figue mi-raisin entre nature et industrie

Frédéric Saia s’intéresse à l’art environnemental. Philippe Allard regarde du côté de la sculpture et de l’installation. Le premier s’inspire de la nature, « son moteur de recherche ». L’autre se dit fasciné par notre propension à exploiter ou détruire cette nature.
« Le projet a pris un peu une tangente différente, décrit Frédéric Saia. On n’est plus dans les nuages, mais sur une île désertique en lien avec Thémis (fille du ciel et de la terre; déesse de la justice, de la loi et de l’équité dans la mythologie grecque). »
L’exposition intitulée Thémis – À travers les nuages, sous les nuages représente, entre autres, une île qui occupe une bonne partie du plancher de la première salle du Vieux Presbytère. « Un territoire complètement aride qui se fait irriguer tranquillement. Peut-être est-ce une île désertique? une île submergée? ou ayant subi une tempête? Au point où il n’y a plus de matière arable. » Et au passage, questionne encore Frédéric Saia : « Peut-être est-ce des réfugiés climatiques? » Il y aura « une réadaptation ». Goutte à goutte, l’eau viendra irriguer et la végétation s’installe alors.
L’artiste est diplômé de l’UQAM en arts visuels et médiatiques en association avec l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence. Frédéric Saia est aussi photographe. Il manifeste un intérêt pour le mouvement Slow Art (Slow Life), à la manière du mouvement italien pour le Slow Food. Son CV énumère plusieurs expositions au Québec, au Canada, aux États-Unis, en France, en Italie, et ce, depuis 2003.
La réadaptation dont parle l’artiste passe-t-elle par une souffrance ? « Pas nécessairement dans ce projet. Dans un bloc de pierre nu, on ne sait pas du tout par quel phénomène s’est-il trouvé érodé. » Et de citer, à titre d’exemple, la matière organique qui a commencé à occuper les Montérégiennes une fois leur glaciation terminée. « La nature, poursuit-il, peut être forte et s’adapter à toutes sortes de situations. »
C’est cette nature qui est devenue son terrain de jeu. C’est son « moteur de recherche » et le rapport à la justice implique aussi le rapport à l’être humain. « Ici, si l’on exploite à outrance les territoires forestiers où il y a des gens qui peuvent y habiter, il y aura de l’érosion; l’endroit sera mort et on doit le quitter. »
Le visiteur sera donc invité à explorer l’univers de Frédéric Saia. « Peu importe l’interprétation, observe-t-il, que ce soit une expérience constructive, positive à laquelle on peut se rappeler. »
Arte povera
Philippe Allard s’inspire de l’arte povera. S’y inscrire, « c’est adopter un comportement qui consiste à défier l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation » (mediation.centrepompidou.fr). De fait, il va inscrire ce regard lors de la 5e Biennale de Marrakech en mars 2014, en construisant un immense cube à l’aide de palettes de bois.
Dans une cour à ferraille à Terrebonne, « j’ai commencé le corpus, relate l’artiste, avec l’industrie automobile dans un cimetière de voitures que j’ai érigées à la verticale sur une distance d’environ 25 mètres. C’est littéralement un domino de voitures qui tangue. C’est l’effet de la conséquence de tout ce que l’on peut imaginer par rapport à notre dépendance à l’automobile. »

L’exposition Télescopages en cours de production propose une série d’œuvres, dont les objets ont été ramassés çà et là

« Ce qui me fascine, c’est combien on s’inspire de la nature pour mieux l’exploiter ou la détruire. » – Philippe Allard

Détenteur d’un baccalauréat en design graphique à l’UQAM, il participe à plusieurs expositions individuelles, entre autres, au centre Articule, à la Fonderie Darling et au Confederation Centre de Charlottetown. Avec Justin Duchesneau, il était lauréat du concours de la Place-des-Arts de Montréal en 2009 et du prix d’art public de l’AGAC pour l’installation Courtepointe en 2014.
« Ce qui me fascine, c’est combien on s’inspire de la nature pour mieux l’exploiter ou la détruire », confie Philippe Allard, qui met en équation nature et notre milieu de vie, comme il affectionne un intérêt vif pour « le monde mécanique, une fascination pour les objets eux-mêmes ».
L’exposition Télescopages en cours de production propose une série d’œuvres, dont les objets ont été ramassés çà et là : « Ce sont des morceaux de réflecteurs de phare de voiture. C’est comme si l’accident avait semé ses éclats un peu partout et qu’il avait donné un résultat à d’autres expérimentations. »
Celles-ci vont se poursuivre et feront peut-être l’objet d’échanges avec le visiteur sur « la signification, sur la portée de l’œuvre que sur son message ».
Le vernissage a lieu le dimanche 21 janmvier à 14h. Ces expositions se poursuivent jusqu’au 4 mars. Les visiteurs peuvent voir la vidéo du montage des œuvres en visitant le site internet de la ville. Le Vieux Presbytère est ouvert du mercredi au dimanche, de 13 h à 16 h 30.