Saint-Bruno : des auteurs d’ici piratés et utilisés par Meta
Certaines oeuvres littéraires d’auteurs de la région ont été piratées et utilisées par Meta pour entraîner son intelligence artificielle. Contactés par Les Versants, Maryse Pagé, Anne-Marie-Sicotte, Louis Émond et Mélissa Perron, entre autres, réagissent à cette controverse.
« C’est inacceptable! Je suivrai de près les démarches entreprises par l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) pour nous défendre », répond d’emblée l’écrivaine Maryse Pagé.
D’après un moteur de recherche rendu accessible par le magazine américain The Atlantic, les oeuvres littéraires d’auteurs de la région ont été piratées et utilisées par Meta pour entraîner son intelligence artificielle. On parle de dizaines d’auteurs du Québec.
L’outil de recherche que propose The Atlantic indique que le bouquin Raconte-moi le Cirque du Soleil, de Maryse Pagé, a servi pour alimenter l’intelligence artificielle de Meta.
« C’est affreux! déclare quant à elle la romancière Mélissa Perron, dont le premier roman, Promets-moi un printemps, se retrouve sur la liste des oeuvres piratées. Voir tout son travail pris comme ça, sans scrupules. Ça me fait sentir très petite face à cette machine-là. Notre propriété intellectuelle volée, l’avenir s’annonce comment pour les auteurs et les illustrateurs? C’est vertigineux d’y penser. »
Louis Émond a publié plusieurs romans et albums jeunesse au cours de sa carrière. De son côté, c’est le livre L’Abécédaire du plaisir solitaire, auquel il a collaboré en 2016, qui a été utilisé. « Mais même si je n’en avais eu aucun [dans la liste], je serais quand même outré », dit-il.
Selon lui, ce « larcin n’est qu’un chapitre supplémentaire d’une malversation amplement répandue dans la population, sous prétexte que, « la culture, ça devrait être gratuit! ».
Plusieurs romans d’Anne-Marie Sicotte
Meta a puisé dans une demi-douzaine de titres d’Anne-Marie Sicotte pour alimenter l’intelligence artificielle, dont Les amours fragiles, et des tomes des séries Les accoucheuses et Les tuques bleues.
La romancière montarvilloise abonde dans le même sens que ses collègues. « C’est vraiment le comble de l’outrage pour nous, les écrivains, car nous sommes très peu considérés par l’industrie du livre, qui rémunère d’avance tout le monde sauf nous, règle générale. À l’UNEQ, nous sommes en train de faire avancer ce dossier vers une meilleure rémunération de l’écrivain, et ça arrive comme une gifle. Ça sonne aussi comme une bonne poussée dans le dos pour continuer à se battre », mentionne celle qui siège au conseil d’administration de l’UNEQ.
Ils ne sont pas les seuls auteurs de la région dont le répertoire littéraire a été utilisé par LibGen. Le journal a aussi trouvé dans la banque de recherche des romans d’Emmanuel Lauzon, de Rébecca Mathieu et de Francine Laviolette, entre autres.
« Comme enseignant, j’ai toujours considéré la parabole comme l’une des façons les plus efficaces pour illustrer un point de vue », commente Louis Émond.
Pour faire comprendre à ceux qui ne sont pas auteurs ce que représente un tel piratage pour les écrivains, M. Émond se sert de la parabole suivante : « Imagine que je suis un chef cuisinier qui a de l’expérience, voire un certain talent, et dont quelques plats ont même été primés. Imagine maintenant qu’un jeune chef cuisinier me demande de lui remettre les recettes de tous les plats qui composent mon menu parce qu’il a l’intention d’ouvrir son propre établissement juste en face du mien. La situation dont on parle est encore pire que ça! Parce que le jeune cuisinier n’a pas demandé mais s’est emparé – ça s’appelle du vol, je pense – des recettes qui font le succès de mon restaurant et qu’il les utilise, avec une ou deux variantes, pour composer ses propres plats. Est-ce que ça ne foutrait pas en rogne n’importe quel cuisinier ou cuisinière? », raconte-t-il.
Dommage
Pour Maryse Pagé, cette controverse ne donne pas bonne presse à l’intelligence artificielle. « C’est vraiment dommage, parce qu’à cause de ça, on ne peut voir d’un bon œil l’arrivée de l’IA dans nos vies alors que ça pourrait être positif comme évolution technologique », avance-t-elle.